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EAN : 9782370711335
170 pages
Le Temps des Cerises (23/08/2018)
3.31/5   8 notes
Résumé :
Années 1950, à bord du cargo qui les ramène en Europe, Franz Hammer, mécanicien allemand fait la connaissance d'un compatriote, Ernst Triebel, jeune médecin venu assister à un congrès. Au cours de cette traversée, Ernst Triebel se raconte. Encore enfant, il a émigré au Brésil, dans les années 1930, quand ses parents ont fui l'Allemagne. A Rio, il se lie avec une autre enfant d'origine allemande, Maria Luisa.
Leur amitié s'enracine, sans que les jeunes gens, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
J'aime beaucoup ces romans qui commencent sur un bateau. On y retrouve toujours de ces gens, quelque peu oisifs, captifs de leurs compagnons de voyages trop bavards. Ceux-là sont habituellement insupportables avec leur radotage incessant mais, parfois, un ou deux a une histoire vraiment intéressante à raconter. Alors, quelle chance inouïe ! C'est le cas de Franz Hammer. Pendant la longue traversée qui le ramnène du Brésil vers l'Allemagne, il devient le confident d'Ernst Triebel qui raconte son histoire d'amour avec Maria Luisa Wiegand. On se doute bien que, s'il se lance dans cette narration, c'est que leur aventure passionnelle a connu une fin.

Traversée, une histoire d'amour. Un titre pareil, simple mais efficace, ça dit tout. J'ai failli ne pas le lire. Quelle erreur c'eût été ! C'est que l'histoire qui y est racontée est tout sauf ordinaire. Au-delà de l'intrigue amoureuse, qui est bien développée, l'autrice Anna Seghers y est allée des thèmes qui lui sont chers : amours impossibles, destins tragiques, entremêlements avec l'histoire avec un grand H – le récit se situe quelques années après la Seconde guerre mondiale – l'exil, etc. Tant Triebel que Hammer ont passé un certain temps à l'étranger mais leurs conceptions de la vie sont différentes. Il en était de même pour Maria Luisa. Après tant d'années loin de l'Allemagne, dans un pays d'adoption, de quelle nationalité se réclamer ? Tout dépend de la réussite de l'intégration, du sentiment d'appartenance. Après combien d'années un retour au bercail, aux sources est-il encore possible. Envisageable ? Souhaité ? La construction identitaire est un processus dont la durée varie selon l'individu.

Dans tous les cas, les souvenirs (les confessions ?) de Triebel prêtent à la réflexion introspective mais Hammer n'est pas en reste car le récit de l'un est entrecoupé des péripéties sur le bateau. Deux Allemands qui cheminent sur un navire polonais, c'est assez audacieux et propice aux conflits. Même si aucun des deux hommes vivaient au Brésil pendant la guerre, ils portent la responsabilité de leur peuple. Ainsi, leurs échanges avec le technicien Sadowski et d'autres passagers permettent d'aborder également le thème de la rédemption. Ceci dit, Traversée, une histoire d'amour n'est pas un roman philosophique long ni ennuyant. Au contraire, il se lit rapidement et avec facilité, je l'ai dévoré en quelques heures. Bref, une belle petite découverte que je recommande vivement.
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Quoi de plus idéal qu'une traversée en bateau entre le Brésil et l'Europe pour faire des confidences. Il faut dire qu'en 1950 le voyage durait trois semaines.
Anna Seghers a beaucoup voyagé, souvent contrainte à l'exil mais pas seulement. Dans "Traversée" sous-titré "Une histoire d'amour" elle s'est inspirée de ses voyages au Brésil pour écrire ce roman maritime.
Franz Hammeur est un ingénieur allemand que son entreprise à envoyer au Brésil pour réparer une machine. Durant son retour, il rencontre Ernst Triebel un médecin compatriote de RDA qui va lui raconter sa vie et ce qui l'attache au Brésil, son amour pour Maria Luísa. Il tient à raconter jusqu'à la fin son histoire d'amour malheureuse dans l'espoir d'apaiser ses tourments. On assiste donc à une mise en abyme avec un changement de narrateur qui est, tour à tour, celui qui écoute Franz Hammeur et celui qui raconte Ernst Triebel.
Ce qui est intéressant dans cette histoire d'amour c'est sa dimension politique et social.
Celui qui deviendra médecin a connu l'exil tout petit pour échapper au nazisme et c'est Maria Luísa qui lui permet de s'intégrer en l'aidant à apprendre le portugais et a aimer ce pays. Elle est aussi allemande et ils vont grandir ensemble. Pourtant, un jour Ernst retourne en RDA en espérant que la jeune fille le rejoigne un jour. Obsédé par elle il restera dans l'incertitude sur son devenir. Mais ce qui est certain, c'est qu'ils se distinguent dans leur construction identitaire et le choix de leur patrie : pour Maria Luísa c'est le Brésil, pour Ernst c'est la RDA.
On retrouve l'idée chère à Anna Seghers qu'une patrie n'est pas une chose donnée par essence mais qu'elle se forge dans un combat individuel et collectif.
Et puis, j'ai aimé sa façon d'utiliser comme moteur de l'action le temps passé sur le cargo entre le Brésil et l'Europe.


