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EAN : 9782251799308
159 pages
Les Belles Lettres (15/10/2002)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :


Voici les ingrédients d'une lecture comique de l'institution judiciaire de l'Athènes démocratique : un vieillard obsédé par les tribunaux, son fils qui se met en tête de le guérir de sa folie, et d'autres vieillards qui ne tarderons pas à comprendre que ce qu'ils considèrent comme l'expression de leur souveraineté n'es qu'un leurre.

En effet, participer aux jury populaires est chose à peu près aussi importante que de désigner le coupa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Voici une petite comédie antique qui justifie quelques explications pour être pleinement savourée et comprise.
Il n'est sans doute pas vain de rappeler que dans l'Athènes d'Aristophane, il n'y a pas ou quasiment pas de juges professionnels. Cette fonction échoit naturellement à des jurés populaires (il suffit pour cela d'être un homme et d'être âgé d'au moins trente ans.)
Jusqu'ici, tout va bien, cela paraît un fonctionnement exemplaire de démocratie. Cependant, si l'on précise qu'ils étaient environ 6 000 jurés pour une population totale à l'époque d'environ 20 000 hommes, cela devient déjà un peu plus problématique, ne serait-ce que pour le bon fonctionnement de la vie économique de chacun.
Voilà pourquoi Périclès eut l'idée de dédommager d'une obole les personnes qui feraient office de jurés lors d'un procès. Mais là encore, l'enfer est pavé de bonnes intentions ! Ce système eut l'inconvénient de faire converger toute la population pauvre à ce poste, sachant que les personnes dont les revenus étaient supérieurs se désintéressèrent totalement de l'exercice de la justice.
Cette perte de diversité sociale dans l'établissement des jugements ne fut pas sans être perçue et utilisée par les démagogues, dont l'un deux, à dessein, tripla la rémunération (trois oboles pour un procès, sans limitation du nombre de procès où l'on peut être jurés).
L'intérêt politique est alors évident et serait probablement l'objet d'une discussion passionnante mais ce n'est pas le propos ici avec Les Guêpes.
Les Guêpes, qui sont-elles ? Ces juges à la petite semaine, bien évidemment. Aristophane utilise cette image car les jurés étaient munis d'un stylet ou simplement de leur ongle pour imprimer dans la cire la longueur de la peine. Ainsi, cet essaim de juges qui courent les procès pour se faire quelque argent avec leurs stylets sont-ils comparés aux hyménoptères bien connus de celles et ceux qui font des confitures l'été.
Ainsi, Aristophane nous présente-t-il l'un de ces jurés, un vieillard répondant au nom de Philocléon (C'est-à-dire, en grec, " qui aime Cléon "), devenu addict à cela, pas même pour l'argent, mais pour la jouissance d'exercer son pouvoir sur autrui.
En outre, son fils, Bdélycléon (c'est-à-dire " qui exècre Cléon, sachant qu'Aristophane lui-même exècre Cléon, le démagogue successeur de Périclès impliqué dans les Guerres du Péloponnèse), cherche à s'opposer par tous les moyens à cet hobby de son père et lui en explique les raisons.
La principale est qu'il est la dupe du démagogue pour qui il rend les jugements car, pendant que la bande des vieillards courent les procès pour une rétribution ridicule, l'autre s'en met plein les poches sans aucun risque d'être ennuyé par la justice.
L'argument fait mouche dans l'esprit du vieux mais la passion de juger est trop grande pour qu'il puisse s'en sevrer. Aussi, Bdélycléon, lui propose-t-il de subvenir à tous ses besoins et de le faire exercer son art du jugement au sein même de la maison.
C'est l'occasion d'une scène de jugement de deux chiens pour un vol de fromage absolument cocasse et très drôle. Mais Aristophane a pris au préalable le soin d'affubler les chiens de noms qui rappellent aux contemporains deux personnalités de l'époque, démagogues tous les deux qui se crêpèrent le chignon, tout simplement parce que l'un n'avait pu profiter des détournements de l'autre.
