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EAN : 9781095086131
Inculte éditions (09/03/2016)
3.45/5   11 notes
Résumé :
"Je me suis souvent imaginé en Edmond Dantès. Être noir en Amérique est un sort au moins aussi terrible que celui d’être jeté sans raison dans un cachot à vingt ans. Quand Edmond devient le comte de Monte-Cristo, c’est comme le jour où moi, Arthur, je me suis mué en Jack Johnson."

9 juin, 1946, aux environs de Raleigh, en Caroline du Nord. Un Noir de soixante-huit ans, bien entretenu et vêtu d’un impeccable costume en lin blanc, roule à bord de sa Lin... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Qui se souvient de Jack Johnson, premier Noir champion du monde de boxe des poids lourds de 1908 à 1915, soit bieeeen avant que Mohamed Ali ou Mike Tyson n'aient poussé leur premier cri? Pas grand monde j'imagine, à moins d'être féru de boxe ou d'être moins bête que moi, fait hautement répandu ceci dit. Toujours est-il que ce grand nom de la boxe et parangon de lutte anti-raciale m'était un illustre inconnu. Mais ça c'était avant Un trou dans le ciel.

Philippe Aronson nous livre le récit de la trépidante vie de ce champion hors-normes. Impulsif, provocateur, accro a la marijuana, débauché sexuel dégainant le phacochère à la première phéromone féminine qui traîne, Jack Johnson est aussi un beau bébé de 90 kilos de muscle pour 1,87m. Donc pas le genre de gars avec qui on se fâche. Et pourtant... Gros hic : il naît noir en 1878 dans une Amérique aussi blanche qu'un cul de colombe et à l'esprit aussi ouvert qu'une Christine Boutin (ou l'inverse, ça marche aussi). Des ennemis y'en aura un paquet du coup. Mais Johnson se vengera et luttera, à sa manière, contre cette injustice. Pas en mode gentillet, patient et pacifique à la Luther King, genre I have a dream et je te prêche la bonne parole. Non. Lui a embrassé le gant de boxe pas la Bible. Johnson c'est un dur de dur. Grandir au son des "sale Nègre" ça vous forge un homme. Et son modèle est plutôt Edmond Dantès, enfin son double, Monte-Cristo. Pas si con le sale Nègre.

Situé en 1946, le dernier jour de sa vie, le récit est construit comme un combat de boxe : 106 micro-chapitres ultra courts et rapides, tels des rounds qui s'enchaînent jusqu'au K.O. final. Sorte de confession ou de mémoires que laisserait Johnson avant de trouer le ciel et de s'envoler.

On remonte le temps, des combats de rue de son enfance aux titres mondiaux. Jeffries, Burns, Sullivan, les plus grands ont longtemps refusé le combat contre lui. Motif : la boxe c'est pour les Blancs pas les sous-humains. Ça c'est de l'argument. Jack London himself ne lui donne aucune chance contre Jeffries qu'il battra pourtant haut la main : "Jeffries gagnera sûrement car l'homme blanc a trente siècles de traditions derrière lui, tous les efforts suprêmes, les inventions et les conquêtes, et, qu'il le sache ou pas, Bunker Hill et les Thermopyles et Hastings et Azincourt". Ah ouais quand même.

Mais la rage au ventre, le poing ferme, l'oeil belliqueux, Dumas dans la poche et coke dans le nez, jamais Johnson n'a failli ni tremblé. le comte de Monte-Cristo ne tremble jamais. Tout gosse, il a juré d'avoir sa vengeance sur cette société blanche bien-pensante, il l'aura. Au sommet de la gloire, il vivra comme une rock star, adulé par ses compatriotes Noirs, sortira sa famille de la misère et se mariera trois fois. Toujours avec des blanches. Vengeance.
Mais l'Amérique n'est pas prête. Et son nom sera sali, bafoué, traîné devant la justice.

L'auteur redore ainsi une image ternie, écornée et remet dans la lumière un grand champion, pionnier dans la reconnaissance de la boxe noire américaine au haut niveau, injustement condamné et oublié. Au-delà des prouesses sportives et des provocations, Aronson réhabilite humblement un précieux maillon de cette chaine de la défense des droits des minorités. L'écriture reste simple mais le ton sonne juste. Et les mots fusent tels des uppercuts, tour à tour assommants ou grisants.

Récit percutant, troublant, éloquent, qui ne met pas K.O mais étourdit néanmoins suffisamment pour vouloir se relever plus fort, reprendre les gants et poursuivre un combat toujours actuel malgré plus d'un siècle passé.
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Jack Johnson, fils d'esclaves est né en 1878, au Texas, et dès son plus jeune âge, il comprend très vite que les noirs sont différents des blancs, ne serait-ce que par la couleur de peau, les traits et les inégalités bien ancrées depuis au temps de l'esclavage. Il aurait voulu avoir la peau plus claire, avec des traits plus fins, des cheveux plus lisses... et s'est juré d'offrir la plus belle maison à sa mère et ses deux grandes soeurs. C'est pendant son adolescence qu'il découvre la boxe et qu'il devient par la suite champion du monde poids lourds, entre 1908 et 1915, quand il combat entre autres, l'ancien boxeur blanc invaincu des poids lourds, James Jeffries, soutenu par les médias et par tous les blancs américains. Pour James Jeffries, il doit l'anéantir, car, pour lui, il doit le combattre dans le seul but de prouver à tous qu'un homme blanc est meilleur qu'un Nègre. Ce jour-là, plus de 22000 spectateurs vont suivre le combat du siècle. Jack Johnson l'humilie en direct en le mettant à terre et devient l'homme à abattre.

