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EAN : 9782818056660
368 pages
P.O.L. (05/01/2023)
3.7/5   104 notes
Résumé :
« J'ai, d'une certaine manière, tenté de dresser le portrait d'un héros d'une mythologie qu'il nous reste encore à écrire », explique l'auteur de ce premier roman, rédigé à la fois en prose et en vers. Le narrateur pénètre, presque par hasard, dans un monde qu'il méconnaît, le monde ferroviaire. Nous le suivons dans un véritable parcours initiatique : une formation pour devenir « mécano », conducteur de train. Il fait la découverte du train progressivement, de l'int... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
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Mattia Filice conduit des trains depuis dix-huit ans. Cet ancien projectionniste de cinéma s'est retrouvé mécano au hasard d'une reconversion, après un licenciement. Avec un irrésistible sens de l'humour et de la poésie, ce peu ordinaire premier roman transcrit son parcours en véritable épopée, virtuose bouquet de prose et de vers libres sur fond de grisaille industrielle.


« L'apprentissage du chevalier sans armure ni épée ni cheval », « le lyrisme du chevalier acheminé jusqu'au butoir », « le chevalier posté au croisement bon » : avec autant d'humour que de passion pour son métier, c'est en véritable chevalier du rail que s'érige l'auteur. Adoubé après une formation aux allures de rude parcours initiatique, le voilà à chevaucher des monstres d'acier d'une puissance colossale que seuls les membres de sa confrérie savent mener au doigt et à l'oeil, forts d'un savoir technique au jargon si obscur qu'il en devient étonnamment poétique, constamment sur le pied de guerre pour battre en brèche incidents et accidents - toujours possiblement dramatiques, en tout cas nécessitant chaque fois de livrer sans faillir la bataille qui assurera la sécurité et la continuité du service -, « lonesome cow-boys » convoyant contre vents et marées leurs cargaisons d'âmes ou de fret, dans une vie nomade semée de bivouacs en foyers perdus entre dépôts et gares de triage.


De traits d'humour en clins d'oeil cinématographiques, Mattia Filice réussit si bien à faire des petites anecdotes journalières de véritables épopées, que, chaque page comportant son lot d'épreuves à traverser, le récit nous tient au rythme de ses rebondissements comme un facétieux roman d'aventures. Formant une riche et disparate galerie de portraits, les acteurs anonymes du quotidien y deviennent des héros, liés par un esprit de corps prompt à se manifester par l'entraide, mais aussi par la grève. le livre se fait alors également social et politique, au gré d'observations de la relation au travail, des rapports hiérarchiques et de la manière dont les dirigeants considèrent les employés.


