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EAN : 9782021428117
256 pages
Seuil (12/09/2019)
4/5   5 notes
Résumé :


Pierre Birnbaum, le théoricien de l’État fort à la française dont il a dessiné l’idéal-type, universaliste et protecteur des minorités, est né en juillet 1940, à Lourdes, quelques jours après l’instauration du régime de Vichy, de parents juifs et étrangers, dans une famille persécutée puis traquée par « l’État français » et par l’Occupant. À l’âge de deux ans, il est confié à une famille de fermiers des Hautes-Pyrénées avec sa sœur à peine plus âgée.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Comme l'indique son sous-titre, "Une leçon de Vichy" est d'abord "Une histoire personnelle". Celle de l'auteur, Pierre Birnbaum, né à Lourdes le 19 juillet 1940, quelques jours après l'effondrement de la Troisième République et l'avènement du régime de Vichy, dirigé par le maréchal Pétain.
Pourtant, précise-t-il en introduction, Pierre Birnbaum se défie de "l'ego-histoire" qui l' "irrite souvent chez tant de collègues avec ses risques d'autocélébration, de psychologisme et de narcissisme" (p. 10).
"Une leçon de Vichy" ne relève pas de l'autobiographie, mais de la micro-histoire et de l'analyse sociologique. A travers le parcours de sa propre famille, prise dans les rets de l'occupant allemand et du régime de Vichy , Pierre Birnbaum interroge sa propre théorie de "l'Etat fort", "universaliste", "à la française".
Car c'est bien l'administration française, et en particulier la Préfecture des Hautes-Pyrénées, qui s'est chargée de recenser, de persécuter et de traquer la famille Birnbaum, comme l'attestent les nombreux documents d'archives cités et reproduits dans l'ouvrage.
Le 9 septembre 1943, par exemple, le nom de Jacob Birnbaum (le père de l'auteur) figure en toutes lettres sur une liste des "étrangers devant être conduits au camp de Noé et qui n'ont pu être arrêtés" (p. 54). La famille est en fuite, comme le déplore un inspecteur du Commissariat général aux questions juives dans un rapport en date du 17 décembre, qui se termine par cette phrase glaçante : "L'enquête continue afin de retrouver le Juif Birnbaum et sa famille" (p. 55).
Pierre Birnbaum et sa soeur Yvonne, à peine plus âgée que lui, sont confiés à un couple de paysans installé dans le village d'Omex, au fond d'une vallée pyrénéenne. C'est à eux qu'ils devront leur survie.
De retour à Paris à la Libération, la famille reprend progressivement une vie "normale". Pierre est un élève brillant. Il entre à Sciences Po et devient professeur de sociologie politique à la Sorbonne. Ses travaux portent sur l'Etat, les élites et les "fous de la République", ces "Juifs d'Etat" qui intégrèrent la haute fonction publique et la vie politique sous la IIIe République.
Pendant plusieurs décennies, il écrit sur ce sujet sans jamais se confronter à Vichy, à "l'Etat français", allant jusqu'à développer, de son propre aveu, une forme de "schizophrénie" à l'égard d'une histoire qui, pourtant, le concerne personnellement (p. 110). Il n'ouvre pas, par exemple, l'ouvrage fondateur de Michael Marrus et Robert Paxton "Vichy et les Juifs" lors de sa publication en France, en 1981.
Car le régime de Vichy, est-ce encore l'Etat ? Non, répond-il dans la seconde partie de l'ouvrage, car "par-delà le chamboulement constitutionnel et les votes parlementaires douteux, l'Etat perd tout à la fois son institutionnalisation et sa différenciation d'avec les idéologiques politiques véhiculées par l'extrême-droite" (p. 196).
Ce constat n'empêche pas Pierre Birnbaum de consacrer de longs développement au ralliement de la haute fonction publique au régime de Vichy et notamment à "l'osmose" (p. 135) qui existe entre le Conseil d'Etat et l'Etat français, laquelle se traduit, dès 1940, par une série de décisions stupéfiantes sur l'exclusion des Juifs de l'appareil d'Etat.
Comment d'éminents juristes, ayant servi pendant des années les institutions républicaines, ont-ils pu "délaisser la dimension morale des distinctions entre Juifs et non-Juifs pour s'en tenir à une logique étroitement positiviste ?" (p. 132).
Plus loin, Pierre Birnbaum revient sur "la symbiose entre le Commissariat aux Questions Juives et l'administration préfectorale" (p. 143) et l'application vigoureuse des textes antisémite par le Préfet des Hautes Pyrénées. Pourtant la mise en place du CGQJ en 1941 "illustre (...) cette création d'institutions ad hoc, externes à l'Etat qui témoignent de son démantèlement, de sa perte de centralité" (p. 150). Devenu un "véritable ministère", le CGQJ emploie à la fois des fonctionnaires et "des militants de l'antisémitisme radical recrutés au sein de groupes d'extrême-droite" (p. 151).
Un autre chapitre est consacré à l'épuration et à ses failles, puisque l'immense majorité des fonctionnaires ayant participé à la persécution et à la traque des Juifs sous l'occupation allemande, à de rares exceptions près, a poursuivi sa carrière après la Libération . Illustration de cette inexplicable clémence : "le préfet le Gentil, dans les Hautes-Pyrénées, n'est pas sanctionné" (p. 159).
En conclusion, écrit Pierre Birnbaum, "ce n'est pas l'Etat qui trahit les Juifs, c'est un pouvoir de fait devenu légal sinon légitime, auquel obéissent pourtant les hauts fonctionnaires qui, servilement, lui prêtent serment en renonçant à leur libre arbitre".
"Qui pourra deviner les raisons du ralliement des hauts fonctionnaires et de l'appareil d'Etat républicain à cet Etat français qui en est la négation? Carriérisme, lâcheté, peur de perdre son emploi, crainte de l'occupant, indifférence ? (p. 228)".
La question reste ouverte.
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Jusqu'à présent Pierre Birnbaum, adepte de l'Etat à la française, ne s'était jamais interrogé sur la nature de cet "Etat français" qui avait persécuté les Juifs pour le compte des occupants allemands.

