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Michaël Charavin (Illustrateur)Bertrand Lesort (Illustrateur)
288 pages
Gallimard (08/10/2020)
3.69/5   103 notes
Résumé :
Pendant vingt-cinq jours, dans la pluie, le vent et le froid, en l’absence de tout sentier, François Garde et ses compagnons ont réalisé la traversée intégrale de Kerguelen à pied en autonomie totale.
Une aventure unique, tant sont rares les expéditions menées sur cette île déserte du sud de l’océan Indien aux confins des quarantièmes rugissants, une des plus inaccessibles du globe. Cette marche au milieu de paysages sublimes et inviolés, à laquelle l’auteur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (30) Voir plus Ajouter une critique
3,69

sur 103 notes
La nomination de François Garde en 2000 comme administrateur des terres australes et antarctiques va lui permettre de découvrir l'Archipel des Kerguelen. Il s'y rendra une dizaine de fois au cours de son mandat et ce sera pour lui une déchirure lorsque, ce mandat prenant fin, il devra s'éloigner de ce lieu dont il dit que plutôt qu'administrateur « il se sentait vice-roi des albatros, proconsul des îles froides, connétable des brumes, procurateur des manchots royaux… »

Il part alors à la découverte du Groenland, du Canada, de l'Islande, de la Patagonie, « comme certains amants cherchent, parait-il, dans leurs maîtresses successives le visage de leur premier amour. »… 
« l'archipel des Kerguelen comme un aimant » le ramènera vers la Grande Terre pour une redécouverte rude et éprouvante mais aussi pleine de beauté et de joie ; une marche du 23 novembre au 17 décembre 2015 qu'ils sont quatre à partager : Mika guide d'expédition, retrouvé au Groenland en 2007, Bertrand, ancien officier de marine photographe, Fred médecin et l'auteur.
Vingt cinq jours de marche, du cap d'Estaing et Port Christmas à l'extrême Nord à la plage de la Possession à l'extrême Sud et d'Ouest en Est de la plage de la Possession à Armor.



C'est un récit simple, plein de modestie face à cette terre battue par les vents, la pluie et la neige où la brume fait perdre les repères, une terre dénudée sans arbres où l'homme s'efface.

« L'île nous ignore, et n'a que faire de nous. Elle est. Nous passons.
Je ne cherche en rien à triompher d'elle. Je m'éprouve à son rugueux contact, je rends hommage à sa pesante réalité. Dans la froidure et la pluie, à l'intersection des océans les plus rudes de la planète, Kerguelen reste étrangère aux ambitions des hommes, et aux miennes. »


Moments de doute, d'incertitudes se mêlent à une exaltation et une joie profonde qui ne le quitte pas malgré les craintes et les difficultés de la marche. 

Au milieu du déchainement des éléments, de la traversée de chaos rocheux ou de souilles où ils s'enfoncent qu'ils ne peuvent pas toujours éviter, il y a aussi des éclaircies qui ouvrent sur des paysages surprenants de cascades, de plages où se prélassent des bonbons (jeunes éléphants de mer) des otaries, des manchots papous…


Sans oublier la variété des noms de lieux qui correspondent à la variété des visiteurs qui ont posé le pied sur l'île et sans y demeurer ont voulu laisser une trace ou se rappeler leur origine ou caractériser un lieu, un moment marquant.
Il faudrait en faire une liste : cabane de Mortadelle, du Val Travers, anse du gros ventre, îles Nuageuses, la Tête du Mage, les Trois Ménestrels, Mont du Chaos, mont des Rafales, Val de Longue Attente, vallée de la Mouche, Col de Dante, Doigt de Sainte Anne…

« … si je ne donne pas les noms et les formes des montagnes que nous apercevons, que nous longeons, puis qui passent derrière nous, comment faire partager notre progression, comment donner à voir ces journées apparemment si semblables et en fait si singulières ? Pas d'autres informations que ces noms qui suffisent à constituer un paysage en entier. Baptiser c'est arracher au néant ; donner à voir à ceux qui sont loin ; féconder l'imagination. »