Mais, plus que tout le reste, ce sont véritablement ses qualités littéraires qui achèvent de rendre génial ce livre sans pareil. Et l'on s'incline chapeau bas devant le prodige de tant de poésie jaillie du mystérieux jargon des techniciens du rail et de l'austère ambiance industrielle des gares, des dépôts et des locaux techniques ferroviaires.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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En 2019, Joseph Ponthus nous faisait découvrir comme sa vie à l'usine était tout un poème avec « A la ligne : feuillets d'usine », écrit en vers libres et se dévorant comme un roman.
.
« En cet instant la poésie est le refuge sensitif
face à la rigidité des procédures et des jugements ».
.
En 2023, c'est au tour de Mattia Filice d'entrelacer vers libres et poésie en prose, pour nous ouvrir les portes de « l'Entreprise » dans laquelle il pénètre à son tour : celle des voyages embrassant le pays tout entier, des trains glissant dans les nuits noires et des rails traçant à grande vitesse la voie de la nouvelle vie qu'il s'est choisi. Si l'on peut craindre une pale copie du premier, la forme reflète pourtant moins le désir de céder à une mode qu'une nécessité presque vitale :
.
« J'écarte les murs avec des vers
ces murs couleurs fleur de souffre
je respire par ces vers
là où certains recourent à d'autres échappatoires »
.
Comme Joseph Ponthus, c'est pour échapper au chômage, et donc un peu par hasard, que l'auteur décide de suivre la formation pour devenir conducteur de train - mécano, pour les intimes.
.
« La loc nous attend
sommeille sous les projecteurs du dépôt
elle est pimpante sortie de l'atelier
notre première tâche consiste à vérifier
que les soins prodigués ne sont pas qu'apparence
un fond de teint et un coup de spray ne remplacent pas une douche
(…)
Elle semble une gloire du passé
dont on aurait statufié le souvenir
un portrait rectangle et une face plate
dont les pare-brise sont les yeux
les portes ses oreilles et la cabine son cerveau 
Nous pénétrons dans le crâne par une des oreilles »
.
Univers merveilleusement labyrinthique, technicité de la formation, personnalité de l'encadrement et connaissance avec ses futurs collègues, premiers pas dans les couloirs tentaculaires de « l'Entreprise », premières conduites longues distances, premier café en salle de repos, premiers freinages d'urgence, premiers cauchemars, premiers suicides sur la voie, premières amourettes en cabine, premiers retards, premiers doutes sur son métier et poids de la responsabilité qui commence à peser, la pénibilité, aussi, la fatigue, les incidents techniques et le matériel caractériel ; le manuel à potasser, la solution à tout problème ; premières évaluations psychologiques, premières… grèves, bien sûr !! Tout y passe, et c'est régal. Saviez-vous que le corps du rail était baptisé « l'âme » ?
.
« Tractionne coupe tractionne coupe
je suis les consignes de Gérard à la lettre
je ne sais pas où on va
ces rails emmêlés s'apparentent à du charabia
ratures d'acier qui me rappellent
mes copies de philo au lycée
quand le sujet portait sur l'âme 
sujet dont j'ai ici sous la roue une des réponses
l'âme : filet vertical qui relie le champignon au patin »
.
C'est donc corps et âme que j'ai basculé dans cette lecture où chaque explication technique de la difficulté du métier, loin d'être hermétique ni rébarbative, prend forme humaine : Sous la plume de Mattia Filice qui aime jouer avec les mots et les colorer de sens, les termes techniques prennent vie, dansant sous vos yeux aux rythme des loc qui s'animent,
.
« Gérard me laisse réveiller l'engin moteur
sortir le nourisson de 90 000 kg
d'une longue léthargie
je suis la main qui approche la cuillère de sa bouche
je ferme les circuits basse tension
et réalimente les poumons en air
l'air est l'hémoglobine au même titre
que le courant électrique
nutriments invisibles dont il se nourrit
avec un appétit d'ogre »
.
Les vers libres permettent en peu de mots à tout un univers de se dessiner sous vos yeux, trait après trait. le côté poétique et envoûtant du rythme en vers humanise les machines, les kilomètres de rail et allège la pénibilité quotidienne et la fatigue, survole la routine et relie les âmes arpentant inlassablement les voies entrelacées, pour en dresser des portraits parlés palpables, attachants et plus vrais que nature. J'ai aimé tous ces gens et
.
« De rail en aiguille je découvre
qu'on trouve de tout chez les Mécanos
ils s'irritent quand ils sont appelés chauffeurs
(…)
Du temps de la vapeur nous avions celui qui s'occupait du charbon
c'était le chauffeur
et celui qui s'occupait de la conduite
et de la maintenance de la locomotive
le mécanicien
adieu la vapeur il ne reste plus que le mécanicien »
.
Avec une sensibilité exacerbée l'auteur nous fait renouer avec son sérail, les gens comme les choses qui le composent. Que vous soyez habitués des voyages ou non, vous ne monterez plus dans un train de la même façon, vous ne porterez plus sur les chauff…- mécanos le même regard. Peut-être ne serez-vous pas plus rassurés en refermant ce livre qu'en le débutant, c'est vrai. Mais vous y aurez gagné en poésie et en humanité, c'est certain. La prochaine fois que je voyage seule, moi aussi je tape à la cabine du MÉCANO pour faire le voyage avec lui ;-) Que l'aventure (re)commence !
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Mécanos, c'est ainsi que se désignent entre eux les conducteurs de train. Mécano, un mot parmi tous les mots techniques, les acronymes barbares utilisés par la corporation des cheminots et qui est le langage de ce récit initiatique, moitié prose, moitié vers libres.
L'auteur et narrateur nous ouvre ce monde mystérieux des chevaliers du rail, entre l'apprentissage et les rituels d'un métier très technique et l'épopée chevaleresque de ces seigneurs du rail qui ont leur propre code d'honneur.
L'entrée dans le métier arrive un peu par hasard, après une période de chômage. Puis, très vite, Mattia Filice est happé par ce travail à la fois fatiguant et fascinant.

« Tu veux conduire le train ?
Ce n'est qu'à cet instant que j'associe
ce serpent métallique à un humain
c'est le déclic fait de bric et de broc
du voyage sur la toile au travelling permanent. »

Comme un voyage sur rail en roue libre, cet opus de 363 pages nous ouvre d'autres horizons, ceux du travail de roulant, de la condition ouvrière avec ses conflits, sa solidarité et ses peines. Roman social mais pas que car l'auteur taquine la muse, il aime Rimbaud et la poésie, les récits d'aventure.
Il nous raconte son quotidien et celui de ses collègues : Ach, Gérard, Yann, Adama et Hidaya, une des rares femmes à exercer ce métier. Tous mobilisés pour faire leur job et c'est beau, cette solidarité ouvrière, cette débrouille pour que les trains arrivent à bon port. Car les avanies, les pannes, les accidents de personne, sont légion sur les rails. Et lorsqu'ils rentrent, ils sont d'humble héros méconnus.

