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EAN : 9782362293917
80 pages
Editions Bruno Doucey (06/01/2022)
4.43/5   38 notes
Résumé :
Elle est seule et avance d'un pas léger. Elle ne laisse aucune empreinte dans le sable, mais sa pensée « recoud les fragments du monde ». Elle chemine d'un mot à l'autre et trace des signes dans la poussière des lendemains. Pour tous, cette reine mythique porte le nom d'Isis, déesse funéraire de l'Égypte antique qui rassemble les morceaux épars d'un amour défunt ; mais pour Jeanne Benameur, elle est aussi une sœur qui marche sur la Terre, en bordure d'océan, sur un ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Jeanne Benameur s'est inventé une soeur, Isis, cette déesse égyptienne qu'on vénère sur le pourtour méditerranéen, là même où plongent ses racines familiales. Comme Isis, elle « tente de rassembler l'épars », depuis que l'exil lui a imposé une autre langue que la langue maternelle. Dans ce « désir d'écrire au désir de penser », se tient Isis et son pas qui « mène d'un mot à l'autre »
Belle, émouvante ressemblance entre cette divinité ancienne qui rassembla les lambeaux épars de son bien-aimé, et Jeanne Benameur qui « cherchait sans le savoir/ les membres épars/ d'une famille perdue/ d'un pays perdu »
Ces pages disent aussi la douleur de l'exil, sur ce « là-bas » qui n'est plus son pays.

« sauter je l'ai fait
est-ce que déjà
dans la cuisine ombrée là-bas
je pressentais
l'exil. »

Il faut du temps pour apprendre à être soi-même, « … une femme mêlée d'océan et de mer bleue/ métissée » La poétesse le murmure à Isis, cette soeur de coeur qui peut tout entendre de ses combat intimes jusqu'à trouver l'apaisement « dans une joie lente ».
Isis peut aussi comprendre les hésitations de sa soeur, face « aux images du monde », comment écrire sur ces exilés « embarqués sur un navire d'illusion » et qui finiront noyés. Mais que peut la poétesse face aux drames, elle qui n'est pas militante et n'a que des mots, ces mots issus de l'alphabet qui l'a rendue si forte
« toute ma vie
appelée
pour sauver
l'écriture
la faire vivre
au plus profond de moi
là où elle seule peut aller »

Comment trouver sa place dans le monde ? Isis le sait, elle qui « ramasse les fragments du monde »
« Écrire c'est vivre » dit encore Jeanne Benameur qui termine en nous murmurant
« …il me faut écouter
maintenant
le poème de chaque vie
en moi
et l'écrire »

Dans ce long texte narratif, la poétesse écrit sur la vie, l'exil et sa place dans le monde, trouvant toujours le mot juste pour cette poésie de l'intime qui nous touche et nous emporte.

