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EAN : 9782864323464
73 pages
Verdier (30/09/2001)
4.25/5   6 notes
Résumé :
L’histoire, selon Michelet, s’apparente à une maladie. Le corps social est secoué de fièvres, de nausées, sujet à de grandes hémorragies. Il y a aussi une pathologie de l’espace. Le séjour des petits pays restés en marge du temps s’accompagne de troubles obscurs, chroniques, auxquels les ressources locales permettent plus ou moins de remédier.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Très court ( 66 pages ), très dense et très complexe. Pierre Bergounioux est un écrivain, ce n'est pas l'homme d'un seul livre ( voir sa biographie, sa bibliographie et ses Carnets ), c'est un écrivain donc qui mérite attention et respect et un écrivain qui se mérite, on n'y entre pas comme dans un moulin, il y a des gens qu'on ne rencontre pas à travers leur(s) oeuvre(s), lui si--- à condition de s'en donner la peine et ... de le vouloir.
Entré dans ce livre, je m'y suis promené comme Alice, avec le bonheur d'y découvrir un monde rempli de monstres et de merveilles, j'ai retrouvé "l'esprit d'enfance" et c'est très rare . Et puis je partage ce goût des mots peu courants et un peu savants ( J'aime céder moi aussi à ce pédantisme délicat et désuet :combien de personnes ,aujourd'hui , comprennent et utilisent les termes de CHABLIS, RAMILLES, THYRSES, GLUTINEUX ou THIGMOTAXIE ? ) . C'est un fait: on entre ---ou on n'entre pas --- dans l'univers mental et factuel de Pierre Bergounioux, mais si on le fait, c'est un bonheur pur .
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La Vezère a fait un coude. Je n'entends plus que son glissement soyeux, ponctué, dirait-on de paroles sybillines qu'elle confie à sa rive. Je ne sais quel vestige de lucidité, qu'elle crainte m'ont arrêté au seuil de l'équipée. Il y a trop loin de ce que je peux envisager, accueillir, alors à ce qui ne demande qu'à venir à ma rencontre, au fil de l'eau. Pour étrangère que demuere la forme que l'on prend aux vieux creux, la chose en quoi l'on consiste, on en pressent l'etroitesse, la fragilité. On devine que l'ouvert et le vaste auxquels on aspire, loind de l'accroitre, la déchireront ni plus ni moins qu'un sac en papier kraft dans lequel on voudrait faire entrer le restant du monde ou simplement son parvis aquitain. J'ai devancé, en pensée, la lente dérive dans le couchant, gagné le cours inféiruer sous la nuit prochaine, l'aube du lendemain vers le Bugue(...) Et alors il fut évident que je n'étais pas de taille ni de force. La réalité, ma peine, pour pesantes qu'elles fussent, n'appelaient pas pareil remède. Ou si elles le réclaimaient, je n'avais pas, de mon côté, la constitution, l'âge, la détermination qui m'aureint permis d'y résister. Jamais tant d'étendue n'entreraient dans ma poche en papier. Un frisson m'a traversé. Je me suis mis à nager vers la rive, à accomplir énergiquement tous les mouvements. Elle dominait l'eau d'un bon mètre, avec des galets noyés dans le sable comme les fruits confits d'une tranche de cake(...) la bien heureuse glissade s'était muée en débâcle, alors qu'il n'y avait pas vraiment de quoi. J'avais pied. (...) ça ne m'empêchait pas de m'agiter, d'essayer de happer une pierre en saillie, la tige d'une plante aux larges feuilles grasses qui me restaient aux doigts. L'eau complice et tiède était maintenant despotique et froide sans pour autant cesser de jaser ni de sourire. Elle me proposait de me mettre au monde et je ne voulais plus je n'aurais pas pu.
Je n'avais pas parcouru cinquante mètres, lorsqu'un affaissement dans la berge s'est présenté, où il était facile comme tout de se hisser. Mais la faible longueur que j'avais dévalée m'avait semblé interminable. Je tremblais lorsque je me suis jeté dans le fouillis. L'eau fuyait à mes pieds, comme si de n'était, qu'elle n'eût pas tenté subrepticement de me perdre. Elle s'offrait toujours à me faire découvrir la nuit splendide qui apprêtait son velours sombre, sa parure d'étoiles, l'aube du lundi sur la basse vallée garnie de vignobles, le pressentiment de la mer. Je suis resté accroupi un moment dans les branches à attendre que la chair de poule me passe. Ensuite, j'ai suivi l'ébauche de sentier qui longeait la rivière et retrouvé les bruits d'éclaboussures, les appels, la réalité que j'avais failli inconsidérement quitter.