« Il rentre avec une odeur de diesel sur sa veste de trappeur
Il revient vivant d'un western où il n'y a eu finalement aucune attaque de la diligence. »

Au-delà du témoignage, ce récit est aussi une critique sociale et politique, surtout lorsque Mattia Filice évoque les jours de grève des roulants.
La forme littéraire surprend par sa diversité et ses fluctuations permanentes qui, parfois, désorientent ou irritent le lecteur, c'est selon. Il faut le voir comme un long voyage sur les rails, se laisser porter par le rythme du train comparable à celui des phrases sans ponctuation. Mais l'auteur n'a-t-il pas défini lui-même son roman de « Pudding littéraire ».
Au final, une lecture curieuse, un tantinet longuet, surtout quand il s'agit de suivre l'entrée du narrateur dans le métier. Malgré la lecture parfois astreignante, j'ai trouvé la forme très originale, où poésie, humour et critique sociale s'entremêlent sans ordre mais sans jamais dérailler.
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Premier roman de Mattia Filice, « Mécano » nous plonge dans l'univers des cheminots à l'ère contemporaine de la technologie et de la vitesse insensée, où la pression de quelques phalanges sur quelques manettes suffit à faire serpenter au kilomètre-heure près des monstres métalliques de 460 tonnes lancés à toute berzingue sur les caténaires de l'électricité. Un univers du rail familier de nos paysages transfigurés, plus sûrement méconnu une fois à l'intérieur des cabines.
Il faut dire que cet espace de trois mètres carrés des vitesses folles est singulier, la vie professionnelle y bat d'un coeur déshumanisé, isolé des voyageurs et du reste du monde. Mais elle se réchauffe au dehors par la solidarité et l'amitié complice des chevaliers du rail, sur lesquels le roman s'appuiera pour construire en arrière-plan fragmenté les personnages et les intrigues, sur un mode aventureux.
C'est sur le tempo de lignes et d'une prose en vers libres que Mattia Filice a choisi d'enfiler ses réflexions – avant une prose classique de plus en plus présente sur le final, comme pour figurer une adaptation de son narrateur à cet univers du rail. On pense forcément au regretté Joseph Ponthus, bien qu'il se dégage de ces lignes une forme de poésie autant voire plus qu'une aliénation pour signifier la mécanique de l'esclavagisme moderne, dans un voyage des mots et des sigles. Mais il sera aussi question d'un monde du travail où la pénibilité des cheminots se convoque autant en termes physiques que sur le psychisme morcelé de vies expatriées du cocon familial, désorientés par ces lignes de rails interminables menant à grande vitesse vers le nulle part de gares indistinctes, quand ce n'est pas vers des drames.
Mattia Filice est lui-même conducteur de train, il élabore un premier roman à la saveur résolument moderne par la voix d'un narrateur débarqué dans « l'Entreprise » un peu par hasard, depuis sa formation en passant par sa professionnalisation et ses piquets de grève, en s'appuyant sur ses pensées, ses rêveries comme ses cauchemars, son aliénation et ses collègues. Un roman « à la ligne » qui peut faire dérailler le lecteur par ses références techniques mais qui file inlassablement un univers métallique et épique, avec en filigrane une forme surprenante de poésie du ballast.

