Beyrouth, capitale du Liban. Une jeune femme envoie des lettres à des correspondants réels ou fictifs. D'abord, ce sera Hayat, son amie émigrée en Europe. Puis un écrivain naturalisé français, qui ne lira probablement jamais sa lettre. L'ancien amant qu'elle n'a été prête à suivre au bout du monde et qu'elle n'a jamais revu.
Billie Holiday, cette chanteuse qu'elle admire tant pour sa musique que pour les similitudes entre leurs histoires. Enfin, elle s'adresse directement à madame la Guerre, qui transfigure Beyrouth, sa ville chérie, qui se répand comme un poison avec ses vices, la drogue, la violence, la peur. Elle décrit un pays dans lequel elle se sent à la fois otage, en danger et pourtant irrémédiablement chez elle.
Comment ai-je réussi à finir ce livre? Mystère. Pas d'histoire suivie, beaucoup de description et d'introspection, il avait tout pour me rebuter. Et pourtant, je me suis attachée au personnage d'Asma, la narratrice-épistolière. D'abord parce que j'ai voulu comprendre: le Liban et son histoire sont des sujets que je ne connais quasiment pas. J'ai donc observé avec curiosité ce pays à la fois si meurtri et si moderne, devenu plaque tournante de la drogue (les descriptions des champs de pavot et de la culture du cannabis sont impressionnante) et où les bruits de fusillades sont quotidiens. Au départ, j'étais surprise qu'elle ne raconte que des scènes à la campagne, à l'étranger ou à l'intérieur de la maison: "mais où est cette Beyrouth annoncée par le titre?" Et peu à peu, on se rend compte qu'elle est devenue étrangère à Beyrouth, en marge sans pouvoir s'y retrouver, tant sortir est dangereux et devenu impossible, tant la ville a été écartelée entre les différents belligérants. Oui, ce roman nous fait découvrir une guerre qui déchire une ville et gagne lentement les campagnes comme un venin qui se répand tout doucement.
Mais ce qui est surtout au coeur de ce roman, c'est cette figure de femme, plongée dans une famille archaïque où le mariage traditionnel et la polygamie sont encore ancrés dans les moeurs mais qui transpire une modernité toute occidentale lorsqu'elle s'habille, se maquille et fait ses études. Une femme qui rêve d'ailleurs et d'évasion mais qui ne peut se résoudre à quitter sa ville à laquelle elle est viscéralement attachée, qu'elle ne reconnaît plus mais qu'elle espère toujours voir renaître de ses cendres.
Quant à la structure épistolaire, elle est fascinante. A chaque lettre, l'on se pose la question: sera-t-elle réellement envoyée à quelqu'un? Sera-t-elle lue? Etrangement, ce sont les destinataires impossibles, la guerre, Beyrouth, qui semblent le plus tangibles, le plus présents. Comme si justement, c'était là ses seuls interlocuteurs, les seuls à lui répondre réellement, au quotidien.
Je ne saurai vous dire pourquoi j'ai fini ce roman, ni si je l'ai vraiment aimé, mais en tout cas, il m'a tenue jusqu'au bout. La langue est extrêmement soignée et poétique sans être lourde. C'est vraiment un beau livre.