Né en 1940, lui et sa soeur aînée, Yvonne, furent cachés par une famille de fermiers des Hautes-Pyrénées à laquelle il rend un très vibrant hommage.

Cet "Etat français" qui a traqué les Juifs avec ardeur a eu besoin d'une structure administrative performante pour mener à bien cette politique.
Et c'est là que réside tout l'intérêt de ce livre. Les hauts fonctionnaires qui avaient commencé leur carrière avant la Seconde guerre mondiale participèrent à l'organisation de la chasse aux Juifs et aux résistants sans états d'âme, puis continuèrent leurs carrières après la Libération...
C'est ainsi que nous retrouvons Maurice Papon, décoré de la Légion d'Honneur après-guerre, impliqué dans le départ de plusieurs convois, incluant des femmes et des enfants, à destination des camps d'extermination et responsable de la répression de la manifestation du FLN à Paris du 16 octobre 1961 avec son cortège de morts.
Il fut également responsable de la mort de plusieurs manifestants contre l'OAS au métro Charonne, le 8 février 1962.

A la Libération, suite à la restitution des biens juifs spoliés, il y eut des manifestations avec le slogan "La France aux Français !".
La soeur aînée de l'auteur subit, après la Libération, des insultes antijuives dans le lycée où elle étudiait...

Dans la mise en place du Statut des Juifs d'octobre 1940, devançant toute demande allemande, excluant les Juifs de toute vie sociale en France, avant de les livrer à leurs bourreaux nazis, c'est toute une administration, aidée par des militants fascistes qui oeuvre avec dévouement...

Le Commissariat Général aux Questions Juives a eu à sa tête deux dirigeants fascistes profondément antisémites : Xavier Vallat et Darquier de Pellepoix.
Et nous voyons les préfets, des hauts fonctionnaires oeuvrer la main dans la main...

Pour mémoire, en juillet 1940, ce sont les députés élus aux dernières élections législatives d'avant-guerre, celles de 1936, qui ont majoritairement donné les pleins pouvoirs à Pétain...et ce, toutes tendances politiques confondues.

L'auteur ne manque pas de rappeler "l'étonnante" carrière politique de François Mitterrand, fasciste avant guerre (participant notamment le 1er février 1935 à la manifestation contre "l'invasion métèque", pétainiste sous l'Occupation et...adepte de la sociale démocratie en tant que Président de la République en 1981.
Sans oublier les condamnations à mort des militants du FLN dans les premières années de la guerre d'Algérie, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur sous la IVème République....Nauséeux.

Un livre passionnant dont la lecture écorne l'image de la France des 80 dernières années.
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critiques presse (1)
Culturebox
26 novembre 2019
L'aveuglement a disparu et La Leçon de Vichy en est le récit. Pierre Birnbaum raconte son enfance mais c'est avec un regard d'historien qu'il ausculte les compromissions des hauts fonctionnaires français sous le régime de Vichy.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Le monde enseignant demeure prudent. Ainsi on observe, parmi les professeurs de l'enseignement supérieur, que de timides réactions de protestation à l'éviction de leurs collègues juifs, alors qu'en Norvège, aux Pays-Bas ou en Belgique, des manifestations publiques associent les doyens, les professeurs et les étudiants dans un commun refus de cette exclusion
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Ainsi les policiers de la brigade Permilleux, créée au sein de la préfecture de police, donc de l'administration traditionnelle, pour arrêter les milliers de Juifs ayant échappé aux rafles, laquelle sévit avec u ne rare efficacité jusqu'en août 1944, et agit fréquemment à partir de dénonciations de voisins ou de concierges, sont pratiquement blanchis par la Cour de justice de la Seine. Dans ce sens, avoir participé à la rafle du Vel d'Hiv n'est pas considéré comme une faute à la Libération
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Il est parfois dans l'Histoire d'un pays un moment cruel où, pour sauver ce qui donne son vrai sens à la nation, on ne peut pas ne pas désobéir à l'Etat. La France d'après 1940 vivait un de ces moments.
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Videos de Pierre Birnbaum (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pierre Birnbaum
Un débat avec les historiens Limore Yagil et Pierre Birnbaum, le 25 février, au Théâtre Libre. Félicie, Maria, Fabien... C'est une famille de paysans haut-pyrénéens, une famille comme ces milliers de Français qui ont caché des enfants juifs et défié les lois iniques du régime de Vichy. Après avoir longtemps négligé le souvenir de cet épisode, l'historien Pierre Birnbaum y revient dans un livre très personnel. Comment penser, aujourd'hui, la concomitance de l'abjection de la Révolution nationale et de l'héroïsme anonyme du sauvetage ?
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