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EAN : 9782070123216
240 pages
Gallimard (01/08/2011)
2.69/5   16 notes
Résumé :
Des personnages liés à l’histoire de Rome se croisent dans une temporalité disloquée, sur fond de méditation autour de l’histoire, des ruines et de la civilisation.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
La ville de Rome parle, alors qu'un jeu vidéo surgit apocalyptiquement dans le réel... Savoureux même si la maîtrise du codage SF reste incertaine.

Paru en cette "rentrée littéraire" 2011, le quatrième roman de Stéphane Audeguy nous entraîne aux côtés d'un narrateur surprenant, la ville de Rome elle-même, qui nous confesse en 200 pages ses hauts, ses bas, ses doutes, ses nostalgies et sa souffrance de moribonde étouffée par un mercantilisme débridé aux accents finaux.

Pour dépasser le brillant exercice de style, Audéguy recourt à trois artifices astucieux, savoureux, mais non totalement maîtrisés : un jeu vidéo mondial en réseau, de type réalité virtuelle, prenant précisément pour décor et objet la Rome du IIème siècle après Jésus-Christ ; deux adeptes de ce jeu, au talent exceptionnel, l'un Italien "de souche", cultivant son corps aux anabolisants et son fascisme aux ressentiments, l'autre Indien émigré aux Émirats Arabes Unis, à la recherche plus ou moins consciente d'une "porte de sortie" de cet univers en folie ; et enfin, un véritable "glissement de temps" dickien dans lequel des vortex temporels vont projeter, en accélérant progressivement, des pans entiers de passé romain, bizarrement mélangés, dans une actualité qui se dérobe, pour aboutir à une fin apocalyptique néanmoins localisée, sur fond de "gestion de crise", de quadrillages militaires guère efficaces et de vains secours d'urgence.

"Hélas, ils déchantaient beaucoup : pas plus qu'avant leur mort ils ne savaient trouver l'emploi d'un temps toujours trop long maintenant que, fantômes, ils se voyaient privés des divertissements vains que la société des hommes prodigue à tous ses membres : heurs et malheurs, chasses, amours, guerres, emplois, croyances. Alors ils traînaient dans mes rues, ombres aux mains molles et trop propres, n'osant pas se l'avouer d'abord, finissant par courber la tête sous l'affreuse évidence : à revivre, ils s'ennuyaient beaucoup."

"Une poignée de touristes échappent au cordon des policiers et se précipitent vers la princesse évanescente. le plus rapide est un lycéen estonien prénommé Jaan. Il tombe malencontreusement dans le tourbillon du temps qui l'avale. Sans un cri il s'étale rudement sur une plaine gelée, à la fin du pléistocène inférieur, l'arête déchiquetée d'une congère gelée lui fracasse le crâne. Un mammouth déchiré de toux rauques, qui perd à larges touffes son poil roux et sale, l'effleure de sa trompe, et s'en va à pas lourds vers sa fin très prochaine, et l'on trouve, en creusant au hasard les flancs du Capitole pour y faire un parking, la tête de l'animal, parfaitement fossilisée, dont les yeux restent clos, pour toujours, sur les merveilles qu'ils ont vues. Dans les oreilles mortes du pauvre Jaan de vieux standards de death metal résonnent jusqu'à ce que le froid enraye son i-pod, le gaine pour l'éternité d'une couche de givre, froide et splendide comme un acier poli. de retour à Tallinn, les camarades de classe du jeune mort baptisent de son nom la salle d'informatique de leur lycée et, à cette occasion, récitent en pleurant les poèmes affreux et sincères qu'ils ont écrit la veille, sur le conseil d'un psychologue. C'est tout."

Si l'auteur excelle à créer, à partir de ses échappées historiques, une ambiance pasolinienne de fin de règne et de sexualité omniprésente, il est sans doute moins à l'aise pour manier efficacement et rapidement les "codes science-fiction" qu'il utilise... Dans ce travail de banalisation d'un genre par récupération et transformation littéraire de ses acquis, on préfèrera sans doute, par exemple, un Tommaso Pincio ou un Rodrigo Fresan, autrement ambitieux, et autrement connaisseurs des outils ici à l'oeuvre... Ce qui n'empêche en rien de saluer la belle tentative, même relativement inaboutie, de Stéphane Audéguy.
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Nous sommes en 2008. Stéphane Audeguy a déjà publié deux romans dans la collection Blanche et vient de remettre le manuscrit de son troisième, Nous autres, à son éditeur (un roman qui un an plus tard sera apprécié par les jurés du prix Virilo, belle consécration).

