Des rires de hyènes

Mauvaise idée de lire ce roman à quelques jours de la rentrée, a fortiori si on a un enfant enseignant.
Marion Brunet y montre la descente aux enfers de Julien, prof de français qui aborde sa première année au collège. Il appréhende, bien sûr, mais c'est un vieux rêve qui se réalise : transmettre sa passion de la littérature & de la poésie à des adolescents avides d'apprendre.
Les élèves sont plutôt mignons (surtout les 6e)... sauf un, élément perturbateur en classe de 4e, qui a décidé de faire marrer les autres aux dépens de ce prof.
.
J'ai beaucoup apprécié trois romans pour adultes de Marion Brunet : 'Vanda', 'L'Eté circulaire', 'Dans le désordre'.
Ses textes pour ados me semblent moins travaillés, alors que tous les publics méritent des récits riches, aboutis, quel que soit le nombre de pages.
Dans 'Des rires de hyènes', tout est à la fois trop facile et trop lourd. La spirale qui entraîne Julien vers le fond est bien décrite, on redoute évidemment le pire - comment s'en sortir sans se faire aider ?
Mais je n'ai pas aimé cette fin abrupte, cette solution fortuite qui n'en est pas une, ça serait trop simple, comme si un seul ado était capable de déstabiliser ce prof à ce point ; et, pire encore, comme si l'enseignant sortait vainqueur de cette fin tragique.
Quid de la douce Aïda, également ? Tant pis pour elle ? Chacun pour sa peau ?
.
Sur ce thème, j'ai préféré 'Je tue les enfants français dans les jardins' de Marie Neuser. Je garde également un bon souvenir de 'Présent' de Jeanne Benameur, sans parvenir à me rappeler si des enseignants y étaient en souffrance.

Julien est un jeune professeur convaincu de la noblesse de son métier, certain d'avoir trouvé sa voie : enseigner, transmettre. Il se heurte, à sa première affectation dans un collège, aux rudesses de sa profession, à la difficulté de se faire respecter par ses élèves dont un en particulier qui perturbe systématiquement ses cours. Julien se met alors à ressasser ce qu'il considère comme un échec, lui qui aimerait tellement enseigner si seulement ses élèves le laissaient faire...

Ce roman résonnera auprès des enseignants qui ont eu à vivre des situations similaires. Marion Brunet lève un tabou : oui, c'est difficile de rester confiant lorsqu'une classe entière suit un meneur, oui, il arrive qu'un enseignant soit malmené par des adolescents et le vive mal, oui, des parents d'élèves peuvent soutenir leur enfant insolent et accuser le professeur d'être responsable d'une situation qui dégénère. On pourra ressentir avec Julien le soulagement du vendredi soir qui laisse place à l'angoisse du dimanche, l'incompréhension des autres qui pensent qu'il n'y a qu'à démissionner pour régler le problème, les collègues auprès desquels on ne peut trouver de véritable soutien jusqu'au Principal plus intéressé par la réputation de son établissement que par le bien être des professeurs.

Le cruel dénouement peut surprendre mais le ton du roman est toujours juste et invite le lecteur à se poser une question : comment apaiser les tensions entre les professeurs et certains de leurs élèves, sans détruire ni les uns ni les autres.