Et ce livre effectivement donne à voir au lecteur et féconde son imagination.
Pour l'apprécier encore plus je conseillerais d'aller sur le site altitudes-nord.fr où vous retrouverez ces 25 jours de marche, en images, présentés par Michaël Charavin (Mika) et Bertrand Lesort photographe de l'expédition (voir d'autres photos sur son blog : www.linstantinne.com). Je n'ai découvert ces sites qu'après avoir lu le livre et j'ai ainsi pu me rendre compte que les images qui naissaient au fur et à mesure de ma lecture correspondaient parfaitement à celles offertes sur altitudes Nord et linstantinne. 
 Un grand merci à François Garde et à ceux qui l'ont accompagné qui offrent là un bien beau voyage.

PS : précisions transmises par Michaël Charavin pour retrouver plus directement les images de cette belle traversée :
Lien direct : http://latitudes-nord.fr/carnets-et-photos/trekker-traversee-de-l-ile-de-kerguelen
Si le scroll horizontal pour faire défiler les images vous pose des problèmes, retrouvez les images de Kerguelen sur son portfolio à l'adresse suivante :
https://www.flickr.com/photos/127471718@N04/albums/72157663030557449

Concernant les photos de Bertrand Lesort :
http://www.linstantinne.com/fr/portfolio-58227-0-40-kerguelen-2015.html
et https://www.flickr.com/gp/152167950@N04/fsogr5
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Venez, approchez un peu que je vous plante le décor de ce lieu coupé de tout, aux confins des quarantièmes rugissants, au bout du bout du monde ! Destination : l'archipel des Kerguelen… ! C'est parti !
C'est une terre sans cesse battue par les vents, la pluie et le froid, à côté la Bretagne finirait par ressembler au Luberon. Autrefois on surnommait cet archipel les îles de la Désolation, c'est vous dire… La légende dit qu'un certain Yves Joseph de Kerguelen le navigateur breton qui découvrit cette terre redoutable le 12 février 1772, approchant de ses côtes en fut si dépité qu'il ne voulut jamais y poser le pied, le bougre. Sans doute cherchait-il un eldorado plus accueillant.
C'est une terre inhabitée ou presque, seule une poignée d'hommes, des scientifiques pour l'essentiel se relaient ici sur des missions courtes de six à douze mois, concentrés dans un coin de l'île formant leur base, Port-aux-Français…
Le reste des habitants, c'est le peuple des oiseaux par millions, des rennes, des otaries, des éléphants de mer et leurs bonbons… Oui des bonbons… Je sais qu'à l'approche de Pâques, cela vous offre des images suaves et délicieuses… À Kerguelen, on appelle « bonbons » les jeunes éléphants de mer nouvellement sevrés. Cette désignation se réfère à leur silhouette rappelant la forme d'une friandise emballée dans son papier : un corps bien gras au sevrage, duquel dépassent leurs nageoires. Cela dit, week-end Pascal ou pas, je vous déconseille de vous en approcher pour tenter de défaire l'emballage…
C'est un territoire de basalte et de granit, âpre, hostile, vertical, percuté par les coups de boutoirs de l'océan et des tempêtes, avec tout autour un horizon saturé d'embruns.
À Kerguelen, ce n'est pas le vent qui est, Kerguelen est le vent.
Mais quelle mouche a donc piqué l'écrivain et haut fonctionnaire français François Garde de vouloir s'embarquer en novembre 2015 pour trois semaines de traversée à pied sur ce morceau de terre outremer ?
