Au siècle dernier, un slogan disait « Sega c'est plus fort que toi ». Ne sachant pas trop par où commencer ce billet, je reprendrais bien « ces gars, c'est plus fort que toi ».
Avec Traque verte de
Lionel Astruc, on passe par toutes les couleurs. Des dégradés de rouge allant de la colère à la honte en passant par la gêne et la révolte. du bleu à l'âme. L'écho fait au silence qui suit la lecture crée un blanc qui contraste avec le jaune du rire nerveux qui s'en suit en pensant à notre vie, à nos préoccupations, à nos « urgences », à tout un tas de trucs futiles qui nous pourrissent la vie à commencer par nous même. Quelques idées noires plus tard, la même question me revient en boucle. Qu'est ce qui fait que certains hommes soient capables de tout pour de l'argent, toujours plus d'argent, ce putain de truc qui perverti tout, ces valeurs qui ne sont que du vent…
Ami lecteur, si le thriller c'est ton truc, si le gore t'excite, si Machiavel est ton maître que le sordide te donne des frissons, si l'hémoglobine te caresse dans le sens du poil et que le suspens est orgasmique alors je te demanderai juste… quel plaisir trouves-tu dans tout ça quand on sait que la fiction se fait enrhumer régulièrement par la réalité?
Oui, Traque verte est l'histoire vraie des dernières heures d'Hem Chandra Pandey, un journaliste Indien assassiné pour avoir voulu dénoncer les puissants. Bon pour le suspens, c'est mort, si je peux dire, puisque dès la couverture on connait la fin, désolé ami babélioteur.
Les puissants, ce sont les multinationales nommées Tata et Essar (citées dans le livre mais elles ne sont pas les seules), géants de l'extraction minière qui, couvertes et aidées par le gouvernement Indien, a fait expulser, emprisonner, tuer, massacrer des milliers de paysans ayant eu la mauvaise idée de vivre sur des terres riches en minerais.
Pendant que Tata rachetait par exemple Land Rover et Jaguar en 2008, des paysans étaient exécutés pace qu'ils ne voulaient pas comprendre que ce sont les marchés qui décident et qu'on ne s'oppose pas aux marchés sinon la croissance va décroitre et les très très très trop riches ne deviendront que très très trop riches et que ça serait vraiment trop trop trop très triste (oui je touche ma bille en économie, je sais je sais). Il faut dire que Tata est présent dans de nombreux domaines et que par exemple il y a de fortes chances qu'il y ait du Tata dans nos téléphones portables. 103,5 milliards de dollars de chiffre d'affaire en 2016, faut bien avouer que quelques centaines de milliers de vies (de pauvres en plus faut pas déconner) ne pèsent rien devant les courbes qui dépassent les sommets des graphiques.
Mais que fait le gouvernement? Bah, comme tous les gouvernements, il fait là où on lui dit de faire puisque les maîtres du monde se nomment Dow Jones, Cac 40 et toute la famille qui se complait à entretenir une consanguinité aigue à travers le temps.
Alors oui, ces gars c'est plus fort que toi. Euh… entendons nous bien, quand je dis ces gars, je ne parle pas des multisalauds de tout bord mais de tous les Hem Chandra Pandey, tous les lanceurs d'alerte pourchassés. Aujourd'hui un Hem est tombé, demain deux autres prendront la relève. Oui monsieur tata, ces gars c'est plus fort que toi.
Ami babélioteur, ce qui est vachement mieux dans ce bouquin que dans un classique truc d'horreur c'est que là comme l'histoire est vraie on peut mettre des photos sous les noms, on peut même trouver la photo décrite, celle de la mise en scène de la mort de Hem et de Cherukuri Rajkumar. Ah oui je vous ai pas dit, Cherukuri Rajkumar c'est le leader des résistants, enfin des rebelles, des maoïstes (ça justifie mieux les massacres parce que maoïstes quand même, c'est pas bien) avec qui avait rendez vous Hem pour une interview qui n'aura jamais lieu puisque les forces des bienfaiteurs de l'humanité les enlèveront avant de les exécuter dans la foulée.
Je crois que je vais m'arrêter là parce que je ne sais toujours pas comment entamer ce billet, par contre je crois que je vais aller vomir encore un peu mon dégoût pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à un profit.
*Penser à suivre
Lionel Astruc.
*Penser à dire encore du bien d'
Actes Sud.
*Penser à arrêter de me parler tout seul en public.