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EAN : 9782226026965
246 pages
Albin Michel (05/06/1986)
3.62/5   12 notes
Résumé :
« Carco est un poète en demi-teintes, il bannit le verbiage, le clinquant, le faux lyrisme. Jusque dans ses poèmes les plus simples, on sent une sorte d'arrière-tremblement, de frémissement. Sa couleur est le gris, celui des murs, des jours, des souvenirs. Ses paysages campagnards ou urbains sont mouillés de pluie. Les bonheurs charnels sont courts et sans lendemain. On voit des bars, des ombres, des pas solitaires, un univers triste et las. Ce sont les amours de ru... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dans « L'homme traqué » (Grand Prix du Roman de l'Académie Française 1922), on avait pu découvrir, au détour de belles lignes languissantes et poétiques, l'âme nonchalamment mélancolique de l'écrivain, poète et chansonnier Francis Carco.

Des décors nocturnes et pluvieux, des gouttes d'eau brillant sur l'asphalte, des lampadaires ou se réverbère une lune mouillée, des rues humides de pluie, des contours flous, des reflets et des éclats troubles, le Paris des petites gens et des petit métiers… Un soin particulier accordé à tous ces minuscules détails qui ouvrait le champ d'un esthétisme raffiné, élégant, plein d'une tendresse nostalgique pour la capitale, ce « Paname » des années 20 qui s'affichait sous la plume de Carco comme un tableau au lavis, ou comme les photographies en noir et blanc zébrées des lumières du « Paris de nuit » du grand photographe Brassaï.

Ces décors parisiens, ces instantanés qui capturaient l'essence d'un Paris sombre et interlope donnaient envie de ce pencher sur la poésie de Francis Carco, notamment avec ce premier recueil «La bohème et mon coeur » publié en 1912.
Et en effet, la lecture de ces beaux poèmes souligne davantage ce que nous avions pu déjà entrevoir dans « L'homme traqué ».
Cette part nostalgique où glisse la pluie, une symphonie citadine faite de la musique sentimentale des nuits parisiennes, de la Butte Montmartre, des mauvais garçons et des marginaux, de la bohême, de l'amour, du temps qui passe et de la mort.
« Je te donne ce coin fleuri, / Ces arbres légers, cette brume / Et Paris au loin, qui s'allume / Sous ces nuages blancs et gris. »

On y puise également les influences de l'auteur : le désenchantement ironique et léger d'un Paul-Jean Toulet ou d'un Tristan Derême du courant fantaisiste ; la mélancolie plus sombre et grave d'un Verlaine ; le lyrisme plus ardent d'un Henri Bataille ou l'incandescence d'un Gérard de Nerval (pour qui le recueil est dédié) et des classiques du 19ème siècle.
Les fantômes d'autres grands poètes planent sur ces vers où le rêve se pare toujours d'un peu du gris de la réalité, où le réalisme s'impose avec la force du temps qui passe, inexorablement, sans espoir possible de retour en arrière.
« Mon enfance, de moi, comme tu te recules, / Parmi ce soir qui tombe et ce jardin qui meurt ! / Tu pars et tu ne reviendras jamais, peut-être : / Ton souvenir, déjà, n'est plus qu'une rumeur / Dans un halo, et qui, bientôt, va disparaître. / Et je reste à rêver, tout seul, à la fenêtre... »

La poésie de Francis Carco est une invitation à regarder les ombres et les jeux de couleurs d'une nature détrempée après l'orage, des branches qui luisent du vert mouillé des feuilles…d'un ciel gonflé de nuages où l'arc-en-ciel n'apparaît pas après l'averse…
C'est un sentiment à la fois doux et troublant, celui d'une nostalgie cotonneuse qui nous étreint comme lorsqu'on regarde la pluie tomber à travers la fenêtre, comme lorsqu'on suit des yeux les gouttes d'eau qui glissent le long des carreaux…
Quelque chose de fort se produit alors, tout en retenue et intériorité : ce passé auquel on repense, ces regrets qui jettent un voile de lassitude sur les choses du quotidien, ce jardin qui scintille après l'ondée…Ce n'est pas à proprement parler de la tristesse ou du chagrin, et c'est de cet ordre pourtant, mais avec cette sensation éthérée, cette ouate qui enveloppe et qui retient les larmes.
« Où va la pluie, le vent la mène / En tintant sur le toit / Et je me serrais contre toi, / Pour te cacher ma peine. »

« La bohème et mon coeur » parsème dans les coeurs ses petit galets de nostalgie, tout doucement, sans faire de bruit…cliquetis lointain d'un train de banlieue qui s'éloigne…chuchotis des arbres sous le souffle du vent…amour qui s'éclipse sans crier gare…fantômes du passé, regrets et amertume qui se coulent sur la pointe des pieds à l'angle d'une rue…et Paris comme une belle dame à la beauté triste, enveloppée de son manteau de nuit…
« Ton ombre est couleur de la pluie, / de mes regrets, du temps qui passe. / Elle disparaît et s'efface / Mais envahit tout, à la nuit. »