« Projectionniste d'un cinéma sans spectateur
je suis un licencié en sursis
Sur un quai de correspondance
d'un train en total désheurement
je vais
en simple voyageur
questionner les contrôleurs
À cause des intempéries
le conducteur est sur un autre train en retard
une vague orageuse envahit alors le sud du pays
Puis l'un d'eux me demande
Tu veux conduire le train ?
Ce n'est qu'à cet instant que j'associe
ce serpent métallique à un humain
c'est le déclic fait de bric et de broc
du voyage sur la toile au travelling permanent »
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Et de trois! C'est le nombre de romans versifiés que j'ai désormais lus alors qu'on m'avait appris au lycée que rien ne s'opposait davantage que le roman et la poésie. Mais encore faut-il que la greffe se justifie. J'ai détesté la biographie de Charlotte Salomon (un retour à la ligne à la fin de chaque phrase parce que ça fait artiste et que ça tombe bien (?), Foenkinos raconte la vie d'une femme peintre) et beaucoup aimé « À la ligne » où Joseph Ponthus associe la métrique du vers à la cadence du travail à la chaîne. Décidément, la versification sied au monde professionnel puisque Filice utilise le même procédé pour nous raconter son métier de mécano (les béotiens seuls parlant de conducteur de train).
Le monde du travail ou l'ultime épopée ? Les ouvriers en sont la dernière aristocratie, ils ont pris la place des chevaliers du moyen âge et les patrons, leurs adversaires, sont aussi détestables que les Maures assassinant les compagnons de Roland à Roncevaux. Mais surtout l'horizontalité du vers a tout à voir avec celle du rail et les contraintes de la métrique ne se discutent pas davantage que celles du règlement ferroviaire.
Contrairement à Ponthus, Filice est fier d'un métier embrassé par hasard et conquis de haute lutte:
« ouvrier spécialisé
des connaissances techniques et un savoir particulier
un métier manuel diraient certains
belle perspective pour un type
dont plusieurs dans la famille
achètent un nouveau vélo
après une crevaison »
Mais à la joie de maîtriser des connaissances qui font de lui un homme utile succèdent les désillusions : peur, fatigue, solitude. Peur des chefs, des responsabilités, de la mort infligée à tous ceux qui choisissent de se jeter sous un train pour mieux en finir. Fatigue des horaires décalés et des nuits passées dans des dortoirs sans âme. Solitude du poste de pilotage et des décisions à prendre sans la possibilité d'une erreur.
Le livre devient alors le récit de la débrouille comme alternative à la transformation des roulants en robots. Filice célèbre chaque pas de côté comme cette voix qui déraille en prenant la parole au cours d'une grève. La clé oubliée bidouillée dans l'urgence sans que le service en pâtisse. La locomotive arrêtée quelques secondes dans une gare non desservie pour demander du feu à des voyageurs attardés. Un échange de trains improvisé pour que chaque mécano puisse dormir dans son lit plutôt qu'à l'autre bout de la France. Des travailleurs essoufflés transportés dans la cabine de pilotage, dont la porte est la seule qui puisse être ouverte par le mécano, et qui arriveront à l'heure à l'usine.
Alors que le respect absolu des consignes peut sembler une nécessité avec laquelle la sécurité impose de ne pas transiger, le livre montre que rien ne remplace l'initiative humaine, surtout si elle s'appuie sur la collégialité. La pédale de l'homme mort, ce dispositif consistant à vérifier que le mécano est lucide, ne remplace pas la présence d'un deuxième agent. La lourdeur du règlement devient un moyen de faire reposer le poids écrasant de la responsabilité sur un homme seul:
« La défaillance humaine existe
mais comment comprendre que des personnes consciencieuses
puissent commettre des erreurs
si l'on ne prend pas en compte
l'environnement dans lequel elles évoluent ? »
Le dernier chapitre commence en prose. C'est à peine si l'on s'en aperçoit. La langue n'en est pas moins précise, juste moins essoufflée de pouvoir se dérouler jusqu'au bord de la page. Il se termine avec le retour à la versification, rails parallèles, sans jamais renier les voies et chemins de traverse.
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critiques presse (4)
LesEchos
25 avril 2023
Dans un premier roman texte épique, Mattia Filice décrit le quotidien d'un conducteur de train. Un livre étonnant qui figure dans la première liste du prix du Roman News PublicisDrugstore
Lire la critique sur le site : LesEchos
LaTribuneDeGeneve
17 avril 2023
Le livre de Mattia Filice révèle un style, celui d’un écrivain singulier. Et vous fait pénétrer avec entrain dans l’univers des roulants en marquant de sa patte une vision contemporaine de la condition ouvrière.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
LeFigaro
06 février 2023
L’auteur signe un premier roman singulier, véritable cantique du rail ancré dans le quotidien des cheminots
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LesInrocks
12 janvier 2023
Mattia Filice transforme son expérience de conducteur de train en une grande fresque épique, dans “Mécano”, un premier roman totalement inattendu.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
L’apprentissage du chevalier sans armure ni épée ni cheval
Rouler au trait
Avec un doigt
j’arrête un train
une masse autour de quatre cent soixante tonnes
quatre cent soixante mille kilogrammes
six mille fois la mienne
que mes phalanges font stopper net

Main posée sur le pupitre
trois doigts semi-pliés servant d’appui
le pouce en équilibre
la flexion de l’index ne rencontre aucune opposition
comme lorsque j’appuie sur une touche de clavier

Mais rien ne se passe
le train ne réagit pas
l’aiguille de la vitesse pointe au même niveau
composé de trois chiffres
celles des manomètres ne bougent pas
les aiguilles des cylindres de frein restent inertes
sur le zéro pointées
Suis-je en train d’enrayer
je verse du sable entre les roues et le rail
pour retrouver de l’adhérence
je tape sur le bouton d’arrêt d’urgence
Rien
les immeubles continuent de défiler avec le même entrain
je tire sur le frein direct et me précipite sur le frein à vis
je tourne la manivelle
le train persiste sur sa lancée
mille voyageurs derrière moi
à mes côtés
dans ma tête dans ma conscience dans mes remords
l’ensemble fonce sur la gare
Ne restent alors comme ressort à lame noir
pour amortir l’impact à venir
qu’actes futiles et désespoir
User les semelles de mes chaussures sauter de la machine plonger sous le pupitre

Je marchais sur la crête les yeux fermés
ils se sont ouverts à l’instant
la circulation du sang vient de s’inverser
je sens toute mon anatomie
des artères jusqu’aux capillaires
mes veines apparaissent désormais toutes
l’épiderme est devenu une carte de chemin de fer
je baigne dans une mare de doutes

