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Sylvie Germain (Autre)
EAN : 9782290397831
192 pages
J'ai lu (10/01/2024)
4.19/5   61 notes
Résumé :
Comment peut-on faire, en une heure, le bagage de toute une vie ?
C'est la guerre ; des soldats ont l'ordre d'évacuer les civils qui ne peuvent emporter qu'un seul bagage. Il y a Manon et Jeanne, Paul, Marek, madame Dépalle, une famille nombreuse, Shoresh, deux âmes. Dans l'urgence des choix, le passé et le présent se mêlent, les êtres se révèlent, se montrent tels qu'ils sont.
À quoi tient-on le plus ? Qu'est-ce qu'on ne peut abandonner ? Que veut-o... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
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Ce court roman nous offre dix chapitres et dix histoires à la fois terriblement proches et différentes. Proches car elles parlent toutes de départ et d'exil dans un pays en guerre. Différentes parce que les personnages ont chacun leur propre vécu.
La guerre, si elle n'est pas nommée, est toute proche. La mort aussi. Et, avec cet ordre de tout quitter, est abordé le thème de l'abandon et de la perte. Que prendre avec soi, que laisser ? Comment faire entrer toute une vie dans un seul sac ? Ces hommes, ces femmes, doivent agir dans l'urgence, surveillés par les soldats et sans savoir où on va les conduire. Certains obéissent avec fatalisme, d'autres se rebellent.

« Un homme hurle dans la rue. Ce n'est pas un soldat. C'est une voix de douleur. Il dit qu'il ne le peut pas. Qu'il ne peut pas partir. »

Chaque chapitre s'ouvre sur une histoire avec des personnages différents. Ce sont chaque fois des fragments de vie, des concentrés d'humanité.
Il y a des images étonnantes dans cette ville sous la neige où tout prend des dimensions incroyables, où règne l'inquiétude et les questions. Dans chaque histoire, il y a ce point de basculement où le destin des personnages est tout autre.
Un couple âgé, Manon et sa fillette Jeanne, Marek, un jeune sourd muet, ou encore une famille nombreuse, tous sont émouvants dans leur détresse et leurs incertitudes. Il y a aussi cette vieille dame si touchante dans l'admiration de son bouquet de tulipes.

« Elle se retourne vers cette pièce qui l'a vue vivre depuis tant d'années. Vers le bouquet dans le vase de sa mère. Elle s'en approche, et d'un pincement délicat, elle décroche un pétale. »

A travers ces fragiles personnages, Avril Bénard nous raconte avec pudeur et tendresse une histoire universelle qui sait nous toucher.

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Sur un sujet difficile et si actuel, Avril Bénard nous offre un premier roman d'une intense humanité, à travers le portrait de personnages ( qui pourraient être nous) pris au piège de l'urgence qui précède l'exil,un temps compté qui révèle la part de lumière ou d'obscurité de leur âme et de leur monde en décomposition.

On ne sait pas où l'action se déroule, dans quel pays.On sait seulement que la guerre est à la porte et qu'il faut tout laisser ou presque derrière soi.
Le temps est suspendu et chacun se raccroche à ce qui fait sa raison d'être.

L'écriture sensible et délicate pose un regard infiniment précis et évoque admirablement les sentiments et les paradoxes qui nous habitent.

Comme le visage d'Avril Bénard,singulier et intemporel qui illustre les photos de Sarah Moon que je collectionnais,image poétique et, à présent, plume au grand pouvoir émotionnel.

Merci à Pierre-Louis Mascia pour cette découverte.
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"J'écris ces lignes pour rien, je ne les emmènerai pas avec moi, je les laisse ici, personne ne les lira. Je les écris parce qu'il m'a semblé pouvoir comprendre où ça avait capoté. Mais j'ai perdu le fil. Je l'ai senti me glisser entre les doigts, et je n'ai pas le temps de reprendre ces phrases pour le retrouver."

