On a tous des façons différentes d'appréhender le corps, notre corps.
Corps bichonné, dorloté, câliné.
Corps ignoré, oublié, abandonné.
Corps exécré, banni, planqué.
Corps négligé, maltraité, meurtri.
Corps rêvé, idéal, inaccessible.
Corps cultivé, façonné, fuselé.
On a tous des comportements différents face à ce corps selon l'âge, le sexe, la culture, le caractère... A bien y réfléchir, je comprends maintenant pourquoi
Daniel Pennac en a fait le sujet principal de son roman. C'était osé tout de même.
Placer le corps au coeur de l'histoire, au détriment de la pensée, du sentiment, de l'émotion, des amitiés, de l'amour, des chagrins...c'est un beau pari et parfaitement réussi !
Le narrateur de ce "
Journal d'un corps" relate année après année les malheurs, les joies, les mauvaises surprises, les résignations que lui font subir son corps.
Pour lui, ce serait plutôt :
Corps apprivoisé, aguerri, amadoué.
Ce journal, c'est avant tout celui d'un homme. Et c'est important de le dire. Parce qu'il ne peut être lu de la même manière selon qu'on soit un homme ou une femme. L'homme s'y retrouvera, s'y complaira, s'y sentira comme dans ses petits chaussons. La femme, elle, ira de découverte en découverte, s'amusera des petites manies masculines et inévitablement se tournera vers son conjoint pour lui poser la question fatidique : " Tu portes à droite ou tu portes à gauche, toi ?"
D'ailleurs, le narrateur ne s'y trompe pas.C'est bien aux femmes qu'il pense en écrivant son journal et c'est sur cette citation, à mon sens révélatrice d'une écriture franche et alerte, truculente et sans pudibonderie que s'achèvera ce petit billet. Voici ce qu'il écrit à 50 ans et 3 mois :
" Si je devais rendre ce journal public, je le destinerais d'abord aux femmes. En retour, j'aimerais lire le journal qu'une femme aurait tenu de son corps. Histoire de lever un coin du mystère. En quoi consiste le mystère ? En ceci par exemple qu'un homme ignore tout de ce que ressent une femme quant à la forme et au poids de ses seins, et que les femmes ne savent rien de ce que ressentent les hommes quant à l'encombrement de leur sexe."