Ombres, couleurs diffuses, jeux de lumières, fragments lumineux, miroitements furtifs sur les quais de la Seine…c'est un peu tout cela la poésie de Francis Carco, un petit éclat de lumière, fulgurance de bonheur, dans la grande nuit du temps qui goutte inéluctablement…

« Ne parlons pas, écoute
La pluie à grosses gouttes
Dégouliner du toit
Et ruisseler aux vitres.
Il pleuvait, souviens-toi,
Comme il pleut dans mes livres»
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"Une pauvre cloche fêlée / tinte faux dans le matin clair". La langue de Carco est si jeune qu'elle ne vieillit pas. Il campe Paris, de jour, de nuit, et ses silhouettes sous la pluie. Olga, Bébert-le-Rabougri, les musiciens tziganes, Toulouse-Lautrec, les amoureux...
Sa manière simple, sans détour, sincère et ce je ne sais quoi de vitalité donnent à sa nostalgie la lumière d'un soleil à venir. Carco déambule, le tant pis en bandoulière, jamais définitif. La peine au coeur trouve son petit bonheur quotidien : "Le bar anglais où boit Nénesse" devient refuge.

"Aussi je m'en vais dans la rue
Où je traine, rêvant, forgeant
Des vers, faisant le pied de grue,
Devant des cafés, sans argent

Et lorsqu'après minuit je rentre
Dans ta chambre, tu sais très bien
Quel infernal et chaud lien
Nous raccouplera ventre à ventre"
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trop sombre, trop triste
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Ton ombre est couleur de la pluie,
De mes regrets, du temps qui passe.
Elle disparaît et s'efface
Mais envahit tout, à la nuit.
Sous le métro de la Chapelle,
Dans ce quartier pauvre et bruyant,
Elle m'attend, derrière les piliers noirs,
Où d'autres ombres fraternelles,
Font aux passants, qu'elles appellent,
De grands gestes de désespoir.
Mais les passants ne se retournent pas.
Aucun n'a jamais su pourquoi,
Dans le vent qui fait clignoter les réverbères,
Dans le vent froid, tant de mystère
Soudain se ferme sur ses pas...
Et moi qui cherche où tu peux être,
Moi qui sais que tu m'attends là,
Je passe sans te reconnaître.
Je vais et viens, toute la nuit,
Je marche seul, comme autrefois,
Et ton ombre, couleur de pluie,
Que le vent chasse à chaque pas,
Ton ombre se perd dans la nuit
Mais je la sens tout près de moi...
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Les persiennes ouvraient sur le grand jardin clair
Et, quand on se penchait pour se griser à l'air
Humide et pénétré de fraîcheurs matinales,
Un vertige inconnu montait à nos fronts pâles
Et nos cœurs se gonflaient comme un ruisseau grossi,
Car c'était tout un vol de parfums adoucis
Dans l'éblouissement heureux de la lumière :
Les langueurs avaient des langueurs particulières
Où se décomposait une odeur de terreau.
Tout le printemps chantait de l'éveil des oiseaux
Et, dans le déploiement des ailes engourdies,
Passait le grand élan paisible de la vie.
Une rumeur sonore emplissait la maison.
On entendait des bruits d'insectes ; des frissons
Faisaient trembler les grappes mauves des glycines
Tandis qu'allègrement des collines voisines
Un parfum de sous-bois arrivait jusqu'à nous.
Ô matins lumineux ! matins dorés et flous,
Je vous respirerai plus tard à la croisée
Et vous aurez l'odeur des feuilles reposées.
Et ce sera comme un très ancien rendez-vous.
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Un arbre tremble sous le vent
Les volets claquent.
Comme il a plu, l’eau fait des flaques.

Des feuilles volent sous le vent
Qui les disperse.
Et, brusquement, il pleut à verse.

Le jour décroît.
Sur l’horizon qui diminue
Je vois la silhouette nue
D’un clocher mince avec sa croix.

Dans le silence,
J’entends la cloche d’un couvent.
Elle s’élève, elle s’élance
Et puis retombe avec le vent.

Un arbre que le vent traverse
Geint doucement
Comme une floue et molle averse
Qui s’enfle et tombe à tout moment.
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IL PLEUT
À Eliane

Il pleut — c’est merveilleux. Je t’aime.
Nous resterons à la maison :
Rien ne nous plaît plus que nous-mêmes
Par ce temps d’arrière-saison.

Il pleut. Les taxis vont et viennent.
On voit rouler les autobus
Et les remorqueurs sur la Seine
Font un bruit... qu’on ne s’entend plus !

C’est merveilleux : il pleut. J’écoute
La pluie dont le crépitement
Heurte la vitre goutte à goutte...
Et tu me souris tendrement.

Je t’aime. Oh ! ce bruit d’eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout à l’heure :
On dirait qu’il pleut dans tes yeux.

Petite suite sentimentale ( 1923-1937 )
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BOHÊME
À Maurice Utrillo

La rue avec ses maisons blêmes,
Ses débits, ses trottoirs luisants
Et ses hasards, toujours les mêmes,
Nous savons trop pourquoi il l'aime,
Depuis le temps de sa bohème,
D'un cœur qui muse et va gueusant...