Que faire maintenant ? Voyager ? Ecrire ? Stéphane Audeguy se sent un peu las, il a besoin de changer de rythme, de voir du pays. Il a alors une idée, qu'un paquet d'auteurs ont déjà eue avant lui : et s'il postulait à la villa Médicis ? Pas idiot, l'endroit est agréable, Rome est une belle ville, on y mange bien, et bien manger, c'est important… L'auteur tape « Cmd + T » sur son tout nouveau MacBook, qu'il imagine déjà posé à côté d'un verre de Chianti, Piazza di Spagna. Il inscrit « Villa Médicis » dans Google et découvre les conditions d'accès à cet Eden romain : présenter « un projet littéraire en relation avec Rome. »

Facile ! Quel meilleur support d'inspiration que la ville éternelle ? Pour se mettre dans l'ambiance, Stéphane Audeguy sort une bouteille de Limoncello et commence à se la coller gentiment tout en rédigeant à la va vite une note d'intention où il case toutes les idées qui lui passent par la tête.



Ce serait une histoire où il y aurait des gladiateurs… Et Mussolini aussi ! Il y aurait des légions de fafs qui patrouilleraient dans les rues… Et Anita Ekberg ? Faut quand même qu'elle soit là. Ok pour Anita Ekberg et ne faisons pas de jalouse, offrons un petit rôle à Audrey Hepburn, ça lui fera plaisir… Ce qui serait chouette aussi, ce serait de parler des jeux vidéos, parce que j'aime bien Age of Empire et que bon, bah pourquoi pas après tout ? Et tiens, rajoutons un peu de cul. du cul gay ? Oui mais pas que. D'accord, va pour du cul gay et du cul pas gay. Il manque encore quelque chose… Ah oui, une histoire d'indien pauvre. C'est ça. Bah là je crois qu'on y est, on a de quoi faire une super intrigue. Clic, clic, re-clic : hop, c'est envoyé !

Le lendemain, Stéphane Audeguy a mal à la tête et s'en veut : pourquoi avoir envoyé ivre mort cette satanée note d'intention ? Il sait bien pourtant qu'il ne faut pas écrire de mail bourré. Après, on regrette… le voilà déambulant dans la froideur d'un automne parisien, dépité, certain d'avoir gâché toutes ses chances… va t il être pris ? va t il écrire un bon livre ? la suite :

Lien : http://prixvirilo.com/2011/1..
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S'il est un roman vraiment original et novateur en cette rentrée littéraire surchargée et terriblement conformiste, c'est bien le nouvel ouvrage de Stéphane Audeguy, qui a l'audace - l'inconscience, diront les mauvaises langues - de donner la parole à la Ville éternelle, cette Rome qui n'en peut plus, justement, de son éternité, et se met à délirer, comme une vieille femme épuisée par une trop longue existence. Tout s'entremêle joyeusement dans cet incroyable charivari de personnalités et d'époques, où le Moïse de Michel-Ange se met à déambuler l'air de rien au milieu des rues, croisant au passage un Sigmund Freud pas étonné pour deux sous. Les siècles, les lieux, les personnages se mélangent d'un paragraphe à l'autre, ce qui n'est pas sans créer une certaine confusion par moments préjudiciable à la compréhension pleine et entière du propos : il n'est pas toujours évident de démêler la voix des diverses instances narratives, au milieu des multiples avatars de Rome. Néanmoins, le lecteur apprécie également de se laisser emporter dans ce brouhaha ambiant qui superpose trois reconstructions de Rome, l'ancienne, l'actuelle, la virtuelle. Les personnages principaux sont à dessein assez difficiles à cerner, désagréables et hautains de prime abord, et pourtant absolument fascinants et ambigus, Nitzky marqué par une enfance pénible dans le musée qu'est devenu Auschwitz, Nano, par ses années de misère sordide à Agra, et Delenda (on notera le clin d'oeil assumé au "Carthago delenda est") par son rejet de la médiocrité ambiante et la volonté constante de briller par ses capacités sportives et intellectuelles. le livre accuse toutefois quelques faiblesses, qui pourraient rebuter plus d'un lecteur : le style oscille entre lyrisme désuet et crudité triviale ; Rome, à la fois déesse et putain, s'y exprime sur tous les tons, et l'emphase pompeuse, associée aux métaphores sexuelles un peu trop explicites, sont quelque peu agaçantes. L'ensemble reste cependant onirique et déconcertant, et offre l'avantage d'une véritable création littéraire, un petit bijou d'invention... (la suite en cliquant sur le lien ci-dessous !)
Lien : http://ars-legendi.over-blog..
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Que nous dirais Rome si elle pouvais parler ? Elle nous raconterai son passé, ses rues, ses habitants et ses touristes...
Rome nous raconte sa vie, l'attente de sa mort, et sa "rencontre" avec le jeu rom@, reproduction virtuelle de la ville antique. Elle nous parle de Nitsky, le créateur du jeu, et de Nano, un des joueur.
Mais pendant le grand tournoi de jeu où les meilleurs joueurs de rom@ s'affrontent, des vortex apparaissent petit à petit dans la ville, laissant Mussolini revenir, Freud visiter la ville, et j'en passe !