Réveil en sursaut
oreiller drap et silence de la nuit
J’ignorais jusqu’ici
que le travail nous suit
jusqu’au repos

Je rembobine
Projectionniste d’un cinéma sans spectateur
je suis un licencié en sursis
Sur un quai de correspondance
d’un train en total désheurement
je vais
en simple voyageur
questionner les contrôleurs
À cause des intempéries
le conducteur est sur un autre train en retard
une vague orageuse envahit alors le sud du pays
Puis l’un d’eux me demande
Tu veux conduire le train ?
Ce n’est qu’à cet instant que j’associe
ce serpent métallique à un humain
c’est le déclic fait de bric et de broc
du voyage sur la toile au travelling permanent
métier utile et déplacement
pas de bureau ou de vie sédentarisée
ouvrier spécialisé
des connaissances techniques et un savoir particulier
un métier manuel diraient certains
belle perspective pour un type
dont plusieurs dans la famille
achètent un nouveau vélo
après une crevaison
Je n’ai du cheminot
qu’une idée aux gros traits
une barbe une pipe la voix grave et un air goguenard
le type qui ne se laisse pas faire
qui tient en joue son supérieur pour peu qu’il se la joue comme ce conducteur qui arrête son tgv
en pleine pampa
les champs de blé rasant sur la gauche
la terre en jachère sur la droite
et qui laisse en plan son chef au milieu du rien
dans la nature sans quai
Ça ferait un bon scénario
Cette idée me plaît
peut-être qu’il est possible de rester libre

Dans le sas
La première fois je suis éconduit
par une lettre où transpirent de grands regrets
ce n’est pas un râteau
il y a les formes
Tu comprends je dois encore me remettre de ma relation passée c’est tout frais c’est pas cicatrisé

Tel un roquet je compte bien persévérer
et j’aurais continué jusqu’à recevoir un recommandé
pour me prier d’arrêter de les harceler
déjà prêt à me défendre à la barre
Leur refus n’était pas convaincant monsieur le juge

Narcisse écorché mais néanmoins épargné
j’apprends que ce n’est pas contre moi
c’est le gel des recrutements
le robinet de la conduite principale est fermé
Verrouillé avec l’étanchéité faite chef

L’année suivante le robinet laisse passer un filet d’eau
Stagnant près du joint
fruit de la condensation
je parviens à me glisser le long du mur du dépôt
fait de briques rouges

Je me suis préparé
entraîné pour la phase finale
matchs de poule quart demi-finale
plusieurs rendez-vous où je subis une batterie de tests
pour voir un peu qui je suis
ce que je vaux
recevant des questions parfois aussi pertinentes que
Vous arrive-t-il de pleurer quand vous êtes seul ?
avec la vie de centaines de passagers
sous ma responsabilité
Profil demandé étudié avec minutie
rester calme et lucide
analyser vite les données et agir froidement
réactivité lorsque survient un incident
la situation perturbée employée dans le milieu
je me sens fin prêt

Certains passés par là m’ont conseillé
de ne pas parler service public
c’est passé de mode
il faut insister sur l’ambition
entendez évolution de carrière
monter les échelons
être un Ouineur
un béni-oui-oui en herbe et que ton non soit crucifié
Certains tests me rappellent ces vieux jeux vidéo
au graphisme basique
un petit train à reconstituer avec la souris
une bille glissant qu’il faut replacer avant qu’elle ne tombe envisager les parcours les plus courts
Une histoire de clics
En cet instant le monde se divise en deux catégories
les gamers
qui ont collectionné les consoles dans leur chambre
et ceux qui maudissent leurs parents
de les en avoir privés
au prétexte qu’il fallait étudier

Nous sommes tous assis le long d’un couloir
à attendre notre tour
Geoffroy en face de moi
que je ne connais pas encore
et qui a pris le train pour la première fois
ne sait pas encore qu’il va en faire du train par la suite
Gaël qui tourne les pages d’un magazine beaucoup trop vite pour donner l’illusion de s’y intéresser vraiment
et d’autres qui fixent un point précis du mur
comme des archéologues percevant
un potentiel site de fouilles
Je fais partie des archéologues

Entretien final avec deux cadres de l’endroit
où je pourrais être affecté
pièce exiguë et bureau pour nous séparer
costard serré pour l’un
chino polo décontracté pour l’autre
j’endosse une veste achetée pour l’occasion
couleur beige neutre fade ensardiné
ensemble repassé pour masquer une liberté froissée
et me donner une stature qui n’est pas la mienne
Je n’allais plus jamais la porter

Un des cadres se montre agressif et sarcastique
l’autre doux et compréhensif
j’ai le Bon et la Brute devant moi
avec
en jouant ma partition
le sentiment de les truander