C'est un rêve que François Garde cultive depuis qu'il a travaillé dans la région, lorsqu'il était administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises, qu'on appelle communément les TAAF, se désignant lui-même avec tendresse et ironie comme " vice-roi des albatros ". Et dès lors qu'il fut en retraite, n'ayant plus besoin d'aller au taf, l'idée lui vint de s'offrir une petite balade sur ce coin d'archipel qui l'a toujours fasciné.
Cela dit, il n'était pas seul. Trois compagnons chevronnés dans les odyssées extrêmes l'ont accompagné dans cette traversée intégrale de l'île principale de Kerguelen durant vingt-cinq jours, de Nord en Sud, à pied et en autonomie totale.
Marcher à Kerguelen, c'est être emporté dans un voyage minéral.
Dans une écriture poétique, François Garde nous délivre ce récit prenant sous la forme d'un journal de vingt-cinq étapes…
Mais en quoi ce journal peut-il se distinguer de tant d'autres récit de voyage convoquant l'intime se frottant aux extrêmes.
Écrire chaque jour, chaque soir, écrire le vent, les pas dans le vent, écrire cette cheville encore fragile, en se demandant chaque soir si demain elle résistera, écrire en espérant ne pas être un fardeau pour ces trois compagnons mieux aguerris à l'exercice.
La menace vient autant du paysage que de soi-même, chaque geste effleure un potentiel de danger incommensurable.
Écrire pour dire la finitude de l'homme devant l'éternité d'un paysage.
Marcher à Kerguelen, c'est, nous dit François Garde, s'exposer à chaque pas en terrain hostile, sans chemin, ni répit, ni confort
C'est se frayer un passage entre les falaises et le vide. C'est tenter de décrypter les sentiers invisibles, franchir les torrents, boire aux cascades…
Parfois les brumes donnent l'impression d'arpenter un paysage incompréhensible qui ne souhaite pas révéler ses failles et ses interstices pour se laisser pénétrer…
Pourtant l'enchantement vient aussi brusquement que le jour succède à la nuit, comme une cathédrale de lumière vrillant le ciel, délivrant au détour de t'étape un territoire romantique peuplé d'elfes.
C'est alors une joie sans limite qui vient percer les moments de doutes et de d'incertitudes. Joie éphémère, il ne faut pas alors s'en priver, son temps est déjà compté…
Le chemin rappelle à chaque instant que rien n'est acquis sans peine.
Marcher à Kerguelen, c'est se déprendre du temps qui passe, c'est se sentir de passage.
François Garde marche là où la faune ne craint pas l'homme.
Mais la force de ce récit pétri d'humilité est peut-être ailleurs, se situant dans les pensées les plus intimes qui se confrontent avec soi-même, avec les autres, ses compagnons de voyage, comme une épreuve initiatique qu'il s'est imposée, sans même déceler dans cette vacuité le moindre sens. Pourquoi ce chemin ? Pourquoi ce but ?
Parvenir jusqu'au bout du voyage permettra-t-il de prouver quelque chose ? À lui, aux autres ?
Et si Kerguelen était un territoire qui refusait de pactiser avec les rêves et les ambitions démesurées du voyageur ? N'est-ce pas là la beauté de son secret ?
Marcher à Kerguelen, sans aucune raison valable et s'en émouvoir…
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Un très beau récit qui m'a permis de découvrir Kergulen. Île que je ne connaissais nullement avant de tomber sur ce livre. J'affectionne les récits de voyage, d'aventure et une fois encore ce qui me frappe souvent et je pense ne pas me tromper en affirmant ceci : les grands marcheurs sont aussi de grands poètes. Une seule fois durant ma vie de lectrice j'ai été déçue par la plume d'une voyageuse qui n'avait fait que nous citer comme un inventaire ses différentes étapes sans un vrai regard ni émotion sur l'environnement. Et encore moins de poésie.