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Le pas d'Isis, c'est un texte poétique que j'ai trouvé magnifique, épris de sororité puisque Jeanne Benameur s'invente une soeur, Isis.
Connaissez-vous Isis ? le mythe d'Isis ? Osiris, roi mythique régnant sur l'Égypte antique fut assassiné par son frère cadet. Son corps fut démembré. Sa soeur et à la fois épouse Isis restaura son corps pour qu'il fut momifié.
À travers ce mythe, on retint davantage la démarche d'Isis que le personnage d'Osiris. Isis, c'est la déesse funéraire de l'Égypte antique qui rassemble les morceaux épars d'un amour défunt.
Coudre, couturer, j'aime tant ces mots, ce qu'ils me disent, ce qu'ils me suggèrent.
Isis recoud les fragments du monde.
J'ai découvert tout récemment que le mythe de la couture est important dans la religion judaïque et forcément j'ai lu ce récit, nourri de cela.
Pour Jeanne Benameur, Isis est une soeur qui lui tend la main, l'aide à écrire ces mots peut-être éphémères, à jamais qui apaisent.
Coudre, couturer, ces mots me sont chers peut-être parce que ma chère mère qui me manque plus que jamais était couturière. Cela dit, je vous avouerai humblement que, ni elle ni moi ni personne d'autres dans la famille n'imaginaient cette symbolique lorsqu'elle revenait épuisée de sa journée de labeur, revenant de l'atelier de textile où elle oeuvrait quotidiennement à fabriquer des jeans et des combinaisons de travail.
Les mots de Jeanne Benameur m'ont invité dans cette question lancinante : comment trouver sa place dans un monde déchiré. Comment recoller les morceaux. Tenter de les recoudre.
C'est une poésie intime qui m'a touché et emporté.
Jeanne Benameur dit avec beauté l'errance, l'exil, la différence, un monde fragmenté, essaie d'imaginer un autre monde après.
La poésie serait-elle capable de réparer le monde déchiré ?
Il y a cette douleur de là-bas, d'un monde qui n'est plus là, présent, à proximité mais qui existe encore, un monde à la dérive, un monde peut-être perdu à jamais.
Lire Jeanne Benameur me donne envie d'envier les oiseaux qui ne connaissent pas les frontières.
Forcément, je lis cette poésie de Jeanne Benameur avec la fracture du monde d'aujourd'hui, cette fracture qui ne cesse de diviser des peuples et les mettre en guerre, en exil, je voudrais l'interroger à ce sujet, je voudrais puiser dans ses mots des réponses qui pourraient me consoler.
Je ne sais pas si c'est possible.
La poésie peut-elle consoler ? Réparer ? Coudre ? Tisser des ponts ?
« je suis restée sur le pont
laissant en moi prendre place
la terrible vérité que
les parents ne peuvent rien
que personne ne peut rien »
Lire Jeanne Benameur me donne envie aussi de rassembler des morceaux épars de ma vie, de m'envoler à mon tour.
Jeanne Benameur pose une poésie de l'intime qui touche sans cesse l'universel et c'est beau.
« j'imagine un monde où sera précieux
d'écouter la pensée qui se cherche
au fond de soi
la saisir et la nourrir
lui donner forme singulière
et partage. »
Plus tard, refermant ce recueil de poésie, j'ai laissé mon regard m'étonner de ce qui existait autour de moi, m'en émerveiller.
Le ciel était parsemé de nuages et d'oiseaux à l'infini.
Je me suis dit bêtement que si l'on regardait plus souvent les oiseaux, on ne se ferait plus jamais la guerre. Je ne sais pas pourquoi je vous dis ça subitement, je suis prêt à dire tous les mots qui peuvent être magiques pour arrêter les guerres.
Jeanne Benameur m'aide à vous le dire.
« Je suis fille d'un étroit chemin
l'étroitesse ne me fait pas peur
quand je sais qu'il me suffit de tourner la tête d'un quart
pour sentir l'infini »
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On connait tous Isis, déesse égyptienne dont la représentation figée orne les fresques. Mais l'Isis que convoque Jeanne Benameur pour lui confier ses tourments, ses peurs et ses espérances, est quasi une soeur dans les pas de laquelle elle met les sien. Isis, muette, qui l'accompagne et l'écoute tout au long de ce poème qui explore l'enfance, la douleur de l'exil et la langue, celle qu'on a laissée derrière soi et celle du pays d'accueil. Car la langue, ou plutôt les mots, sont au centre de l'oeuvre.
Il y a l'alphabet de cette langue qu'il faut apprivoiser.
« J'ai caressé le verbe
J'ai voulu connaitre de la langue
les finesses
les aspérités
la sentir au plus près
au plus délicat de ses ramures
la faisant mienne
Pour comprendre »

Car c'est avec des mots et sa pensée qu'on « recoud les fragments du monde » ce monde dans lequel la poétesse cherche sa place, elle qui est entre deux rives, elle la métissée.
Oui, ces poèmes parlent de la langue et de l'exil, des migrants et de l'enfance, c'est aussi la confidence d'une femme bouleversée par le monde et les drames qui s'y jouent, une femme qui lutte et tient grâce au poème.
Dans les pas d'Isis, elle marche en bordure d'océan
« la terre loin d'un côté
l'océan là de l'autre
je marche entre les deux
l'océan encore vivant dans l'humide sous mes pieds »

En compagnie d'Isis et de Jeanne Benameur, nous arpentons ainsi « un monde où sera précieux d'écouter la pensée qui se cherche au fond de soi »
Et nous revenons de ce long voyage habités par les mots qui, « parlés par d'autres bouches auront un sens nouveau »
Un voyage en poésie que je vous conseille vivement

Un grand merci aux éditions Bruno Doucey et à Babelio pour cette belle lecture
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Il m'a fallu un peu de temps pour me laisser emporter par la plume et le rythme de Jeanne Benameur, que j'ai trouvés de prime abord trop prosaïques, mais j'ai fini par la suivre dans le pas d'Isis, et dans le pouvoir de l'écriture et du langage qu'elle présente à travers elle.

Car Isis, déesse toujours en mouvement, à la recherche des lambeaux d'Osiris disséminés dans le monde par Seth, est une figure mythologique dans laquelle la poétesse se retrouve, elle-même contrainte de quitter son pays pour devoir, envers et contre tout, se reconstruire ailleurs, et autrement.