Parfois j’en fais un peu trop
Quel est selon vous le temps de travail hebdomadaire
d’un conducteur ?
(assis le dos droit sur la chaise)
Des semaines de quarante-cinq heures non ?
Et l’idée de travailler la nuit les dimanches et jours fériés ?
(j’ai mon corps pour seul encombrant)
J’adore
À combien estimez-vous le salaire ?
(que faire de mes bras et de mes jambes ?)
Un peu au-dessus du SMIC non ?
Je mets du vibrato un peu trop
la corde va sauter
mais finalement ça passe

Pour moi ça passe
j’occupe une des places
de ce jeu de commerce où il s’agit de faire briller
la marchandise que l’on est
pour ne pas rester sur le quai
tandis que d’autres continueront à recevoir
des lettres de refus
mon bout de papier positif est peut-être la seule chose qui me distingue d’eux.
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Pour que je comprenne au mieux, il fait le parallèle avec les portables. Quand un directeur change de poste, c’est suite à la sortie du dernier modèle : Manager D8. Il dispose des mêmes fonctionnalités que le précédent, exigence de robustesse, de restructuration permanente, mais avec de nouvelles applis, avec une plus grande autonomie, une capacité à tenir dans le temps un envahissement de réunion malgré l’heure du déjeuner amplement dépassée, de nouvelles fonctions comme la capacité de compatir, d’approuver même, tout en finissant par conclure qu’il n’a pas le pouvoir pour changer la donne. Selon les années, le modèle est plus ou moins grand, svelte ou compact, mais ce n’est alors que d’ordre esthétique, qu’une question de goût. Les directeurs sont remplacés quand les fins de série sont bradées, en période de soldes ou quand le modèle est obsolète. Je suis d’autant plus convaincu par l’exposé d’Adama qu’en voyant les mains du directeur trembloter je repense à l’écran de mon portable dont l’image vacillait : batteries en fin de Vie.
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La grève

Je m’attends à recevoir le heaume, le bouclier et la lance. Je suis prêt à faire l’impasse sur la barde de croupe et le chanfrein, aucune écurie à l’horizon, je me prépare à défaut au combat à pied. Mais aucun son de marteau sur l’enclume, point de forgeron pour me remettre une épée, ou de devanture cachée sous l’atelier avec armurerie gravé sur l’enseigne.

Je peux encore décider au dernier moment d’aller au front ou pas. Bientôt, je devrai remplir une feuille et déclarer mon intention de participer à la guerre, avec possibilité aussi de renoncer. Pour une épopée, stylo bille à la main sur le bois traité de la feuille, cela me semble manquer de ferveur. Perceval aurait-il accepté de compléter les cases vides pour sa quête du Graal ? Je me rassure tant bien que mal, il aurait laissé le scribe rédiger.

Je ne refuserais pas d’avoir Excalibur en main, mais j’ai beau parcourir la forêt de Saint-Germain, aucun rocher ne fait office de fourreau. Les chevaliers se révoltent contre le châtelain et ce dernier ne comprend point, il est toujours prêt à discuter. Expert de l’écoute, somnifère de la parole, logorrhée en intra, son champ de bataille est la salle de réunion.

Combattre sur ses terres, et plus particulièrement en cet endroit précis, exclusivement en cet endroit, relève en soi de l’épopée. Tenter de grimper le long des remparts constitués d’un lexique poreux, pour ne pas dire grumeleux, s’agripper aux mots glissants, lisses comme une photo retouchée pour faire baver ceux qui scrollent, semble chose impossible, aventure des plus vaines.

L’anesthésie par la parole est un beau subterfuge qui peut user si nous laissons le châtelain maître du temps. Ce dernier, que j’imagine du haut de sa tour de briques au fond du couloir troisième porte à gauche, souhaite nous imposer de nouvelles règles et accepte de discuter sur la mise en forme. Les termes, à l’aspect juridique aussi flou qu’indécis, sont déjà tranchés, à nous de choisir la police et la taille.

Il ne nous reste plus qu’un moyen d’être entendus, laisser la loc au dépôt, poser les outils, la clé BL et la clé Denys. Nous arrêtons le temps imposé. Je ne mesure pas alors que cette période demandera encore plus d’efforts que le travail, dans le corps et les pensées ; mais ce sont des efforts voulus, sucrés bien qu’avec une légère acidité, pimentés aussi, avec de la corne sur chaque lettre, une épaisseur qui n’empêche pas de saisir chaque information, car nos sens semblent alors s’aiguiser. Nous avançons de pair avec une sensibilité accrue, avec une perception qui s’expérimente au gré des enjeux. Il en est du moins ainsi pour Pablo, Ach et Gaël. Car ils se présentent chaque matin dans le poumon du mouvement, afflux d’air indispensable pour que nous puissions avancer, dans l’assemblée générale, l’AG. Je ne sais pas s’ils sont l’air ou la part constituante de l’organe. Probablement un peu des deux.