Ensuite, la pièce part un peu en sucette et je ne sais pas trop où il a voulu en venir. Peut-être au fait qu'on ne change pas facilement les habitudes de quelqu'un ? Peut-être sur le conflit générationnel ?
Toujours est-il que malgré toute la bonne volonté du fils à fournir à son vieux père une existence douce et confortable, le vieux en profite pour se pochetronner et faire toutes les aberrations possibles et imaginables...
Cette seconde partie de la pièce m'a beaucoup moins accrochée que le début et la réflexion sur le lien entre justice et politique.
Aristophane sait encore avoir beaucoup de fraîcheur par moment mais à d'autres, le poids des siècles se fait tout de même un peu sentir. À vous de juger, mesdames et messieurs les jurés, car ceci n'est que mon jugement, qui ne vaut pas beaucoup plus qu'une obole, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Une première rencontre pour moi avec le théâtre grec ... peu facile d'accès! le vocabulaire et le style sont certes abordables mais les références historiques m'ont manqué! Alors recherches nécessaires : et voilà ma conclusion : Philocléon est, ainsi que son nom l'indique, un partisan de Cléon, homme politique de l'époque (Vème siècle avant JC) et il adhère totalement à sa nouvelle réforme du système judiciaire : on est payé pour être juge.
Son fils, Bdélycléon, au contraire, déteste Cléon qu'il considère comme un démagogue, incitant les Grecs à continuer la guerre contre Sparte.
Il tente d'empêcher son père de participer aux différents procès, voyant cette incitation financière comme un manquement à l'impartialité d'un juge.
Cette partie critique me parle, j'ai eu plus de difficulté à comprendre la deuxième partie : Philocléon renonce à la justice, part faire la fête et rentre ivre accompagné d'une prostituée.
Est-ce l'idée que c'est la vraie nature des athéniens? (référence à un vers disant que le naturel reprend le dessus).
Est-ce une autre dénonciation de la corruption de la société?
Bref une découverte intéressante qui suscite plein d'interrogations.
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Manie du jugement mais surtout manie de la condamnation, Philocléon (Cléon, le politicien détesté d'Aristophane) et les guêpes qui la symbolisent n'ont qu'une fonction : celle de piquer, ici graver profondément la condamnation. Pas de miel de réconciliation, pas de transcendance ni de vertu éducative... Condamner moralement, punir sévèrement, semble avoir un but égoïste : se prouver sa force, jouir de celle-ci, et renouveler la virginité de son âme. Plus on condamne fort, plus on se gorge de l'illusion de sa propre innocence (même mécanique mise en évidence par Albert Londres dans Au bagne). Être celui qui juge n'est-il pas le meilleur moyen d'échapper au jugement ? La faculté de juger n'est-elle jamais qu'incarnation d'un sadisme, défoulement, sommet de la faculté critique, sentiment de supériorité ? La manie du vieux, une fois sortie du contexte sérieux d'un cas judiciaire, est montrée comme l'addiction qu'ont les hommes à vouloir exercer un pouvoir de domination sur les autres, à posséder le destin d'inférieurs dans ses mains. Et Aristophane ridiculise cette passion en montrant comme elle se réalise dans la manière dont on peut traiter les chiens (dans un procès parodique qui fait penser aux absurdes procès d'animaux qui auront lieu au Moyen-Âge).