J'ai trouvé ce récit très captivant, déstabilisant, et touchant à la fois, où j'ai découvert un homme complètement imbu de sa personne, égocentrique, narcissique, accro à la drogue dure, rejetant la bible, Dieu, qui aime la musique classique, mais en parallèle, a un langage argotique voire grossier, profitant de son statut, de ses privilèges pour narguer les noirs et humilier les blancs à sa façon. D'ailleurs, son péché mignon est bien de se faire un maximum de femmes blanches ; il a été marié trois fois à trois d'entre elles rien que par provocation. Mais dans tout ça on reconnaît qu'il s'est fabriqué une sacrée armure, parfois avec une pointe d'humour, pour supporter l'injustice envers les noirs, que lui-même est loin d'être épargné, et ce, en pleine ségrégation raciale. Sa couleur de peau est là pour le lui rappeler.

Citation : Je ne sais pas si c'est le racisme qui me déprime, ou si je déprime parce que le racisme m'atteint encore.

On va suivre son histoire, son parcours, jusqu'à son décès en 1946. Une histoire oubliée mais remise en plein jour par l'auteur, Philippe Aronson, qui lui redonne un coup de jeune pour nous faire découvrir ce grand sportif qui a bousculé les codes dans une époque très, très raciste envers les noirs et les juifs.

Je recommande !
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En 1946, Jack Johnson est en route pour la projection d'un film. Il doit l'animer et surtout la commenter car le film en question retrace son moment de gloire. Quarante ans plus tôt, il est devenu champion du monde des poids lourds. Les commentateurs du match n'ont pas manqué d'ajouter la couleur de sa peau. Jack Johnson est le premier grand champion noir de boxe. Tout au long du roman, nous suivons son errance jusqu'à la soirée de projection, entre la ségrégation encore très présente aux Etats-Unis et ses souvenirs personnels.
Ce roman raconté à la première personne essaye de saisir un personnage hors norme. Il est grand, fort et ambitieux. Il est plein de désirs tant sur un ring de boxe qu'avec des femmes. Cette boulimie de vie est perceptible tout au long de ce texte. Jack Johnson semble envahir, tel Napoléon auquel il se compare, les corps des femmes, les physiques de ses adversaires mais également la société des Blancs. La construction du roman est très rythmée grâce à des paragraphes courts aussi percutants que des uppercuts. Avec ce ton vif, l'auteur arrive à empoigner physiquement et mentalement tout ce personnage. Il nous parle de la technique, la manière dont Jack Johnson a maîtrisé son physique pour en faite un atout. le lecteur comprend mieux les mouvements du boxeur et sa façon d'exister dans l'espace. Mais ce boxeur surprend par la construction de son propre mythe. Refusant la Bible, il se réfère au Comte de Monte Cristo. Ce parallèle très léger permet de comprendre également la vengeance (consciente ou inconsciente) de cet homme noir contre les Blancs. le public qui assiste à la projection du film est exclusivement noir et les réactions seulement orales font exploser une violence sociale que Jack Johnson exprimait déjà 40 ans plus tôt. Ce roman, malgré l'absence parfois regrettable d'empathie à l'égard de son protagoniste, arrive à nous coller au plus près de son personnage, comme la caméra de Scorsese l'était de de Niro dans Raging Bull.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
- Il faudrait qu'il y ait un jour un écrivain américain noir comme Dumas, et aussi connu que lui. Ou un juif. Pourquoi pas? Peut-être que ce sera moi. J'aimerais devenir écrivain, comme Gogol. Etre le Gogol américain, quel pied! Le problème, c'est que toi et moi on vient des tribus qui s'attirent le plus d'ennuis. Ou sur qui les ennuis s'abattent sans répit.
- Les Noirs et les Juifs.
- Les tiens et les miens. Le Youpin et le Nègre : même combat!
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Comme mes parents étaient analphabètes, ils considéraient qu'à partir du moment où mes soeurs et moi savions lire et écrire, nos études étaient terminées.
J'ai donc arrêté l'école et commencé à travailler à dix ans.
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Ça siffle et ça hue de plus belle dans la salle. C'est toujours comme ça quand les noirs se retrouvent ente eux, sans Blanc. Ils se moquent bruyamment de la lâcheté et de la bêtise des Blancs : ils s'éclatent. Jamais les Blancs ne les voient détendus de la sorte. Ils connaissent que les Noirs en présence des blancs. Tandis que le Noir connait le Blanc dans toutes les configurations possibles.
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Et pendant les douze mois que j'ai passés dans le Kansas aux frais de la princesse, je me suis entretenu physiquement ; j'ai enseigné le noble art à mes congénères ; et j'ai mis au point le plan d'une nouvelle clé à molette, ainsi qu'un antivol pour voiture.
Mes deux inventions ont été brevetées. Ma clé à molette me rapporte quelques milliers de dollars chaque année.
Je ne suis quand même pas non plus le Nègre le plus con du comté. (117)
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Etre noir en Amérique est un sort au moins aussi terrible que celui d'être jeté sans raison dans un cachot à vingt ans.
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Video de Philippe Aronson (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Aronson
Patrick DeWitt - Les frères Sisters .A l?occasion du Festival International Etonnants Voyageurs 2013, Patrick DeWitt vous présente son ouvrage « Les frères Sisters » aux éditions Actes Sud. Traduit de l'américain par Emmanuelle et Philippe Aronson. http://www.mollat.com/livres/de-witt-patrick-les-freres-sisters-9782330009847.html Notes de Musique : "Pirates Of The Coast" by Black Bones (http://www.myspace.com/blackbonescom)
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