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Après la lecture du très beau texte "L'Excursion des jeunes filles qui ne sont plus", j'avais hâte de découvrir "Traversée : une histoire d'amour" d'Anna Seghers, un court roman — ou une longue nouvelle—, traduit par Claire Mercier et Bruno Meur.


L'objet-livre est très bien réalisé, la couverture dans un beau carton à grain représente l'étrave d'un paquebot, déjà une promesse de voyage. L'illustration est une oeuvre de Philippe Chatelier, peintre breton. Les pages sont d'un papier de qualité, légèrement velouté et d'une éclatante blancheur.


L'histoire se déroule dans les années 1950. C'est un récit à tiroirs : un narrateur écoute les confidences d'un personnage qui devient donc narrateur à son tour. Sur un bateau marchand, deux hommes se rencontrent, deux inconnus que le hasard a réunis à bord : un mécanicien et un jeune médecin. Tous deux partent du Brésil pour se rendre en Europe ; ils rentrent chez eux, en Allemagne de l'Est. Tout au long de la traversée, pendant près de trois semaines, le jeune homme va faire le récit de son enfance, de sa jeunesse, à cet homme plus mûr, père de famille. Il va principalement confier à cet inconnu sa grande histoire d'amour.


Alternent ainsi les temps de confidences et les récits de la traversée elle-même, un va-et-vient entre passé et présent, qui berce de sa cadence rythmée le lecteur, comme porté par les vagues de l'océan. le procédé de la rencontre entre les deux hommes permet d'éviter tout jugement du lecteur envers le parcours du jeune homme amoureux, en le mettant à distance. Il permet aussi de dévoiler peu à peu et par petites touches le récit complet de son histoire, ménageant des détours et des rebondissements surprenants.


Ernst, jeune médecin, raconte à Franz, comment il a vécu l'exil pendant la 2e guerre mondiale. Arrivé au Brésil, dans son enfance, il reste seul avec son père, après le décès de sa mère. Il rencontre Maria Luisa à l'école et leur amitié va bientôt se changer en un amour profond. Après la guerre, Ernst rentre en Allemagne avec son père, désireux de contribuer à la reconstruction de son pays natal. Les deux amoureux sont contraints de se séparer, non sans se jurer de se retrouver. Mais l'éloignement et le temps qui passe vont constituer des obstacles à surmonter... Ernst et Maria Luisa s'écrivent de longues lettres en attendant leurs retrouvailles...