La fête de l'Occident, bonne conscience, trop loin, le désenchantement, crédulité et fragilité, la philosophie de comptoir, tout qui bascule, un tressaillement des corps, le début de l'effondrement, le marasme du chaos, un chemin de sortie, faire de son mieux, un visage clos, le son des pétales, la maison, des mauvais songes, une fade lumière, une nuée de corbeaux, le nécessaire et l'utile, un froid givré, une douleur sourde, les piles de livres, l'espoir comme une âme sans mot, un manteau bleu de libellule, les larmes d'une mère, la guerre affamée, une enfant sans âge, chiner ses restes, l'éclaboussure des mitraillettes, la couleur du passé...

Un grand et sincère merci à lecteurs.com et aux Éditions J'ai Lu pour ce roman humain avec des cendres, du coeur, et une douloureuse poésie.
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Ce livre m'est arrivé par hasard lors d'une séance de dédicace par l'autrice dans ma librairie préférée. Je n'avais pas repéré l'évènement. « Aux rencontres qui sont dans nos bagages. » a écrit Avril Bénard sur la page de garde. Les belles rencontres sont aussi en librairie !

Dix chapitres pour ce roman singulier avec le récit d'une heure dramatique vécue par différents personnages... La guerre, on ne sait pas où... La ville assiégée. Des soldats sont là qui évacuent le quartier, donnant l'ordre de ne prendre qu'un sac par personne, uniquement le nécessaire. Chacun dispose d'une petite heure pour choisir quelques vêtements et objets, décider de la répartition entre l'utile et les souvenirs d'une vie. Puis monter dans les camions...

D'abord un chapitre introductif intitulé "Je". Un personnage, né en 1986 comme Avril Bénard, situe l'époque, la nôtre, le chaos qui s'installe petit à petit, les sentiments de peur qui montent, sur le mensonge d'une société de consommation et ses promesses de bonheur sans limites, la guerre aux portes de la ville, dans la ville. Ce "Je" est bien habile, c'est Avril Bénard et plus que cela, sa génération, un Jeu entre individualité et collectif... Puis chacun fait sa valise, son sac – ou pas – dans les chapitres suivants intitulés : Manon et Jeanne, Paul, Marek, une dame âgée, Louis, une famille nombreuse, Shoresh, Guy et son chien Totem.

On est surpris par le rythme. Peut-être la plus grande réussite de ce récit. Un moment d'histoire, guerre ou exode quelconque, là, maintenant, raconté au niveau de l'intime. Une heure où la vie bascule vers la fuite, l'incertain, l'angoisse, avec les bruits, les cris d'hommes et de femmes aux aguets. L'auteure, à travers un coup de feu, un cri, un souvenir lié à un voisin... fait se chevaucher les histoires, faisant lien entre les parties qui, sinon, seraient des nouvelles.

Unité de temps (une heure), de lieu (la ville), d'action (l'évacuation du quartier) rappellent les règles de la tragédie classique. Propos universel, hors du temps, sondant la condition humaine de tous ceux qui sont amenés à partir de chez eux, quelle que soit la raison : travail, guerre, climat...

Cette autrice excelle à introduire des digressions passionnantes. Nous focalisant sur quelques dizaines de minutes d'une vie, elle nous parle de concepts généraux concernant le temps long des hommes. La vie menacée, c'est de toute la vie de l'humanité dont nous parle Avril Bénard.

On suit une mouche bourdonnant dans la chambre de Manon ; la vieille dame achète des tulipes perroquets s'imaginant poétiquement voir une nuée de ces oiseaux bavards ; le chien de Guy voudrait bien courir dans le sens des oiseaux... Voici quelques unes des images étonnantes distillées au fil des pages. Les animaux se passent de construire des murs, dit-elle, déconstruisant les limites entre humains et non humains dans le grand tout de la vie, dans sa poésie de l'univers.