Un roman on ne peut plus étrange ! Je suis incapable de dire si j'ai aimé ou non. En tous cas, une chose est sûre, c'est qu'une fois commencé, j'ai eu envie de savoir la fin. Improbable, mais intéressant.
Lien : https://sites.google.com/sit..
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Aucun intérêt, même si on s'accroche un peu pour voir. Dommage, le livre précédent d'Audeguy m'avait beaucoup plu.
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critiques presse (3)
LesEchos
18 octobre 2011
Stéphane Audeguy arbitre avec brio ce match à quatre entre réel, virtuel, essai et fiction. L'écrivain embrasse Rome et le monde dans un drôle de jeu de miroir, passant du romanesque au fantastique, de la méditation spirituelle à la satire politique. Las, ses envolées romaines précieuses finissent par lasser. Et l'exercice de style l'emporte à la longue sur la fable élégante.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Culturebox
26 septembre 2011
Brillant souvent, délirant parfois, le "Rom@" de Stéphane Audeguy peut être lu comme un livre cinglant sur la mondialisation et la chute des civilisations. Mais c'est surtout un long chant d'amour à une ville "baignée de fantômes", où l'art se superpose à la ville. De ce palimpseste urbain, le romancier a tiré ses plus belles pages qui, mieux qu'un guide, valent sésame pour la ville éternelle. Comme le dit le bandeau : "Roma, Amor ..."
Lire la critique sur le site : Culturebox
Bibliobs
29 août 2011
Tout cela est drôle, triste, bien vu, et renouvelle, dans le langage de notre temps, l'impression que tant de voyageurs ont éprouvée, de Montaigne à Chateaubriand, qui qualifiait l'Urbs de «capitale de l'ennui» bien avant le désastre de la globalisation.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Décidément je n'en finirai pas de mourir. J'apprends à mes dépens que l'agonie d'une ville rappelle de bien près celle des héros antiques, qui se lamentent sans fin sur une scène vide, en se tordant les mains. Je ressemble à mes statues : en vieillissant, c'est mon sexe que j'ai d'abord perdu, puis mes mains, puis mes bras. Je sens monter en moi les brouillards froids de la démence.
C'est ma tête maintenant qui vacille, comme celle d'une poupée de son dans les mains d'un enfant capricieux.Elle s'en ira rouler dans la poussière, dont elle aurait bien pu ne sortir jamais. Elle se brisera sur un roc, peut-être. Plus probablement s'effritera lentement au gré des saisons changeantes comme les hommes. A quoi pensez-vous donc belles statues de ma mémoire, torses couchés dans l'herbe, gagnés par les lichens, lentement digérés par la terre impavide? Et quand, arrachés à votre sommeil par quelque prince éclairé, quelque érudit fébrile, un caprice vous expose su run socle à la curiosité des hommes, ainsi qu'à leur ennui ?
Allongé face au ciel, harassé, innocent, j'attends la fin des siècles, caressé par le vent sous un monde infini de nuages, je rêve que le Tibre m'emporte vers la mer qui sait tout oublier, jusqu'aux frontières du monde.
Tout m'échappe maintenant. Les morts de mes rues, les passants disparus dans les gouffres du temps, les damnés enchâssés dans mes murs de pierre, les rêveurs de mes parcs , tous les fantômes calmes de mes mondes, je n'y suis plus pour rien et, n'en déplaise aux jurés infatigables des tribunaux de l'histoire...
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Et c'est alors qu'un soir, dans l'air cristallin de Rome, sur la place du Panthéon débarrassé des fumées, des scooters, des voitures, des camions, Nano montre à la femme qu'il aime, sur la porte vitrée d'un café déserté et béant du Corso d'Italia , un mot tracé en lettres capitales.
Ils le lisent à l'envers, dans un seul et même souffle, déchiffrent l'anacyclique énigme de la ville : amor.
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[ Incipit ]

Ville éternelle.

Parfois j’aurais voulu être un homme, mon amour Ou alors une femme. Je ne suis pas sectaire. Non que les différences m’échappent, mais que rêver de faire sinon de les mêler ? Encens sucrés des vulves marines, papillons de nuit des caresses secrètes, coquillages de nacre, verges de sang lourd, flancs doux des collines du Lazio où danse la poussière des insectes bleutés, corps fourbus écrasés au printemps de leurs draps, fesses musculeuses qui balancent en cadence, je vous chéris. Mes obélisques et mes colonnes bandent au ciel tout aussi bien que les seins roses de mes dômes. Mes fenêtres s’ouvrent aux désirs du vent qui tord les rideaux. Quatre lettres tirées aux loteries de l’histoire : Roma. Et tous ces grands savants qui se penchaient sur moi ; certains me déclarant femelle, comme une louve ou comme une putain, d’autres disant que je devais mon nom au mâle fondateur qui traça mon enceinte ; d’autres encore, qui se voulaient malins, exhumant un vieux nom de mon fleuve, me proclamaient la fille de Rumon. Moi, je ne disais rien, naturellement ; mais n’en pensais pas moins.
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