Ces juges populaires, non spécialistes, ne sont en rien différents des citoyens-spectateurs qui critiquent âprement les pièces d'Aristophane (et s'indignent d'une critique de personnalités populaires comme Cléon ou comme Socrate dans Les Nuées). Ne sont-ce pas pareillement des jugements à la va-vite mettant en danger l'art ambitieux comme les juges improvisés mettent en danger la démocratie ? Ils se laissent aller au mouvement le plus facile, applaudir ce qui est populaire, condamner ce qui ne l'est pas, condamner ce que la voix dominante propose de condamner. Critiquer et se moquer même des gens les plus populaires, n'est-ce pas entretenir la liberté d'expression et le débat, se prémunir de l'emprise de la démagogie ? Ces juges rapides sont l'incarnation de cette classe intéressée qui rend possible le pouvoir du tyran, comme le décrit La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire. Dans l'exagération satirique, Aristophane fait d'eux des esclaves du pouvoir, donnant de l'autorité à la parole dominante, celle de Cléon, en échange d'une paye indigente : bien peu de choses mais qui suffisent à dévoyer le juste, à faire pencher la balance intérieure… Mais privilège quand même de partager avec le pouvoir la jouissance perverse d'avoir droit de vie et de mort sur ses semblables.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Les guêpes d'Aristophane est une comédie antique dont le ton est résolution moderne. Bien sûr, il y a nombre de références qui m'ont échappées (lacunes de culture grecque ou private jokes vieilles de 2500 ans ?) mais l'ensemble pourrait sans peine donner naissance à un sketch absurde dans le style du Monty Python Flying Circus.
Un père est tellement pris par la passion de juger qu'il tente à tout prix de s'échapper de la maison où le retient son fils. C'est la première partie, la plus drôle à mon sens. Pour le calmer, le fils lui propose d'être juge à domicile et de juger un chien. C'est la deuxième partie, la plus originale et la plus politique. Enfin, le vieux père s'enivre au désespoir de son fils, dans la dernière partie, la plus subversive. le lien avec le reste de la pièce n'est cependant pas évident à saisir.
Les comédiens grecs en faisaient-ils des tonnes ? Cette farce en est en tout cas un bon prétexte et le public devait bien se fendre la poire comme on disait alors sur les pentes de l'Acropole. Aristophane en a profité tout de même pour taper sur la façon dont la justice fonctionnait sous le démagogue Cléon et pour se moquer de ses cibles favorites, dont Euripide.
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Inquisition d'une démocratie athénienne rendue victime de son système de jugement.

Cette pièce se fera réquisitoire face à une rhétorique trop flatteuse d'un public trop crédule face à un démagogue tel Clèon.

Guêpes inspiratrices de Plaideurs à découvrir ou redécouvrir.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
BDÉLYCLÉON : Alors que tu pourrais devenir riche, et tout le monde avec toi, tu te laisses rouler, savoir comment, par des démagogues de carrière ; oui, toi, qui règnes sur quantité de villes depuis le Pont jusqu'à la Sardaigne, et qui n'en retires rien que de misérables honoraires. Et encore, ils te les distillent petit à petit, au compte-gouttes comme de l'huile, juste pour t'empêcher de mourir de faim. Ils veulent que tu restes pauvre, et je vais te dire pourquoi : celui qui t'a dressé veut t'avoir bien en main ; il veut, quand il siffle pour t'exciter contre un ennemi, que tu te jettes dessus comme un chien féroce. Il leur serait facile, s'ils le voulaient, d'assurer le bien-être au peuple. Nous avons actuellement un millier de villes qui nous payent l'impôt. Si chacune d'elles était obligée de nourrir vingt bouches, vingt mille de nos compatriotes mèneraient une vie où ne manqueraient ni les pâtés de lièvre, ni les couronnes de toutes sortes, ni le lait le plus pur, ni les fromages à la crème ; vous jouiriez de délices dignes de notre patrie et des trophées de Marathon. Mais, pareils aux journaliers occupés à la récolte des olives, vous marchez sur les talons de celui qui tient la paye.