Bref, ici, je suis ravie et enchantée de parcourir ce lieu, et la générosité de l'auteur de nous faire partager son ressenti quant à cette marche pas toujours facile ni toujours agréable avec une météo tout autant peu facile et peu agréable. Et pourtant quel plaisir de se plonger au coeur de ce récit et de découvrir des paysages différents.
J'ai toujours une grande estime et admiration pour ces personnes qui s'engagent dans un périple où elles savent qu'un rien peu tout faire basculer, qu'ils devront souffrir, subir les affres de la nature, se contenter du rudimentaire, avoir parfois faim, froid, et que le seul fait d'avoir un refuge avec un toit, c'est Versailles.
Si j'aime autant ce genre de lecture, c'est qu'il permet au lecteur de vivre à travers ces témoignages la prise de conscience de la fragilité d'une vie, et que le bonheur n'est pas toujours là où l'on croit.
Certes je n'aurai pas les conditions physiques pour un exploit tel mais il me plairait de vivre une parcelle de cette aventure.
Marcher vous procure beaucoup de bienfait, et nous vide la tête, nous recentre sur l'essentiel d'être vivant tout simplement.
Une lecture qui répond et fait écho à bien d'autres grands marcheurs que j'ai pu lire et apprécier. Cet auteur va donc rejoindre les connus et moins connus sur les rayons de ma bibliothèque.


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Une aventure improbable : traverser Kerguelen du nord au sud. Une aventure de vingt-cinq jours que François Garde relate d'une plume très agréable.

Vingt-cinq jours de vent, de pluie, de froid à traverser un paysage austère fait de rocailles, de souilles, de lacs, de rivières où il faut tracer sa voie car ces terres sont vierges.

Vingt-cinq jours à passer de fjords en éboulis, de moraines désertes en manchotières grouillantes de manchots et d'éléphants de mers indifférents.

Vingt cinq jours où le paysage est toujours le même et toujours changeant, baptisé des noms les plus divers et dont on se demande bien pour qui.

Enfin vingt-cinq jours partagés à quatre dans une tente pour trois, peinant sous le poids de sacs de vingt cinq kilos, où Michel Garde décrit admirablement le spectacle fascinant de ces Terres Australes en nous faisant partager les pensées profondes qui le traversent.

