Wouaw. Alors c'est ça
Bukowski. Non parce que je m'attendais à un truc hardcore, politiquement incorrect et bien trash, alors que j'ai trouvé des nouvelles tout en sensibilité - Il a une façon de se mettre à nu… sans complaisance mais sans en faire trop non-plus, une sorte de sincérité qu'on sent à fleur de peau, à peine désabusée.
« - Ca ne me dérangerait pas tellement de tuer un homme, mais (…) j'ai pas envie de rentrer dans cette saloperie caca d'oie qui démange la peau ; j'ai la peau très sensible.
- Je suis heureuse d'apprendre que vous avez une sensibilité quelque part.
- Moi aussi. Mais je préfèrerais que ce ne soit pas ma peau.
- Vous devriez écrire avec votre peau. »
Eh bien peut-être que finalement c'est ce qu'il fait, en nous racontant ces histoires : Celle d'une fille qui ne supporte plus qu'on ne perçoive que sa beauté physique et qui s'abime dans sa laideur à lui ; Celle d'une rencontre bien décevante avec une inconnue fantasmée…
… Ah ben non au temps pour moi, je me disais aussi ! Je vous ai fait peur, hein ? Je vous rassure, la suite est beaucoup plus conforme à sa réputation : policée, tout en nuance et en subtilité… Non pardon, je me trompe encore, partie sur ma lancée. Des contes oui, de la folie si on veut, de l'ordinaire voilà, de vrais contes pour enfants, quoi. Ok y'a beaucoup de cri, de bière, de vin et du porto à l'overdose. « On se croit au fond du trou, et on tombe encore. Et merde ». L'auteur qui peine à vivre de son oeuvre se met en scène, cherchant l'inspiration dans des excès insensés, poussant les vices jusqu'à l'absurde, jusqu'à ce qu'il n'ait plus de sens à chercher à tout ça. Ni le lecteur non-plus. Pourtant, ce dernier ne renonce pas si vite : Parce que la plume a quelque chose d'attachant, parce que ces contes portent des symboles qui feraient le bonheur d'un psy. Parce qu'un certain recul guide cette plume, en totale contradiction avec ce que l'on lit. Tantôt protecteur, victime, bourreau ; à la fois capable de raisonner, de se voir avec lucidité mais sans jugement ; et en perte totale de repères : comment en est-il arrivé là ? La femme castratrice, la femme objet, la faible femme, la femme rêvée, celle à protéger… un portrait vécu(l) par nouvelle ? « Chaque femme a sa manière de baiser. Voilà pourquoi on continue, voilà comment on est pris au piège. »
Et chaque nouvelle, aussi provocatrice soit-elle, est sa manière de se livrer ; voilà comment on se trouve pris au piège de ses maux, voilà comment il nous tient finalement en haleine - chargée, l'haleine. Comme celle de ces générations qui, après guerre, ont éprouvé leurs libertés dans les abus. On obtient des nouvelles en forme de contes, une vie entre rêve et réalité, où un auteur désabusé, pas très beau, accro aux excès et encore en recherche de son public, met en scène sa vie quotidienne (alcool, boulot, fiestas), ses emmerdes ordinaires, ses amours à la… folie. «
Bukowski a peur des femmes (…)
Bukowski est un grand angoissé ». Des récits courts, des faits, pensées, sensations. Des sentiments ? N'ayons pas peur des peur des mots, malgré ses airs d'obsédé qui n'en a rien à branler, ou d'alcoolique imbuvable et violent qui n'en a rien à battre, il y en a aussi : du colérique, du désespéré, du refoulé, du dégueulé. Parmi les cadavres de bière qui jonchent son appart, entre deux tournées dans les bars et des pensées enfumées ; au milieu des « bonnes femmes », ou de rixes improvisées ; dans les draps froissées de nuits fauves dérobées. « - Je suis peut-être trop vieux pour être aimé comme les autres.
- Tout ce qu'il te faut, c'est que quelqu'un te trouve ».
Le propos et la plume ne m'ont pas toujours paru d'un grand intérêt en eux-mêmes, et sa vulgarité provocatrice m'a parfois semblé utilisée comme une insulte gratuite envers certaines personnes, comme si ne pas se décrire lui-même sous son meilleur jour l'autorisait à juger les autres ; mais ils peuvent faire sens ensemble, si l'on cherche à comprendre ce personnage atypique et son parcours. Etonnamment, d'aventures en tranches de vie, sans fard, sa plume apprivoise. Mais son personnage, comme tous les extrêmes, semble souvent insupportable et im...bitable*. A vous de voir si vous voulez vous laisser intriguer, happer, froisser, énerver, toucher, intéresser, écoeurer, effrayer, amuser, enivrer, désespérer, enc**…fumer par ce tourbillon de débauche sans… queue ni tête, réservé à un public averti. Car de son point de vue : « Pour s'en sortir dans une nouvelle, il faut du cul. Beaucoup du cul, si possible. » Vous êtes prévenus. Mais, comme dit le psy de la prison où il a fait un tour, « … sous un masque impassible, cache une profonde sensibilité… » Et vous, êtes-vous fan, détracteur, curieux ?
(* et ** : désolée, j'le f'rai plus. Promis, cuvé ; gerbé.)