Il voulait être policier et habiter sur la Lune : son rêve s'est réalisé. A présent, il patrouille à travers les paysages minéraux de notre satellite, traquant des crimes qui ne sont jamais commis et, partant, jamais résolus, conférant ainsi à la zone le statut de lieu le plus sûr de l'univers.
Police lunaire est une errance graphique et mélancolique, proposée par
Tom Gauld que l'on avait connu, dans un registre plus humoristique, dans
Vous êtes tous jaloux de mon jet-pack.
Baignant dans une atmosphère bleutée qui rappelle à la fois le milieu cosmique et les bleus à l'âme du personnage principal,
Police lunaire est un récit simple et étrangement attirant. Il faut dire que le travail des éditions 2024 séduit au premier abord.
Ensuite, il y a ce récit qui ne va nulle part véritablement, ou plutôt qui se contente de suivre ce personnage entre les maisons utopiques, les bornes à donuts, les appartements lunaires qui, peu à peu, disparaissent de la surface. Car, si ce policier atteint son rêve, il voit peu à peu celui-ci s'effondrer : les habitants repartent vers la Terre, lui-même n'a aucune enquête en cours, et dans cet univers marqué par la présence omniprésente de la Terre et par l'extrême minéralité, l'humanité disparaît au profit de la robotique.
On serait presque tentés de jouer aux explorateurs philosophiques : ce serait peut-être donner une densité à un récit qui, finalement, n'en a pas tant que ça, et dont la beauté réside justement dans la fragilité. Pourtant, les questions ne manquent pas : l'homme peut-il s'extraire de son milieu naturel ? l'homme peut-il vivre sans ses congénères ? le progrès technique suffit-il à rendre heureux ?
Avec son économie de la case et du dialogue, ou de son absence - ainsi observe-t-on cases muettes, pages pleines, répétitions des cases dans lesquelles seul un petit détail change -, avec son dessin qui mêle savamment l'utopie et le caractère enfantin - ainsi des personnages -,
Tom Gauld trace les contours d'une aventure légèrement triste, sans que ce sentiment ne plombe le lecteur. Car
Tom Gauld use aussi d'une arme dont il s'est peu à peu fait le spécialiste : l'absurde. Sur cette Lune sans héros - il n'y a que
Neil Armstrong, et c'est un automate -, des humains remplacent des robots, on se réjouit d'un taux de résolution de crimes à 100% alors qu'il n'y a pas de crimes et des robots psychothérapeutes ultra perfectionnés se révèlent incapables de résister aux poussières lunaires. de la même façon qu'il y a la face cachée de la Lune, il y a la face cachée du rêve lunaire :
Tom Gauld nous en montre une facette.