Avril Bénard a publié dans différentes revues littéraires. Son joli minois aux taches de rousseur et ses yeux attentifs, regardant droit devant, sont aussi sur de nombreux clichés de la photographe Sarah Moon, pour qui elle a posé depuis l'enfance. Elle prend la plume, trouvant une forme nouvelle pour raconter ce que vivent des personnages auxquels on s'identifie, désespoir et tendresse mêlés pour chacun – ah, Marek et ses piles de livres... Manon et la petite Jeanne sont vivantes, et Jeanne emporte un petit caillou ramassé sur le chemin en pensant que son père l'avait peut-être foulé...

Sylvie Germain dont j'apprécie l'écriture, puisant dans le conte et l'imaginaire, signe une courte et poignante préface, comme un passage de relai à une jeune auteure prenant en charge les mots (les maux) récoltés, comme la petite Jeanne, en chemin. Ce roman fait preuve d'une grande maturité, le parrainage est bien mérité. Avez-vous envie de le découvrir ?
******
Avec photo sur blog Clesbibliofeel, lien direct ci-dessous

Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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Dans un pays riche, qui semblait ne pas pouvoir sombrer dans la violence, où on parle français, la guerre fait rage. Les habitants d'un immeuble doivent être évacués, de force s'il le faut; ils ont une heure pour préparer un seul sac par personne, pour abandonner les animaux avant de partir pour un ailleurs inconnu et tout laisser derrière eux sans se retourner.
L'auteure nous fait vivre cet arrachement au travers de personnages très différents, aux comportements très différents :
*Manon, qui vient de perdre son mari dans un massacre et sa fille Jeanne, 5 ans qui doit surmonter son immense douleur pour sa fille
*Un couple de septuagénaires où le mari est odieux, où la femme est soumise, humiliée, dont la seule consolation est un vieux chien que le mari veut abandonner à une mort certaine et pour la vie duquel, elle se révolte pour la première fois
* Marek, d'origine polonaise, qui a déjà connu l'exil et qui refuse de partir et d'abandonner ses livres qui sont toute sa vie
* Suzanne, une dame âgée, qui est résignée et s'offre un dernier moment de bonheur, de couleur, en achetant un bouquet de tulipes alors qu'elle manque de tout
* Une famille nombreuse de cinq personnes
* Shoresh, réfugié kurde avec sa compagne et son frère sourd et muet, qui vivent un deuxième arrachement
* Deux âmes, Guy, SDF, et son chien Totem qui ont uni leur solitude en une relation profonde
Ce roman a les caractéristiques d'une tragédie grecque, fondée sur une unité de lieu (un immeuble) et de temps (1 heure), renforcée par la désolation d'un hiver très rude qui maltraite les corps. Les raisons de la guerre ne sont pas évoquées car nous ne sommes pas dans une étude géo-politique mais dans l'humain, dans la réalité de ceux qui souffrent au quotidien de la folie de leurs dirigeants, quelle qu'elle soit. Ce qui m'a frappée, en premier lieu, c'est la très grande dignité (à part le septuagénaire) de ceux qui sont brutalement arrachés à leur vie, sans espoir de retour, face à une sorte de mort.
Ce que chacun emporte dans l'unique sac montre qui il ou elle est, sans masque, sans faux-semblants. Les objets sont porteurs d'instants de vie, certains doivent être écartés, laissés derrière comme les souvenirs qu'ils évoquent .
Les chiens jouent un rôle majeur ; les militaires refusent de les emmener pour des raisons sanitaires. Mais un chien pour quelqu'un qui est seul, dépouillé de tout (Guy, le SDF) ou se sent seul (la vieille dame maltraitée par son mari), c'est un compagnon, un ami, de la chaleur de la confiance, du partage et l'abandonner, c'est comme abandonner un membre chéri de sa famille. J'ai eu les tripes nouées, le coeur au bord des lèvres, lorsque les militaires abattent le chien de Guy, le vouant au désespoir sans fin.
