« L'Arcane sans nom » est typiquement le genre de roman qui avait tout, ou presque, pour me déplaire.
Déjà, l'auteur :
Pierre Bordage. Non que ce soit un mauvais auteur (je ne le connaissais pas), mais c'est un auteur réputé pour ses romans de science-fiction un genre dont je ne suis pas du tout friand.
Ensuite, les personnages : le héros, Sahil, un réfugié afghan, auquel il aurait pu être difficile de s'attacher puisqu'ayant du sang sur les mains quand il était dans l'armée afghane. Les personnages secondaires comme Ten, une jeune sataniste ou Didjo, une jeune Rom (la plus attachante, mais également la plus improbable).
Le titre, trop énigmatique...
Alors, pourquoi m'être plongé dans ce roman ? Un peu par dépit. Je l'avais dans ma PAL depuis longtemps, car il faisait partie des 13 romans de la collection Vendredi 13 aux éditions Blanche, collection dirigée par
Patrick Raynal et excellemment inaugurée (comme toujours) par l'incontournable
Jean-Bernard Pouy (un génie) avec le très bon «
Samedi 14 » (
samedi 14 qui, comme tout le monde le sait, suit le vendredi 13).
Mais voilà. le second roman de la collection était resté au fond de ma PAL pour les raisons précitées.
Alors, pourquoi l'en ressortir, me demanderez-vous ? Tout simplement parce que je n'avais pas le temps de chercher ma nouvelle lecture après avoir abandonné en cours de route un roman décevant et que je cherchais un roman court pour le cas où, justement, celui-ci me décevrait également. Arcane sans nom (L') trônant dans les premiers titres de ma liste alphabétique, n'étant pas très long (le livre papier fait 222 pages, mais avec une mise en page un peu aérée). Je l'ouvrais donc sans même m'attarder sur le sujet et l'auteur.
Bien m'en fit.
Sahil est un jeune réfugié, déserteur de l'armée afghane, expérience durant laquelle il a vu et commis nombre d'horreurs.
Désireux de passer en Angleterre, mais sans argent et sans papier, il trouve refuge dans les caves d'un immeuble désaffecté en compagnie d'un groupe de jeunes satanistes qui préparent un spectacle au Père-Lachaise pour le soir du Vendredi 13.
Dans ce groupe, le chef, Méphisto et la jeune et pulpeuse Ten qui ne laisse pas Sahil insensible malgré qu'elle soit aux antipodes de l'image de la femme dans sa culture.
Un jour, Méphisto met en contact Sahil avec une personne qui lui propose, en échange de vrais papiers et de 5000 euros, d'assassiner une jeune femme.
Sahil, qui n'est plus à un crime près, accepte le deal. Mais, alors qu'il est dans le parking en train d'attendre la victime, il constate que ses gardes du corps, au lieu de la protéger, semblent attendre quelque chose et son instinct lui dit alors que c'est lui, qu'ils attendent, pour le buter une fois qu'il aura fait le boulot.
Sahil décide de fuir sans se douter des moyens que va mettre en place le commanditaire de l'assassinat pour le faire taire.
Comme je le disais, donc, difficile, à la base, de s'attacher au personnage de Sahil, ancien militaire afghan, qui a tué hommes femmes et enfants à l'époque. Certes, il a déserté, il est hanté par le visage d'une gamine qu'il a abattu froidement, pourtant, il accepte d'assassiner une inconnue pour des papiers et de l'argent. Et c'est seulement le fait qu'il sent qu'il a été piégé et que quand il aura rempli son contrat, il sera à son tour abattu, qui le fait rebrousser chemin, même si, au fond, cela le soulage de ne plus faire couler le sang.
À ses côtés, Ten, une jeune sataniste pulpeuse un peu paumée. Loin de l'idéal de la femme afghane, Sahil ne peut s'empêcher d'être attiré par elle. D'autant qu'elle devient rapidement sa seule planche de salut.
Pourchassé par les hommes du commanditaire, il doit récupérer son argent pour fuir, mais l'argent, il l'a planqué au fond des caves, et des tueurs l'y attendent.
Les choses ne pourraient être pires et, pourtant, il va bientôt être accusé à tort du meurtre d'une policière et son visage va s'afficher sur tous les écrans.
Aurait-il pensé, alors, que son salut viendrait d'une gamine rom à qui il a donné une pièce et qui va alors décider de le conduire à une guérisseuse (Sahil s'est violemment tordu la cheville) qui va alors charger la gamine de protéger Sahil...
C'est donc cette gamine, Djidjo, qui est à la fois le personnage le plus attachant du récit, le plus fort, mais aussi le moins crédible. Mais qu'importe, car l'auteur parvient tout de même à faire passer la pilule grâce à un récit rythmé, sous forme de chasse ou de course poursuite, durant laquelle Sahil, Ten et Djidjo vont devoir échapper à une horde de tueurs sans pitié.
Si
Pierre Bordage est à l'aise avec la
Science Fiction, force est de reconnaître qu'il l'est tout autant dans un récit noir d'aventures. Son style est plaisant, sa plume alerte et il n'hésite pas à aborder certains sujets de société et à donner une part d'ombre à son héros (part d'ombre qui peut également empêcher l'attachement).
Certes, pas grand-chose de réellement crédible dans ce récit, depuis l'identité du commanditaire, jusqu'aux moyens mis en oeuvre par celui-ci, en passant par le personnage de Djidjo et d'autres péripéties, mais combien d'excellents récits (au cinéma, à la télévision ou en littérature) s'appuient sur des faits et des rebondissements peu crédibles ?
Il faut d'autant plus de talent pour parvenir à faire passer ces extravagances et, aussi, ne pas laisser trop le temps au lecteur de réfléchir.
C'est ce que parvient parfaitement l'auteur imposant un tempo sans faille à son récit et parvenant à faire passer certaines choses parce qu'il réussit à donner envie d'y croire.
Djidjo en est un parfait exemple. Totalement improbable sur le papier, si l'on expose froidement les faits, le lecteur a pourtant envie de croire à ce personnage mixe entre Léon de
Luc Besson et une extra lucide.
On pourra reprocher une fin un peu abrupte et qui ne clôt pas parfaitement le dossier, mais, en même temps, n'est-ce pas ce qu'il arrive souvent dans la vie ?
Au final, un petit roman exaltant qui, une fois entré dans le récit, ne laisse plus de répit à ses personnages et au lecteur. Une vraie réussite en la matière.