Il s'agit – mais de la meilleure écriture qui soit et qui ne s'exonère pas de prendre les choses avec dérision – d'un cours d'éducation sexuelle.
D'un point de vue strictement biologique, les organes masculins et féminins sont symétriques : les deux corps caverneux et turgescents du pénis se retrouve de chaque côté de la vulve ; le gland du pénis se retrouve être celui du clitoris, équipé de même d'un prépuce ; le méat urétral – ou urinaire - qui est au bout du pénis se retrouve sous le gland clitoridien ; et la prostate a pour équivalent les glandes de Skene – ce qui permet l'éjaculation féminine par le même méat urétral – l'éjaculat ayant une composition similaire à celle du liquide pré-éjaculatoire masculin. Enfin, le clitoris, comme le pénis, sont reliés par les même nerfs pudentaux au cerveau, sans passer par la colonne vertébrale (les femmes aussi raisonnent donc avec leur sexe) ; de même que les nerfs pelviens lui relient le vagin, le rectum et les régions profondes du pénis. Rien n'interdit de penser que les nerfs vagues et les nerfs hypogastriques, qui relient au cerveau l'utérus, ne lient aussi la prostate. L'équipement initial étant le même, rien n'indique donc à ce stade que l'orgasme suive un mode de production différent chez les uns ou chez les autres. La seule différence est la présence des glandes de Bartholin qui secrètent dans la vulve et à l'entrée du vagin un liquide lubrifiant – et, bien sûr, la présence du vagin.
Et justement en ce qui concerne la description de l'orgasme, des sexologues et des professeurs émérites qui ont lu des descriptions de ressentis personnels ont été incapables de classifier clairement quels témoignages étaient masculins – ou féminins.
Que se passe-t-il alors, entre le matos base et l'extase, au niveau du mode opératoire, qui mènerait à percevoir à ce point différemment l'atteinte du plaisir chez les uns et chez les autres – et qui justifie, au passage, comme y insiste l'auteure, cet ouvrage de 200 pages ?
Plusieurs pistes sont explorées dont aucune ne présente de caractère définitif : le déni (certaines personnes haïssant leur organe en seraient venues à l'ignorer tout simplement), l'inhibition (l'ennui que provoque la difficulté à exciter l'organe en mènerait d'autres à ne plus écouter leur corps et à préférer le laisser « tranquille »), l'ignorance (le refus de toucher l'organe mènerait à une méconnaissance de son fonctionnement, de ce qui procure du plaisir), la pression de la performance (la volonté de bien faire, la volonté de suivre le rythme imposée par le partenaire qui, s'il est masculin, précipite la durée du rapport sexuel, l'organe masculin s'excitant statistiquement plus vite et menait plus rapidement à l'orgasme, provoquant une urgence chez la partenaire qui aurait besoin de trois fois plus de temps), l'obsession (l'atteinte de l'orgasme à tout prix, coûte que coûte, intellectualiserait trop le rapport sexuel et atténuerait les sensations du corps), la culpabilité (je ne suis pas au niveau, j'ai des imperfections sur le corps, je ne fais pas comme il faut), le dégoût (certaines personnes, après leur premier orgasme, seraient en larmes et formeraient le serment de ne plus jamais le ressentir tant l'émotion est détestable), la peur (la perte de contrôle de son propre corps mènerait certaines personnes à « bloquer » les émotions, à refuser « d'aller plus loin », à se limiter à une sensation modérée par peur de ne plus pouvoir conserver l'entière maîtrise de leur corps), la diversité des physiologies (telle zone serait chez telle personne plus érogène que telle autre, ou bien c'est une combinaison de toutes ensembles qui provoqueraient le plaisir plutôt que l'une d'elle isolées), etc.
Une autre hypothèse de l'importance de la question de l'orgasme féminin serait une question de « communication » : la concordance entre la reconnaissance exprimée de l'excitation et la réalité de l'excitation (mesurée par une réaction du corps à des stimuli sexuels) serait moins forte chez un panel de femmes hétérosexuelles que chez des femmes homosexuelles (dont il est mis ailleurs en évidence qu'elles connaîtraient, statistiquement, mieux leurs corps que les premières) et que chez les hommes (homos ou hétéros). le corps pourrait donc réagir mais la personne ne pas le déclarer (soit qu'elle ne s'en rende pas compte, soit qu'elle le refuse, soit que… je ne sais pas).
Mais alors, si l'évidence du plaisir ne se manifeste pas plus clairement, que devient la question du consentement, et quel sens prendrait-il s'il n'était pas lié à l'évidence de la sensation d'un plaisir ? Quand pourrait-il être donné et sur quelles bases ? Courageuse, l'auteure ne s'exonère pas d'aborder le sujet, et mentionne, quelle que soit la motivation du consentement, des thèses évoquées ici et là sur l'importance de sa franche affirmation – ce qui est nommé le « consentement enthousiaste » – plutôt que de sa mention par défaut (j'ai dit oui puisque je n'ai pas dit non). Cela pourrait, selon l'auteure, contribuer à améliorer la concordance entre le plaisir ressenti et le plaisir exprimé, en permettant une meilleure conscientisation de ce qui fait plaisir et de ce qui ne fait pas plaisir.
Reste que le rapport sexuel ne serait en rien amené nécessairement à provoquer un orgasme (ou plusieurs), puisque le plaisir peut naître d'une sensation de bien-être et de satisfaction générale que différentes méthodes seraient susceptibles de rendre plus accessibles : les solutions sont diverses : méditation tantrique, méditation « orgasmique », la « pleine conscience », etc.
Ce résumé est bien sérieux au regard de ce petit livre facétieux et terriblement bien écrit qui, à défaut d'avoir provoqué un orgasme, m'aura donné d'innombrables éclats de rires (la séance de groupe initiale, les « aventures » de Vanessa, l'expérience au festival « Burning Man », rien de tel pour dédramatiser…).
Une question cependant : pourquoi Dieu – celui qu'on veut - ou la nature - a-t-il donc placé le clitoris en dehors – et si loin – du vagin ; et n'aurait-il pas simplifié les choses en le mettant dedans (comme a voulu le faire
Marie Bonaparte, p. 59, mais c'était une mauvaise idée) ? En attendant que cela change, « luxe, calme et volupté » : j'ai très envie de lire d'autres ouvrages de cette auteure, qui, décidément, apprend à ne pas passer à côté de l'essentiel.