Une pérégrination qui cependant ne lui apporté ni sagesse, ni philosophie, car il n'en demandait pas tant et parce que Kerguelen ne se laisse pas conquérir.
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François Garde a été administrateur de l'une des Terres Australes et Antarctique sFrançaises (TAAF) durant les années 2000. il avait l'administration des Iles Kerguelen dans l'Océan Indien à 2 000 km du Continent Antarctique. Durant son mandat il vint une dizaine de fois sur les Iles Kerguelen. Il lui restera une nostalgie pour ces Iles du Bout du Monde.
et c'est tout naturellement qu'il reviendra sur Kerguelen pour un trek de 24 jours.
Pour cela il sera accompagné de Mika alpiniste et photographe , de Bertrand ancien officier de marine et photographe et de Fred alpiniste et patron de l'unité de haute montagne de Chamonix.
A quatre avec 25 kgs chacun sur le dos ils vont traverser Kerguelen du Nord à l'Ouest et au sud.
Mika et Bertrand vont relater cette marche à travers leur site photos.
Pour Mika sur Latitudes Nord et sur Flickr
Pour Bertrand sur son blog www.linstantinne.com/
François Garde lui va tenir un journal de cette longue marche jour après jour.
Marcher à Kerguelen nous relate ce journal
C'est un journal simple , plein d'humilité mais ô combien représentatif de cette marche et de l'état d'esprit de ces quatre marcheurs.
Il faut dire qu'il y a besoin d'une grande humilité devant Kerguelen.
Île battue continuellement par le vent et non les vents.
Île aux mille lacs , rivières et cascades
Iles aux souilles , aux falaises de basalte
Iles de la pluie et de la neige.
Et François Garde de nous raconter cette marche en reprenant régulièrement cette litanie : vent - neige -pluie- humidité-col-falaise - souille....
Cela aurait pu être répétitif. Sachant que toute les pages François Garde nous abreuve des noms des lieux qu'il traverse. Par-ici la Baie de L'oiseau, ou le lac de Rochegude. un peu plus loin le couloir Mangin ou le Val du Retour. Et puis encore des noms sortis de nulle part :le fjord des Portes Noires, la baie de Chimay, la vallée de la Mouche, la cabane Mortadelle, ou encore la péninsule Raillier du Baty sans oublier le Grand Rempart , le Petit et le Grand Ross.
Et bien au contraire cette énumération de vaux, de cabanes , de lacs , de montagnes, de fjords nous emmène dans la marche et dans l'intérieur de Kerguelen.
Bien que les hommes aient eu besoin de nommer pour se reconnaître , pour prendre la propriété des Iles Kerguelen , celles -ci restent un territoire inhabité , à découvrir et hostile à la vie humaine.
Cette longue marche confronte ces quatre hommes à cette réalité.
La vie humaine ne s'installe pas sur Kerguelen hormis la base scientifique de Port aux Français.
A l'inverse la vie naturelle explose : l'eau , le ciel, les nuages , les éléphants de mer, les manchots royaux, les pingouins gorfou, mais aussi les pétrels ,les skuas, les goélands .
Des tentatives d'implantation des hommes il reste des rennes , des chats de rats. Ceux ci conquièrent l'intérieur des terres de Kerguelen alors que la faune originelle reste sur les plages et au abords de l'Océan car c'est là qu'il y a la vie.
Et puis il y a ces paysages que nous imaginons : Ces falaises de basaltes ruisselantes d'eau dans lequel le vent vient s'engouffrer. Ces longues vallées souilleuses et spongieuses , le vert tentant d'éliminer le gris. Ce ciel bas avec dans la brume les langues glacières.
Dans son journal François Garde nous raconte tout cela , mais il nous raconte bien plus .
Il nous raconte la marche. Il nous raconte le vent , le vent de l'Esprit. Il nous raconte nos rêves.
Extrait page 233 : "Les trésors de Kerguelen ne sont ni monétisables ni exploitables. cette île n'a jamais enrichi personne. Tout ce que la nature donne à profusion reste sur place. Un seul produit d'exportation : le rêve -le rêve décliné n souvenirs, en désirs, en timbres, en nostalgies, en images, en contemplations. de ce fret là, je me revendique négociant."
C'est un beau livre sur la recherche de nos rêves mais aussi sur la recherche de soi.
A la fin de la lecture , se confronter au photos de Mika ou de Bertrand donne une autre couleur à ce journal. Les couleurs sombres qui dominent durant la lecture prennent un éclat extraordinaire.
Ventus est vita mea
C'est inscrit sur la Chapelle Notre Dame du Vent à Port aux Français.
Le Vent est ma vie.

"il faut le silence des vents au dehors pour être attentif et présent au Vent de l'Esprit "François Garde.