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BDÉLYCLÉON : Écoute-moi donc, cher papa, mais veuille te dérider un peu. Et d'abord, fais cet élémentaire calcul qui consiste à compter sur tes doigts, sans cailloux, le total des contributions versées par les villes alliées. D'un autre côté, pour l'ajouter, fais le total des impôts, des centièmes qui se multiplient, des frais de justice, des mines, des droits de marché, des douanes, des taxes locatives, des ventes judiciaires. Cela nous donne un total général approximatif de deux mille talents. Maintenant, veuille, sur ces recettes, prélever la somme pour laquelle les six mille juges — pour le pays je ne suis pas au-dessous du compte — émargent annuellement au budget : cette somme, si je ne me trompe, monte à cent cinquante talents.
PHILOCLÉON : Mais alors, il ne nous revient pas même le dixième des recettes ?
BDÉLYCLÉON : Parbleu, pas le dixième bien sûr.
PHILOCLÉON : Et le reste de l'argent, où passe-t-il donc alors ?
BDÉLYCLÉON : À ceux qui crient : " Je ne trahirai pas la foule qui s'agite dans Athènes, mais toujours je combattrai pour le populaire. " Et toi, mon père, ce sont ces gens que tu choisis pour maîtres, parce qu'ils t'en imposent en faisant de belles phrases. [...] Les cités alliées, voyant que le populo n'a rien à se mettre sous la dent que les miettes du gâteau qui se trouve au fond du panier, te comptent pour zéro, comme on fait de la voix de Connos, tandis qu'elles leur apportent aux autres des conserves, du vin, des tapis, des fromages, du miel, du sésame, des coussins, des coupes, des manteaux, des couronnes, des colliers, des vases, la richesse et la bonne santé. Mais de tous ceux que tu commandes, après avoir tant battu les mers et les terres, pas un seul ne te fait seulement cadeau d'une tête d'ail pour mettre avec tes petits poissons.
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Épreuve d'influence d'un juge, p. 248
J'entre ensuite au tribunal. Ces prières ont calmé mon indignation. Mais une fois à l'intérieur, j'oublie toutes mes promesses ; je laisse passer le flot de paroles que débitent les accusés pour leur défense. Sais-tu bien à quelles flatteries l'oreille d'un juge n'est pas exposée ? Les uns pleurent, et donnent leur pauvreté comme excuse, en se faisant plus pauvres qu'ils ne sont ; ceux-ci nous dégoisent des fables ; ceux-là des facéties renouvelées d'Ésope ; d'autres tâchent de me désarmer en me faisant rire à l'aide de bons mots, et si, après cela, je reste inébranlable, ils font monter la marmaille, filles et garçons, qu'ils tiennent par la main, et moi j'écoute. Tous baissent la tête, en bêlant comme un troupeau de moutons. Alors, le père, avec un tremblement, comme si j'étais un dieu, me conjure sur leurs têtes de lui pardonner ses malversations : "Si la voix de l'agneau peut t'émouvoir, dit-il, sois sensible à celle d'un petit garçon." Et s'il imagine que je suis sensible aux petits chats, alors il veut que j'écoute sa petite fille. En faveur de cette enfant nous relâchons d'un cran notre colère. Ne détenons-nous pas ainsi une grande puissance, et qui peut faire fi des richesses ?
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PHILOCLÉON : Tu vois les avantages dont tu voulais me priver et me frustrer, et dont tu prétendais prouver que ce n'était qu'esclavage et domesticité.
BDÉLYCLÉON : Paye-toi de mots ; ça cassera bien un jour ce splendide trône ; il faudra bien que l'on constate que tu n'es qu'un cul plein de crotte.
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PHILOCLÉON : Pitié ! sauve aujourd'hui ton voisin, et je promets de ne plus pisser en lâchant des pets contre ta palissade.
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Vidéo de  Aristophane
ARISTOPHANE – Peut-on rire de tout ? (France Culture, Nouveaux Chemins, 2013) Émission de radio « Nouveaux Chemins » diffusée le 19 mars 2013, sur France Culture dans le cadre d’une semaine intitulée « Éloge de la parodie ». Adèle an Reeth recevait Ghislaine Jay-Robert, maître de conférence en langue et littérature grecques à l’Université de Perpignan.
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