Il existe des poumons de différentes tailles. À son commencement, le nôtre est grand. Il est composé de ceux qui transforment la tension pour la réduire au voltage de la gare, telles des alvéoles où se déroulent les échanges gazeux avec le sang ; de télécoms dont la salle contient des milliers de jarretières de toutes les couleurs, des nœuds impossibles, telles des bronchioles qui acheminent l’air ; tandis que les aiguilleurs régulent le diaphragme et la cage thoracique. Il me semble reconnaître la voix de l’un d’eux, celui qui décroche avec un PRS pourri j’écoute, le Paris trop mûr pour protester contre la moisissure des murs de leur poste d’aiguillage. J’aperçois celles qui établissent nos fiches de paie et avec qui vaut mieux pas se prendre la tête explique Jacques (pragmatique), venu nous soutenir : responsables de la trachée, je risquerais d’avoir l’air coupé et la carte bloquée. Les guichetiers gèrent les bronches, autant de branches d’arbre comme ces tuyaux à air propulsé dans lesquels ils envoient les cartouches contenant le cash. Je rencontre pour la première fois Miss Ink and Mister Gorgo. Ils sont chefs de bord, les plèvres entourant le poumon. Je découvre aussi des métiers qui, malgré toute la pédagogie, restent à jamais une énigme. Je dois me résigner à accepter mes lacunes en anatomie.

La gare est immense
dédale de bureaux de salles de couloirs
et autres escaliers
quart tournant colimaçon ou hélicoïdal
l’intérieur s’apparente à celui du Louvre
sans les œuvres
Il en faut de l’espace pour y disposer un tel poumon
le corps humain l’englobe dans la cage thoracique
Autour de la marquise, de grandes salles spacieuses pourraient tous nous accueillir
mais le maître des lieux n’est pas tenu de nous les prêter

Tant bien que mal
nous réussissons parfois à en obtenir une
exiguë et mal insonorisée mais avec du chauffage
et quand le poumon est trop gros
nous n’avons d’autre choix que d’occuper
un des couloirs extérieurs de la gare
malgré le froid et la brise matinale
le courant d’air traversant les allées

Nous sommes des centaines
sous le panneau d’affichage à palettes
dont les lettres se meuvent telle une mitraillette
mais à une fréquence basse
car ceux qui font tourner les trains sont bras croisés
Dans ce combat
ni coup d’épée ni artère tranchée
ça ferait pourtant un si beau film d’aventures
Il y a de la tension et du pouls
mais ce n’est pas cinématographique

Un micro et une sono sont au centre des attentions
chacun peut s’exprimer
ça grésille ça larsen ça rebondit par ricochet
contre les murs
Un peu moins de réverb Charlie please
Le poumon fait des bruits d’estomac affamé

Geoffroy de la Salamandre grève dans son refuge
il n’apprécie guère la foule et s’il tolère les heures de pointe
c’est uniquement seul dans la cabine de conduite
il ne vit malheureusement pas
les nombreuses discussions qui se concentrent
les raisonnements qui se construisent
Le poumon crache des idées de cerveau décloisonné

Jacques propose d’organiser les piquets
rendez-vous dès quatre heures du mat’
pour occuper le dépôt
convaincre ceux qui ne sont pas encore
dans le mouvement
Si faire grève c’est se lever toujours à trois heures
honnêtement je vois pas l’intérêt
observe Ach entre deux bâillements
Et il est vrai que je préférerais qu’il en soit dispensé
quand il me fixe après une extrême mat’
je crois qu’il me provoque en duel

Je découvre à travers les piquets de grève
un nouveau métier
associant communication et exposés
un métier d’encadrant
mais non rémunéré
Je dois convaincre ceux qui n’ont pas quitté leur poste
du bien-fondé de notre mouvement
ceux qui hésitent notamment
dont j’aurais pu faire partie
Je tombe aussi sur des sceptiques
et découvre ceux qui nous évitent
qui se faufilent discrètement dans la cabine
mais que nous irons voir au pied de la machine

Les premiers jours
l’enthousiasme transporte les sceptiques
il éloigne surtout pendant un temps le fatalisme
cette sangsue qui paralyse les rêves
Adama ne prend pas le micro
il parle en petit comité
mais présente bien les choses
Nous devons gagner le plus vite possible
car, insensibles au contexte, les factures s’empilent
Mais en même temps
se battre pour ses convictions
ça n’a pas de prix