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critiques presse (3)
LeFigaro
07 décembre 2020
En novembre 2015, le romancier s’embarquait pour trois semaines de traversée de Kerguelen.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
16 février 2018
L’écrivain a traversé à pied la plus grande des îles Kerguelen, cette lointaine terre française. Vivifiant.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeFigaro
02 février 2018
Les univers maritimes n'ont cessé de passionner les écrivains. Dans son livre, François Garde raconte son expédition à pied de trois semaines à travers l'île de Kerguelen.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Kerguelen est voué au vent. Son souffle ne semble jamais devoir cesser, ni devoir cesser de nous suprendre. Il varie en force et en direction selon des logiques qui m'échappent, où se conjuguent perturbations océaniques, effets du relief, influence du soleil et pur caprice. Imprévisible et souverain, il décide de nos journées. Au-delà de trente noeuds, il rend la progression pénible ; allié à la pluie, il nous accable de froid ; virevoltant il prend appui sur les sacs à dos pour nous infliger de rudes bourrades ; bavard, sifflant, hurlant, grondant, il nous empêche de parler ; tourbillonnant, il nous aveugle.
Et lorsqu'il cesse, que rien ne bouge ni ne vibre dans l'air, que le murmure du ruisseau devient perceptible, et le rebond du caillou dérangé, et le bruit sourd des bâtons de Bertrand devant moi, son absence provisoire fait ressortir plus encore sa domination --- absence aussi étonnante, aussi déconcertante qu'une éclipse.
Le vent n'est pas un élément du paysage de Kerguelen, il en est l'essence même...
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Loin devant moi j'aperçois un objet que d'abord je n'identifie pas, un O posé verticalement en travers de notre marche, un O blanc, festonné. Ce sont des bois de renne, blancs et blanchis par le soleil et la pluie. Mais pourquoi ne gisent-ils pas à terre, après être tombés à l'automne de la tête d'un mâle ?
Il faut arriver à leur niveau pour comprendre: deux carcasses de rennes se font face, et se tiennent par les bois. Ne subsistent que les poils, la peau, les os, tout le reste a été nettoyé par les skuas. Et les bois, indissolublement liés. En regardant mieux, nous constatons que dans leur rivalité au moment du rut, le plus fort a percé la boîte crânienne de son rival, le tuant sans doute sur le coup dans la violence du choc. Sa victime est tombée à terre, toujours liée par les bois à son assassin, lequel, ne pouvant ni se dégager ni manger, est mort de faim.
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Jeudi 26 novembre--4ème jour
Les grandes eaux de Versailles ne sont que ruisselet, mesurées au débit de ce qui m'environne. Ce sont les jeux d'eau de la villa d'Este démultipliés à l'infini, les fantaisies d'un fontainier de génie pour un cardinal romain devenu fou. Hippolyte d'Este avait son allée des cent fontaines ? Qu'il pâlisse, qu'il jalouse cette vallée des dix mille cascades.
Malgré le froid et le déluge que nous subissons, cette remontée est un enchantement, et je la parcours avec une joie sans limite : c'est bien cela que je suis venu chercher, ces excès dans le paysage, ces scènes que bien peu ont vues. Autour de moi tout chante la puissance souveraine de l'eau, le lac, les cascades, les névés suspendus, la pluie, mes vêtements trempés, la brume, tout se mêle, se confond, déborde, dans une fantaisie baroque hallucinée.
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Nous sommes pauvres d'une pauvreté choisie. En somme nous avons prononcé des voeux temporaires. Pauvreté, donc. Chasteté évidemment. Obéissance, non au chef que nous nous sommes donnés, mais au projet.
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Vers la cabane Ring
Lundi 23 novembre--1er jour
Les îles Nuageuses ferment l'horizon, et, fidèles à leur nom, restent encapuchonnées comme deux vieilles dames craignant de s'enrhumer. L'océan austral, animé d'une faible houle, comme un coeur qui bat, s'irise de nuances ardoise, suggérant une dureté qu'aucune étrave ne parviendrait à fendre. À gauche, un cap parallèle, empilement tabulaire de coulées basaltiques, protège une baie ouverte au Nord, en apparence accueillante.
... Je me tiens au Sud du monde, sur une terre inhabitée.
... Nous ne parlons pas. Nous nous préparons à traverser un néant
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Vidéo de François Garde
Augustin Trapenard accueille Tatiana de Rosnay pour "Poussière blonde", roman qui raconte la rencontre entre une femme de chambre et Marilyn Monroe, paru chez Albin Michel. A ses côtés, Sonia Kronlund présente "L'Homme aux mille visages", l'histoire d'une extraordinaire imposture éditée chez Grasset, François Garde évoque "Mon oncle d'Australie", paru chez Grasset. Régis Jauffret publie, lui, "Dans le ventre de Klara", aux éditions Récamier, et Julia Malye, âgée d'à peine 18 ans, présente son premier roman, "La Louisiane", paru chez Stock.
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