Et c'est lorsque j'ai vraiment ressenti cette proximité, par les mots, que j'ai été davantage emportée par eux, et par l'aspect particulièrement fragmentaire de la forme des poèmes, les plus à même de décrire cette sensation d'incomplétude et pour Jeanne, et pour Isis. Ou comment l'écriture et le langage deviennent, pour la poétesse, façon de combler l'incomplétude.
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Un voyage au côté de Jeanne Bénameur,sur le pas d'Isis,avec toujours cette sensibilité qui caractérise cette poétesse.
À la recherche de ses racines,un poème qu'il faut lire lentement ,afin de s'imprégner de la douceur ,des senteurs ,et une certaine sensualité, aussi qui s'en dégagent .Les mots sont si simples chez elle et en même temps tellement forts.Un petit recueil à garder précieusement afin de temps à autre d'en relire quelques passages.Sublime.
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Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
je suis toujours autant bouleversée
par la sinistre jouissance
que des humains tirent
de l'exclusion d'autres humains
s'excluant eux-mêmes
du cœur battant du monde
la sinistre jouissance
vouée à se répéter
cruelle
d'une tristesse sans fond
puisque séparée de toute vraie joie

comment accepter que la fraternité inclue aussi
ceux qui rendent amer ce monde
ce monde si fin si subtil
où nous vivons
où pas une feuille n'a la même couleur qu'une autre
où pas une vague n'est la même qu'une autre
où pas un être n'est le même qu'un autre
ce monde où chacun de nous
singulier
respire le même air que tous
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Le chagrin ne meurt pas
mais on apprend à marcher d'un pas différent sur la terre
et vivre nous est possible
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je crois en la fraternité
plus que dans le combat
la fraternité est un si lent chemin

je vois ceux qui mènent vive lutte pour plus de justice
et je les comprends
les envie même parfois
de tant de certitude

mais je ne suis pas des leurs
profondément
je sais que ma place n'est pas là
les combats vécus enfant
m'ont-ils détournée dans ma propre chair
du sang possible et des cris

je ne serai jamais du côté des cris et de la violence
même si elle cherche la justice
je suis du côté du silence
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Comprendre qu'il n'y a pas à être parfait
pour faire partie du monde
c'est être libre
mais travailler à ajuster sa présence au monde
c'est le travail et le sens de toute une vie
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Isis est seule
elle avance sans savoir

Isis est ma soeur
comme elle je ne sais pas
comme elle j'avance
quand même

elle ramasse ce qui n'appartient plus
des fragments

elle brave l'épars

a-t-elle peur?
J'ai peur si souvent

je la vois qui se penche
la terre peut être aride
ne rien offrir à son regard qui scrute
à sa main qui se tend

elle effleure la roche
reprend sa marche hésitante
et peu lui importe le temps
qu'il faudra

elle persiste
tout entière à sa tâche
le geste d'Isis
c'est celui de la pensée

la pensée recoud les fragments du monde
il y faut de la constance
et une forme de foi
celle que je me reconnais
sans dieu
celle qui m'a guidée
enfant
quand j'ai désiré si fort
l'entrée dans les signes

Elle me tient toujours ( Page9/10)
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Videos de Jeanne Benameur (38) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jeanne Benameur
Après notre entretien avec Chloé Deschamps, créatrice du compte Instagram @aquoibonlespoetes, nous poursuivons notre exploration de l'univers poétique. Dans la 2ème partie de cet épisode spécial Poésie, nous sommes en compagnie de Laure, libraire à Dialogues.
Bibliographie :
- le Pas d'Isis, de Jeanne Benameur (éd. Bruno Doucey) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20130380-le-pas-d-isis-jeanne-benameur-editions-bruno-doucey
- Made in woman, d'Hélène Dassavray (éd. La Boucherie Littéraire) https://www.librairiedialogues.fr/livre/16144462-made-in-woman-helene-dassavray-la-boucherie-litteraire
- Prends ces mots pour tenir, de Julien Bucci (éd. La Boucherie Littéraire) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20480403-prends-ces-mots-pour-tenir-bucci-julien-la-boucherie-litteraire
- Faiseur de miracles, de Fadhil Al-Azzawi (éd. Lisières) https://www.librairiedialogues.fr/livre/15531936-faiseur-de-miracles-suad-labiz-ed-lisieres
- Brûler, Brûler, Brûler, de Lisette Lombé (éd. L'Iconoclaste) https://www.librairiedialogues.fr/livre/17378935-bruler-bruler-bruler-lisette-lombe-l-iconoclaste
- Des Frelons dans les coeurs, de Suzanne Rault-Balet (éd. L'Iconoclaste) https://www.librairiedialogues.fr/livre/17378693-des-frelons-dans-le-coeur-suzanne-rault-balet-l-iconoclaste
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