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C'est pourquoi je regarderais les craintes qui veillaient au coin d'un rue, le long d'une bâtisse exiguë, parfois, mais parfois monumentale, comme dûment fondées, et légitimes les ruminations et les initiatives qui s'ensuivaient. Il me semblait que les matériaux médiocre, les ressources réduites qui avaient obligé à faire vite, sans égard qu'à la plus stricte nécessité, la couleur passée, datée qui en teintait la masse, faisait à quiconque séjournait là une vie étriquée, bistre, anachronique, sans espérance. De larges surfaces, qu'il me serait facile de découper sur un plan de la ville, étaient comme grisées, leur traversée une affaie qui n'était pas indifférente. Je suivais des itinéraires parallèles. Il s'agissait de préserver quelque chose que n'avait pas de nom, trop profondément enfoui dans cette ombre où ce que nous sommes vraiment repose à moins qu'il ne fût un prolongement de l'enfoncement et du sombre ambiants.
J'ai vainement attendu qu'un homme d'un certain âge prononce les mots, en petit nombre, qui en fixeraient le contour, la nuance, la teneur dans l'espace intérieur. De les connaître nommément, pour ce qu'ils étaient, n'aurait pas dissipé le déplaisir qu'ils m'inspiraient. Mais celui-ci serait devenu tout simple, sans le mécontentement second qu'y ajoutait le fait dena pas savoir si c'est à ma personne ou à la réalité qu'il tenait. Or, cette dernière ne suscitait pas de réserves, autour de moi. On s'en accomodait sans phrases, sans dommage apparent. La première hypothèse -que c'était de mon fait, ma faute - s'en trouvait corroborée, ma peine redoublée. Et c'est en cela, je pense, que consistait l'élément sain, le reste ou plutôt le germe de raison enfoui dans la confusion des commencements. J'ai douté d'être fondé à douter des évidences partagées. j'ai attribué ce qui n'allait pas à ma conformation déplorable et non à quelque déficience de la réalité.
L'acte devance la pensée. Une pensée que nous ignorons, quelqu'un que nous sommes à notre insu et qui en sait plus que nous, me poussent, si loint que je remonte, à briser le cercle primitif. En l'absence, encore, de visée, de la moindre idée d'un bien positif déposé à mon intention
- comment saurais-je? - dans le vide environnant, je cherche à me soustraire à la contrariété diffuse, le plus souvent, masi parfois pénétrante du périmète urbain.
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Ce n'est jamais un regard contemplatif et pur qu'on porte autour de soi. Les vieilles faims le hantent et d'autres appétits moins grossiers mais également impérieux.
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Il était rarissime que je ne rentre pas avec quelque chose à la main, dans les poches, sur l'épaule et c'est puissamment équipé que je sortais, chargé d'outils, dans une sacoche, armé d'un filet de gaze verte, d'écorçoirs, de burins, de cannes à pêche, d'une carabine, à quoi s'ajoutait l'indispensable et menu fourniment de flacons, d'éther pour asphyxier les insectes, de paraffine, qui sert à faire flotter les mouches artificielles en plume de coq, de sacs, de bocaux où serrer les prises, un bidon d'eau lorsque c'était l'après-midi, sur les collines surchauffées, qui mettaient en nage, et qu'il était hors de question de renoncer parce que c'est en ces heures torrides, très fugitives, que certaines créatures qui ne le sont pas moins, sillonnent l'air incandescent et qu'on peut les attraper au vol.
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Vidéo de Pierre Bergounioux
Cette semaine, Augustin Trapenard est allé à la rencontre de Pierre Bergounioux à l'occasion de la sortie en poche de son livre "Le Matin des origines" aux éditions Verdier. Ce merveilleux ouvrage célèbre l'ancrage profond dans ses racines, dans les terres du Quercy entre Lot et Corrèze, où l'auteur a grandi, dans la chaleur de la maison rose et au sein des paysages qui ont façonné son être. Ces souvenirs, imprégnés dans sa mémoire, représentent une part essentielle de son identité qui demeure là-bas. À travers ces pages, Pierre Bergounioux évoque avec justesse le lien puissant que la terre tisse avec nos souvenirs et nos émotions, révélant ainsi le pouvoir des lieux familiers pour donner du sens à notre passé et à nos moments les plus heureux. Il était donc évident qu'Augustin Trapenard se déplace au coeur de cette histoire, sur les contreforts du plateau des Millevaches, dans sa maison de Corrèze pour un retour aux origines de la vie et de l'écriture.
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