J'ai gardé le premier chapitre pour la fin alors qu'il ouvre le roman mais il me paraît être porteur du message que veut transmettre l'auteure comme une prédiction de pythie ; il est d'ailleurs intitulé « Je ». C'est un réquisitoire qui fait mouche, contre la société actuelle, fragile, matérialiste, aveugle aux signes précurseurs et un avertissement sur ce qui vient et pourrait être la guerre ou toute autre violence de masse. C'est un roman à portée universelle, intemporel et qui parle à chacun d'entre nous car personne n'est à l'abri, qui nous fait immanquablement nous poser la question : « Et moi, qu'est-ce que j'aurais emmené ? »
Cela faisait longtemps que je n'avais pas été aussi émue, secouée par un roman et surtout par l'écriture. Elle est incandescente, et malgré l'arrière-plan dramatique, empreinte de poésie. C'est un primo-roman magistral qui laissera longtemps sa trace dans mon esprit et dans mon coeur.
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critiques presse (1)
SudOuestPresse
31 mai 2023
Dans son premier roman, elle met en scène une guerre, au crépuscule du siècle dernier, rempli d’objets, en passe de disparaître.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
S’il vient une rédemption au règne des humains, en un siècle lointain qu’on ne verra pas,elle ne se trouvera que dans la curiosité.Celui qui est curieux de l’autre,et de ce qui l’entoure,de ses coutumes,de ses lubies,de ses folies,il lui fait de la place dans sa compréhension. Ne pas être curieux c’est ça qui rend blasé,c’est ça qui rend amer,c’est ça qui rend méchant.C’est triste comme une légende qui s’éteindrait pour rien,c’est triste comme ça,c’est triste comme une couche de poussière sur un roman sublime.
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J'ai appelé mon père. Parceque,on a beau être grand,être adulte,si tout s'écroule,on attend du parent qu'il nous rassure et qu'il nous sauve,on attend qu'il en ait une explication, et une solution.Le parent est un rempart pour les temps difficiles.
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Elle s’était donc concentrée sur un point : son cœur, qui se déchaînait. Les hommes primitifs devaient sentir taper dans leur poitrine cette chose qu’ils ne savaient pas nommer, qu’ils ne savaient pas leur appartenir, qu’ils ne savaient pas faire partie d’eux. Ils sentaient leur cœur, sans que cela soit encore un cœur, sans que des concepts soient venus en atténuer l’indicible magie. Avant d’être un cœur, c’était une musique ; la musique originelle, le tambour originel ; de là, peut-être toutes les autres percussions. C’était à la nuit des temps, avant le feu, c’était quand pouvait naître le premier dieu, et c’était lui qui frappait ainsi, à l’intérieur d’eux-mêmes. 
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S’il vient une rédemption au règne des humains, en un siècle lointain qu’on ne verra pas, elle ne se trouvera que dans la curiosité. On dit toujours, que c’est l’amour, qui sauvera tout. Mais qui peut affirmer pouvoir bien le définir, et aussi le faire durer ? Et comment pourrait-il y en avoir suffisamment, lorsque c’est déjà si vite des drames dans presque chaque famille ? On tue par amour, on ne tue pas par curiosité. Celui qui est curieux de l’autre, et de ce qui l’entoure, de ses coutumes, de ses lubies, de ses folies, il lui fait de la place dans sa compréhension. Ne pas être curieux c’est ça qui rend blasé, c’est ça qui rend amer, c’est ça qui rend méchant. C’est triste comme une légende qui s’éteindrait pour rien, c’est triste comme ça, c’est triste comme une couche de poussière sur un roman sublime.
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Car qu'est-ce que le sacré, si ce n'est une histoire dans laquelle puiser ses forces?
Qu'est-ce que le sacré, si ce ne sont des légendes que l'on élève et qui nous survivent?
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