L'aigre bise aux soirs de misère,
Montmartre, l'hiver, le printemps,
Fleur mâchonnée entre les dents
Des gigolettes de quinze ans
Et des marlous au cœur de pierre
Qui le guettaient en complotant...

Sous le métro de la Chapelle,
Près des garnis à vingt-cinq sous,
C'est toujours lui, cet homme saoul,
Qui bat les murs et qui appelle
On ne sait qui, d'on ne sait où.

Son étoile était de la fête.
Il la voyait dans le ruisseau
Trembler comme un regard de bête
Battue et portant bas la tête
Sous les coups qui tombent d'en haut,
Sans se douter que c'était cette
Pauvre étoile, dans le ruisseau,
Qui le suivait, comme un poète.

Une nuit, il la ramassa
Et, l'essuyant contre sa manche,
S'aperçut bien qu'elle était blanche
Mais ne brillait pas tant que ça...
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Video de Francis Carco (15) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Francis Carco
Arthur Rimbaud, poète maudit par Francis Carco (1951 / France Culture). Illustration : Henri Fantin-Latour, "Un coin de table", 1872 (détail : Paul Verlaine et Arthur Rimbaud). "Jean-Arthur Rimbaud, poète maudit" : une émission de Francis Carco. Diffusion sur France Culture le 1, 8 et 15 mars 1951, et le 3, 5, 12, 19 et 26 avril 1951. Par Francis Carco. Lectures de Jacqueline Morane, Jean Topart, Yvonne Schaeffer, Lucien Paris, Paul Morin, Hubert Prélier et Claude Romain. Réalisation : Albert Riera. Musique : Henry Barraud. Arthur Rimbaud est un poète français, né le 20 octobre 1854 à Charleville et mort le 10 novembre 1891 à Marseille. Bien que brève, son œuvre poétique est caractérisée par une prodigieuse densité thématique et stylistique, faisant de lui une des figures majeures de la littérature française. Arthur Rimbaud écrit ses premiers poèmes à quinze ans. Après une brève phase d'initiation, par assimilation du style des grands poètes contemporains (Charles Baudelaire, Victor Hugo, Théodore de Banville...), développant déjà une franche originalité dans l'approche de thèmes classiques (« Le Dormeur du val », « Vénus Anadyomène »), il cherche à dépasser ces influences en développant ses propres conceptions théoriques, déclarant que le poète doit se faire « voyant », c'est-à-dire chercher et décrire l'inconnu par delà les perceptions humaines usuelles, quitte à y sacrifier sa propre intégrité mentale ou physique. Dès lors il se met à innover radicalement en matière d'audace formelle, jusqu'à aborder le genre du poème en prose, alors à ses balbutiements (parsemant ses œuvres d'apophtegmes énigmatiques, comme « changer la vie », « posséder la vérité dans une âme et un corps » ou « il faut être absolument moderne », qui seront repris comme des slogans par les poètes du XXe siècle, en particulier le mouvement surréaliste). Il entretient parallèlement une aventure amoureuse tumultueuse avec le poète Paul Verlaine, qui influence profondément son œuvre. Vers l'âge de vingt ans, il renonce subitement à la littérature (n'ayant alors publié qu'un seul ouvrage à compte d'auteur — "Une saison en enfer" — et quelques poèmes épars dans des revues confidentielles), ce qui contribue encore à son mythe. Il se consacre alors dans un premier temps à l'apprentissage de plusieurs langues, puis, mû par ses idées marginales, anti-bourgeoises et libertaires, choisit une vie aventureuse, dont les pérégrinations l'amènent jusqu'en Abyssinie, où il devient négociant (quincaillerie, bazar, vêtements, café, etc.) et explorateur. Sa tentative d'armer Ménélik avec l'aval du Consul de France s'avère désastreuse pour lui ; son unique « trafic d'armes » n'eut véritablement qu'une incidence politique symbolique, mais contribua à sa légende. De cette seconde vie, exotique, les seuls écrits connus consistent en près de 180 lettres (correspondance familiale et professionnelle) et quelques descriptions géographiques. Des poèmes comme « Le Bateau ivre », « Le Dormeur du val » ou « Voyelles » comptent parmi les plus célèbres de la poésie française. La précocité de son génie, sa carrière littéraire fulgurante, sa vie brève et aventureuse, contribuent à forger sa légende et faire de lui l'un des géants de la littérature mondiale.
1 : La naissance, le milieu familial 2 : Charleville, rencontre avec Verlaine 3 : Rimbaud, Verlaine 4 : Verlaine et Rimbaud à Bruxelles et à Londres, "Le bateau ivre" 5 : Verlaine tire sur Rimbaud, retour à Paris 6 : Verlaine, condamné et interné, "Une saison en enfer" 7 : Les trafics d'armes, les "Illuminations" 8 : Les derniers jours à Paris et à Marseille
Sources : France Culture et Wikipédia
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