Contrairement à ces livres précédents, je n'ai trouvé ni grossièreté ni vulgarité, en cela, j'ai mieux apprécié la qualité de l'écriture sans fard ni fioriture et j'aime bien: les chapitres courts, les personnages choisis, leur psychologie.
J'ai trouvé le récit d'un réalisme à faire peur! On peut considérer quelque chose de caricatural bien sûr mais mon expérience au sein de l'éducation nationale puis en tant que parent d'élève me font dire que ces situations existent vraiment. Elle soulève l'insuffisance de la formation des enseignants sur la gestion du groupe,la prise de parole, le désamorçage des situations conflictuelles, la maitrise du système éducatif ( relation au chef d'établissement, aux collègues...), la gestion de la communication avec les parents. Être prof cela s'apprend, c'est un métier avec de l'humain, être érudit dans sa matière n'est pas suffisant!
J'y suis confrontée tous les jours en tant que représentante des parents d'élèves à au collège rural de mes enfants alors en ville, j'imagine les difficultés et la détresse décuplées.
La fin est discutable mais nous sommes dans une fiction et c'est un choix d'auteur, c'est seulement dans ce dernier chapitre que je vois quelque chose de malsain, une pseudo justification d'un acte peut-être criminel....cela souligne peut-être l'urgence de l'aide à apporter aux enseignants
En bref, à ma grande surprise, j'ai bien aimé.

« Des rires de hyènes » est un court roman paru chez les éditions in8. C'est le premier roman que je lis dans cette maison d'éditions, j'aime beaucoup leur ligne éditoriale donc je vais essayer de suivre leur production. Vous reconnaissez peut-être le nom de Manon Brunet car elle a écrit le roman « Plein gris » qui a reçu plusieurs prix et a été largement diffusé dans le monde du livre.

Ce roman est assez court mais il est ultra immersif. Je l'ai lu d'une seule traite et il m'a fait ressentir des émotions d'une grande puissance. La psychologie du prof est très poussée et on ne peut que se mettre à sa place, j'ai été hyper mal à l'aise lors de ma lecture mais c'est carrément normal. C'est l'effet recherché par l'autrice. Ce que vit ce prof est tellement dérangeant et criant de réalisme. Elle excelle dans cet art.
Je ne pensais pas qu'il pouvait être aussi difficile d'enseigner en tant que prof.
Et la chute de ce roman est une petite bombe atomique. Je suis resté abasourdi pendant plusieurs et j'ai vraiment mis du mal à l'en remettre, rien qu'en y repensant je reste sur le derrière.
Je vous conseille fortement ce roman qu'il faut absolument découvrir !

Le thème abordé ici est audacieux puisqu'il ne s'agira pas de harcèlement entre élèves, mais d'une classe, en particulier d'un élève, envers un professeur. L'autrice lève donc le voile sur un tabou dans l'Education Nationale, une souffrance pour l'enseignant pourtant pas si rare, parole de prof... Ce qui est bien décrit à travers l'expérience de Julien, ce sont ces quelques élèves qui ont décidé de faire vivre un enfer gratuitement à leur prof et qui arrivent à entraîner toute une classe. L'effet de groupe peut être terrible ! Il y a aussi le manque de soutien de sa direction ou des collègues, associé à la honte de ne pas savoir "tenir sa classe" parce qu'il débute dans le métier, ou des parents qui défendent leur enfant sans rien vouloir entendre. La souffrance de Julien et l'état de stress permanent dans lequel il est plongé sont aussi bien retranscrits, comme le décompte du nombre d'heures qui le séparent du prochain cours ou les vacances qu'il n'arrive même plus à apprécier.

Malgré tout, il gardera foi en ce métier, car heureusement, il y a aussi des élèves bienveillants à qui se raccrocher. Ce sera le cas d'Aïda, qui aura elle aussi un statut compliqué puisque, en ne rentrant pas dans le jeu des autres ou en défendant son prof, elle peut elle aussi se les mettre injustement à dos. Encore un aspect très réaliste de cette histoire.

La chute de ce thriller psychologique est surprenante et dérangeante, je me demande donc comment proposer cette lecture à mes élèves. Un accompagnement s'imposera. J'ai aussi trouvé un peu dommage que ne soit pas plus exploitée l'homosexualité de Julien dans les attaques subies puisqu'il est souvent question de son couple dans l'histoire. Avec des remarques ou inscriptions, le tyran de la classe, Max, aurait pu s'en servir pour encore plus blesser et humilier son enseignant.
Lien : http://ocalypso.canalblog.co..