Un numéro consacré à
Jean Ray, écrivain belge prolifique et considéré comme un maître du fantastique francophone. Outre, un dossier complet sur la vie et la bibliographie de l'auteur, la revue comporte également trois nouvelles écrites respectivement par Dale Bailey,
Liu Cixin et
Jean Ray. Enfin, un carnet de bord d'une quarantaine de pages offre des critiques sur les derniers romans sortis. En fin d'ouvrage, une analyse du film « Premier Contact » est proposée à la lecture.
La nouvelle de Dale Bailey « La fin de la fin de tout » est une critique virulente de la décadence de notre monde. de riches artistes, derniers survivants de la civilisation, se sont regroupés au pied de l'océan, dans leur demeure luxueuse. La Ruine, l'auteur n'expliquera jamais vraiment ce qu'elle est mais le nom est assez explicite à mon sens, a rongé la Terre, ne laissant que des cendres. Elle avance inexorablement, grignotant brin d'herbe après brin d'herbe, vague après vague. Deux couples d'amis se sont retranchés dans la riche propriété de l'un d'eux. Décidés à finir leurs jours dans une fête continue, ils participent, nuit après nuit, aux dernières soirées organisées par de riches propriétaires qui se terminent invariablement par le suicide de leur hôte.
Cette nouvelle est un tourbillon de sexe, de drogue, d'alcool, d'hémoglobine et d'abus en tout genre. Cruelle et ironique, l'auteur pointe du doigt les travers de notre société, exacerbés par l'approche de notre fin. J'ai bien aimé mais suis restée un peu sur ma faim.
Je remercie Bifrost pour cette très belle nouvelle de
Liu Cixin « Oeil pour Oeil ».
Dans un futur proche, l'homme a conquis l'espace et l'humanité est divisée entre ceux qui vivent et travaillent dans l'espace et ceux, les privilégiés, qui sont restés sur Terre. Lorsque ces derniers partent en vacances, ils ont la possibilité, voire le devoir, d'emporter avec eux, une paire d'Yeux. Cet appareil permet à son porteur de connecter sa vision avec celle d'une personne dans l'espace afin de lui fournir des images de la Terre pour celles et ceux qui en sont nostalgiques.
Un employé du centre de navigation aérospatiale sur Terre obtient quelques jours de congé à la campagne de la part de son supérieur. Il emporte donc avec lui une paire d'Yeux pour que la jeune fille qu'il a brièvement aperçue lors d'une présentation vidéo puisse admirer les paysages.
A travers l'ébahissement constant de la femme avec laquelle le protagoniste est en contact permanent, l'employé va peu à peu être gagné par l'exaspération devant les demandes de paysages de l'exilée. Sentir les fleurs, toucher l'herbe, assister au coucher du soleil puis à son lever etc. Lorsque ses vacances prendront fin et qu'il rendra la paire d'Yeux, il sera marqué par la nostalgie intense de la propriétaire des « Yeux » et comprendra qu'il ne s'agit pas d'un exil ordinaire.
C'est une nouvelle magnifique. Une ode à la beauté de notre planète, à tout ce qu'elle nous offre chaque jour. Poétique et si cruel, ce texte m'a permis de découvrir une autre facette de cet auteur de science-fiction et je recommande la lecture de ce numéro de Bifrost rien que pour ce récit à la puissance libératrice.
Enfin, la dernière nouvelle, écrite par
Jean Ray ne m'aura pas vraiment emballée. « L'Histoire de Marshall Grove » commence avec la mort des parents du jeune garçon. Pris sous l'aile d'un bienfaiteur, ami de ses parents, il va terminer de brillantes études en sciences naturelles avant de partir dans une contrée exotique d'où il reviendra marié avec une étrange personne.
Un récit qui aborde le thème de la métamorphose. Un ersatz de Kafka, pas très réussi à mon sens. le fait que la narration soit distanciée du protagoniste principal rend la lecture difficile à suivre. Je n'ai pas compris grand-chose à vrai dire…
Mention spéciale à
Arnaud Huftier et son remarquable dossier sur l'auteur
Jean Ray. Une biographie très complète qui met en avant les qualités de l'auteur mais également ses défauts : son passé de détenu, ses escroqueries et son habileté journalistique à s'auto-promouvoir via la centaine de pseudonymes dont il usa. Sa bibliographie est richement décrite et un dossier spécial sur son unique roman
Malpertuis vient compléter une présentation exhaustive de
Jean Ray et de son oeuvre.
Première lecture d'un numéro de Bifrost pour ma part et une très belle découverte.