Ce texte n'est pas sans rappeler les récits de Stefan Zweig, par le thème de la traversée, comme dans "Le joueur d'échecs" ou "Amok", mais aussi par la présence des sentiments et de l'introspection. Le style est fluide et clair, la lecture facile. L'exotisme des descriptions de l'océan austral et du Brésil rajoute à l'attrait de ce récit que j'ai beaucoup aimé. Par une coïncidence comme je les aime, j'ai lu peu avant le livre d'Adrien Bosc, "Capitaine", sorti à la rentrée littéraire 2018, dont Anna Seghers est l'un des personnages, à bord d'un autre bateau qui l'emporte loin de la guerre. Comment le hasard des lectures jette des ponts entre les livres...
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« Traversée Une histoire d'Amour », ou une série de discussions entre Allemands, Polonais, vivants en Europe ou exilés il y a déjà plus d'une génération au Brésil. C'est long le trajet en cargo entre Bahia et Rostock. Cela laisse le temps de faire des confidences ou de laisser aller son discours. Surtout lorsque l'on sait retourner dans un pays dévasté. « Les millions de morts que la guerre avait faits. Des millions et des millions. Mais ce que je voyais là, de quoi était-ce le châtiment ? Des villes en ruines, des hommes aux yeux caves qui se trainaient, quand ils avaient encore la force de marcher, jusqu'à un point de ravitaillement quelconque pour y recevoir des sachets d'avoine ou d'orge, leur ration de pain ou une poignée de sucre ». Les villes voisines ne valent guère mieux. A propos de Varsovie. « La ville noire comme une houillère quand la Wehrmacht l'eut incendiée et évacuée ». Quant aux gens…. « Que toutes les professions faisaient encore cruellement défaut, et que celui qui le comprenait ne pouvait que se dépêcher d'enseigner. Car, dans les villes en ruines, les hommes brisés avaient besoin de cela autant que de pain ».
Et soudain que vient faire là Goethe et son romantisme hors de saison. « Goethe ne représentait pas grand-chose à mes yeux. Je le trouve grandiloquent. […] Il me donne l'impression de ne penser qu'à sa postérité, alors que ses contemporains auraient eu tant besoin de paroles de réconfort, eux, qui dans leurs vallées, vivaient, obscurs, d'un travail misérable ». Il faut dire que Anna lui préfère apparemment Joseph Conrad, polonais notoire, qui a grandi dans la marine anglaise. C'est un peu aussi l'histoire, en filigrane, du capitaine du Norwid, qui fait la traversée. Ce livre est aussi celui de la multiculture de cette juive allemande qui a vécu en France, puis au Mexique, qui découvre les cultures de l'Europe centrale par son mari, et celles de l'Amérique Centrale lors de son exil. Puis retour dans une Allemagne désormais coupée en deux. Elle choisira la RDA, par idéalisme et restera jusqu'au bout fidèle à un communisme idéalisé. Et ceci malgré les batailles contre le fascisme, brun ou rouge.
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Le titre de ce court roman, ou peut-être serait-il plus juste de parler de longue nouvelle, tant la construction du récit et son rythme rappellent ce genre, annonce déjà symboliquement le propos : Traversée, une histoire d'amour. Beaucoup de choses, en effet, semblent en mouvement entre deux opposés : entre Brésil et Europe, entre amour et mort, entre honte du passé et construction d'un avenir idéalisé. En 150 pages, Anna Seghers aborde les questions d'identité personnelle, de responsabilité collective, et évoque entre les lignes les dérives qu'elle pressent de l'Allemagne de l'est. Mais le grand sujet de Traversée, c'est l'amour, celui qui demeure en dépit de la distance et des années, au-delà du raisonnable
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Cette nuit-là, comme nous l'avions convenu, je montai sur le pont. Bartsch et Triebel n'allaient pas tarder à me rejoindre. — Bien que j'aie grandi à la campagne et souvent passé la nuit en plein air, il me sembla que je n'avais jamais vu d'étoiles aussi brillantes. Et sans doute, chez nous, n'y en avait-il pas d'aussi lumineuses que celles qui, au-dessus de moi, se montraient dans ce ciel austral. À les considérer longuement, un tournoiement scintillant apparaissait dans le ciel bleu sombre. Rien ne venait l'interrompre, pas un faubourg, pas une tour, pas une montagne. Le reflet de ce tournoiement scintillant était encore plus fort sur les flots tranquilles mais toujours animés de leur mouvement propre.
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À plusieurs étapes, les voyageurs descendirent pour manger et pour boire. Nous deux, nous économisions. Nous n'achetions quelque chose qu'aux enfants qui, apportant toutes sortes de fruits, venaient bourdonner autour de nous, des enfants noirs comme des blancs, tous en guenilles. Leurs fruits, comme s'ils étaient eux-mêmes des pierres précieuses, étaient préparés avec grand soin, sans doute dans la nuit, pour être vendus le lendemain. Ils proposaient des oranges ouvertes en deux et coupées en tranches, des ananas et de la canne à sucre. —
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Est-ce qu'on a besoin, d'emblée, de dire tout haut à un inconnu ce qui vous passe par la tête ?
Il ajouta : « Tous ces gens à bord, tous ces gens à terre qui ont encore quelque chose à se crier les uns aux autres ! Comme ils se font des signes, triturent leurs mouchoirs mouillés de larmes ! Moi, je suis fier qu'il n'existe plus pour moi un seul être de qui prendre congé sur ce rivage. Dès que la passerelle sera retirée, tout sera définitivement du passé. »
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Je crains qu’il ne puisse pas venir à bout de ce chagrin si facilement. Rien n’est plus difficile à surmonter que les peines et les souffrances qu’on a traversées dans sa jeunesse. Les oublier est à jamais impossible. On prétend généralement le contraire : on pense que la peine des jeunes années est facile à oublier. Je ne le crois pas.
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Oui, il y a des années que je suis attaché à une femme. Il est presque impossible qu’elle vienne un jour, mais je ne peux pas me déshabituer de l’attendre.
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Videos de Anna Seghers (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anna Seghers
?Transit?, de Christian Petzold - bande-annonce .Le cinéaste allemand Christian Petzold adapte le beau roman d?Anna Seghers publié en 1944 dans un grand film romanesque où se répercute subtilement l?écho des crises migratoires actuelles. Transit est à découvrir en salles mercredi 25 avril 2018. En voici la bande-annonce, en exclusivité pour telerama.fr
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