(Gustave Flaubert)...C'est là qu'il finit par admettre qu'il n'a rien, n'est rien avec quoi le monde qui l'a fait tel aurait à compter. Il accepte sa condition négative dans un univers dominé par la production matérielle et l'échange en vue du profit. Mais l'identité de néant qu'il assume, il va la retourner contre ceux qui la lui ont assignée. (...) Il a inventorié les instruments narratifs, disponibles, expérimenté les genres, les formes, personnelles et impersonnelles, la distribution des contenus dans la strucure actantielle (...) Il a pris la mesure de ce qu'il est : rien. Et c'est à la lumière de ce rien qu'il va montrer le monde. C'est alors qu'il trouve sa voix sans timbre, le ton mat qui n'appartient qu'à lui, la clarté morte d'éclispse, où baignera tout ce qu'il écrira par la suite (...) Flaubert à consenti. Il a fait droit à sa vérité de néant après l'avoir déniée. Rien de ce qu'il a pu avancer, tenter de faire valoir n'a tenu contre l'ordre, inséparablement matériel et intellectuel, du monde social auquel il appartient. C'est de ce non-lieu qu'il va nommer ce qui est (...) sous le jour entièrement désenchanté, blême, où il lui apparaît. C'est une opération sans exemple ni précédent en littérature. Elle est difficile, folle si la folie est solitude, rupture avec le sens commun, l'altérité, l'illusion partagée qu'on qualifie réalité. Mais elle est aussi supérieurement raisonnable en ce qu'elle somme la réalité de produire ses axiomes et ses fins, et de les justifier si elle peut.
Faulkner est celui qui a rendu à la littérature ce qu'elle avait dû lui céder, à l'origine, pour se constituer. Il a réintroduit le tremblement du monde où nous tâchons de vivre dans l'image élaborée, seconde que celui-ci, parfois, trouve entre les plats de couverture de livres. Il a tiré, avec des mots, jusque sur le papier, dans l'ordre du sens, la profondeur tumultuseuse, obscure, insensée, la division et le trouble qui sont au coeur de notre condition (...) Il rappelle à qui sérieusement y songe que le monde, avant de devenir un objet d'expérimentation méthodique, un spectacle choisi, engage le corps et l'âme et ne ressemble guère au tableau assagi, comme désaffecté, que la littérature en a donné aussi longtemps qu'elle s'est ignorée comme telle, née d'un moment tardif et d'un lieu protégé.
... De là le ton unique du Grand Meaulnes, sa très vieille sagesse et les folies qui le traversent, la paix légendaire des champs, le tableau immobile d'une France rustique, cérémonieuse, lacustre et forestière où l'on peut se perdre et, ce faisant, se trouver (...) Alain-Fournier l'a deviné comme personne, le temps n'est plus. Lorsque, au retour d'octobre, la fin renoue avec le début, il y a eu les épreuves et l'errance, les méprises (...) l'attente et la douleur, la honte et le deuil. l'espérance plus qu'humaine, la félicité si parfaite qu'elle n'aurait pas été supportable, sans doute, se sont enfuies. mais leur souvenir illumine le grand vide incertain de l'après.
Penser, c'est se retenir d'agir, de parler, disait Bain au siècle dernier. On ne saurait, sauf au théâtre, ferrailler en versifiant, nommer congrûment, dans l'instant, ce qui se produit. On est tout à ce qu'on fait, bien trop affecté par ce qui se passe pour en discerner le cours changeant, la signification exacte, l'implication. On comprendra ce soir ou demain ou jamais.
C'est que l'heure où l'on s'avise de faire retour sur soi est venue mais non celle, encore, où l'on discernera suffisamment les ombres du dedans our leur donner un nom, les porter au jour, sur le papier. On acquiert bien tard l'usage entier de la raison. C'est comme ça.
Cette semaine, Augustin Trapenard est allé à la rencontre de Pierre Bergounioux à l'occasion de la sortie en poche de son livre "Le Matin des origines" aux éditions Verdier. Ce merveilleux ouvrage célèbre l'ancrage profond dans ses racines, dans les terres du Quercy entre Lot et Corrèze, où l'auteur a grandi, dans la chaleur de la maison rose et au sein des paysages qui ont façonné son être. Ces souvenirs, imprégnés dans sa mémoire, représentent une part essentielle de son identité qui demeure là-bas. À travers ces pages, Pierre Bergounioux évoque avec justesse le lien puissant que la terre tisse avec nos souvenirs et nos émotions, révélant ainsi le pouvoir des lieux familiers pour donner du sens à notre passé et à nos moments les plus heureux.
Il était donc évident qu'Augustin Trapenard se déplace au coeur de cette histoire, sur les contreforts du plateau des Millevaches, dans sa maison de Corrèze pour un retour aux origines de la vie et de l'écriture.
+ Lire la suite