Une interrogation s’infiltre dans la mécanique
de ma pensée
le numéro un continuerait-il à tenir sa position
si, comme nous, il n’était plus payé ?
Au petit matin
sous les projos du dépôt
les néons tremblotants
des groupes se forment
et se rendent au triage
pour convaincre
sous le regard de l’huissier
ceux qui doivent dégarer
Nous marchons sur le ballast
et devant les portes des usines
pour entraîner celles et ceux qui sont aussi attaqués
le poumon se contracte

comme un ischio-jambier proche de la ligne d’arrivée

Yann entre deux bouchées d’orange
conduisant la poussette où trône sa fille
qu’il est obligé d’amener
suggère de monter un comité de grève
pour que nous choisissions nos propres représentants
pour que les doléances viennent du poumon même
C’est lui qui s’essouffle s’intoxique et se purifie

il n’y a pas de raison qu’il ne prenne pas en main
l’ensemble du corps
Le poumon fait du deux cents battements par minute
comme un cœur transi
En entendant cette proposition
j’ai des réminiscences du séminaire d’histoire
prodigué au cours de ma formation
par Gérard et Jacques sur le retour de Dijon
et si le premier était mon moniteur
le second avait Yann pour apprenti
Tout en mâchant son agrume
je le vois remettre sur les rails du présent
un passé conté sur la ligne

Willy observe l’huissier et l’essaim de cadres
priés par plus haut de sortir de leur lit avant l’aube
pour nous surveiller
Il laisse échapper qu’à la première heure les grévistes iront bloquer les départs des garages d’Achères
suffisamment fort pour que les bourdons l’entendent
et se lèvent avant l’aube le lendemain
Puis d’un air laconique mais très discrètement se tourne vers nous
Je vous propose de faire une grasse mat’ demain
Je le découvre machiavélique

Je ne saisis alors pas tous les rouages
les mots cachés sous les mots
les faux amis des véritables ennemis
la pression qui s’exerce sournoisement
alors que nous usons toute notre énergie
pour ce qui nous paraît de plus en plus évident
je me sens comme l’air compressé
dans le réservoir principal
prêt à être propulsé dans la conduite pour servir ensuite à ouvrir et fermer les portes du train

Je découvre en substance que le poumon est
un organisme à part entière
qui se transforme au gré de son expérience
qui se contracte parfois mais dont la paroi se renforce
Nous finissons par nous essouffler
le poumon a lentement rétréci
une forme de rancœur chez certains d’entre nous
s’immisce
comme un courant résiduel qui parcourt le corps
des années plus tard
elle perdure parfois jusqu’au prochain combat
Peut-être ne prenons-nous pas pleinement la mesure
de ce que recèle cet organisme
ce micro-organisme, ce fœtus, cet être encore
tout de nu vêtu
dont les habits se
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La gare est comme un océan
marée basse et marée haute
des vagues humaines peuvent nous traîner loin
surtout lors des grandes marées
au moment de la pleine rentrée
lorsque scolarité et travail sont dans l’alignement
il nous faut vérifier le coefficient
pour celui d’entre nous
qui doit longer plusieurs voies
avant de retrouver son train
il faut anticiper les vagues
des vagues amenées par des trains
des vagues qui emportent tout sur leur passage
panneau d’affichage kiosque à journaux
vendeur ambulant
quand la masse humaine s’engouffre
dans le goulot qu’est Saint-Laz
L’onde mécanique se propage à une vitesse
qui surprend celui qui a travaillé pendant la marée basse aux heures creuses où les voyageurs sortent pour flâner le marnage
la différence avec les heures de pointe est telle
que le Mécano non averti finit contre un rocher
Ou une vitrine de prêt-à-porter
(…)
Les anciens reconnaissent les algues, celles qui restent sur la plateforme, qui se déplacent de distributeur en poubelle en quête de pièce oubliée, de restes à manger, telle cette algue dont les cheveux en broussaille et la démarche détendue nous rappelle Pablo.
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Le fil de contact commence à vibrer lentement, un son s’étend et s’empare de l’environnement, une cascabelle munie d’anneaux en cascade, le train annonce son approche tel un serpent géant. La caténaire est un instrument de musique à une corde et le train son archet. Son timbre se répand et transperce l’air quand, sous les stries dessinées par les fils tendus, apparaissent au tournant l’engin moteur et ses voitures ; une chevauchée sonore envahit le territoire, des roues sur les rails, du panto sur le cuivre, de l’air purgé par le compresseur, des frottements et des essieux, des moteurs et des bogies. Sur le quai, les ondes qui se dégagent ressemblent à celles d’un éclair.
Puis le train s’éloigne et la voix s’éteint lentement, la caténaire oscille encore légèrement puis s’immobilise, jusqu’à ce qu’un autre archet vienne se frotter à elle.
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Le Prix Orange du Livre récompense de nouveaux talents de la littérature.Son jury est présidé par Jean-Christophe Rufin et composé d'auteurs, de libraires et de lecteurs et lectrices membres du site Lecteurs.com Pour sa quinzième édition, cette rencontre en ligne a été organisée avec les 5 finalistes sur "Un endroit où aller". Les invités : - Marie Charrel pour Les Mangeurs de nuit, L'Observatoire - Mattia Filice pour Mécano, P.O.L. - Paul Saint Bris pour L'allègement des vernis, Philippe Rey - Alexia Stresi pour Des lendemains qui chantent, Flammarion - Perrine Tripier pour Les guerres précieuses, Gallimard
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