Entre Brême et Hambourg, une nouvelle enquête passionnante de la procureure Chastity Riley, menée d'une écriture toujours aussi atypique et réjouissante, entre clans mafieux terrifiants, histoire d'amour improbable et avidité corporate jamais vraiment démentie.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/08/29/note-de-lecture-
rue-mexico-simone-buchholz/
Comme je l'écrivais ici à la parution de «
Nuit bleue » en 2021, il faut absolument rendre grâce à la collection Fusion des éditions de L'Atalante, pour nous avoir offert la découverte de cette enquêtrice judiciaire réellement pas comme les autres. Dans un contexte allemand qui nous est souvent peu familier, et avec toutes les spécificités de la grande ville portuaire qu'est Hambourg,
Simone Buchholz a créé en 2008 un personnage largement hors normes – il faut peut-être bien remonter jusqu'à la Sharon McCone de
Marcia Muller, apparue en
1977, pour approcher un tel phénomène -, fille d'une secrétaire allemande et d'un officier américain, investigatrice ayant un gosier nettement en pente et une vie sentimentale oscillant entre le complexe et l'agité, se sentant absolument gauche vis-à-vis de la société et de ses convenances, mais extraordinairement inventive pour en circonvenir les écueils. «
Rue Mexico », publié en 2018, et traduit en 2023 en français par
Claudine Layre, est le huitième épisode, juste après «
Béton rouge », de cette série au succès à mon sens très mérité.
Prisonnier d'une voiture en flammes, sur un parking de l'un des grands quartiers d'affaires de Hambourg, un homme décède des séquelles de son asphyxie. Surprenant en soi, peut-être, mais le devenant encore plus lorsqu'il s'avère qu'il s'agit d'un cadre de société d'assurances, fils en rupture de ban d'un clan mafieux mahallami basé principalement à Brême, l'autre Ville-État allemande, distante d'une centaine de kilomètres. La procureure Chas doit donc accompagner une équipe mixte d'enquêteurs qui, avec l'aide de leurs homologues de Brême, vont tenter de résoudre l'imbroglio apparent, en évitant les pièges des apparences et diverses chausse-trappes dissimulées çà et là.
J'ai indiqué dans les deux notes de lecture précédentes à quel point cette série est profondément réjouissante grâce à son écriture si atypique dans le genre policier. Cela ne se dément aucunement dans ce nouvel épisode. Sa panoplie inhabituelle de moyens techniques littéraires nous donne à partager, on l'a déjà dit, un regard unique sur Hambourg et sur le quartier de Sankt-Pauli, sur la société allemande contemporaine et sur une manière spécifique pour celles et ceux luttant intensément contre le crime de conserver une forme étonnante de détachement amusé au coeur de leurs obsessions les plus sombres.
Songeant sans doute, comme déjà noté également, à certaines facettes (du côté du travail de l'obsession au fond des individus) du grand
David Peace, mais aussi à certaines idiosyncrasies stupéfiantes développées chez
Fred Vargas, jouant à merveille du contraste entre l'officiel et l'officieux, entre l'enquête le jour et les bars la nuit, on assiste ici à une construction redoutable qui nous tient en permanence dans un déséquilibre salvateur (notamment parce que
Simone Buchholz manie à la perfection l'art beaucoup trop négligé du non-dit), et nous donne à nouveau envie d'en lire bien davantage.
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