Les jeunes sont pleins de préjugés. Lorsqu'ils ont su que je les accompagnais à l'escalade, ils m'ont demandé : "Mais vous zallez pas grimper quand même, Madame?"; et comment que je vais grimper, mon biquet! Face à tant d'enthousiame, j'ai noté dans leur regard un mélange de scepticisme et d'ironie... Ahahah, quelle ne fut pas leur surprise de me voir monter (ou être parfois propulsée par la descente de mon partenaire de grimpette), descendre (de façon parfois un peu imprévue mais toujours classieuse), monter, descendre, monter, descendre... La surprise a laissé place à l'admiration la plus totale lorsque, dans un moment de folie et d'inconscience certainement dû à un shoot d'endorphine, je me suis précipitée pour tenter "L'ARCHE" et que j'en ai traversé plus de la moitié. Faut dire que je me suis donnée du mal et je crois même avoir mis au point une méthode que je devrais bientôt breveter; il s'agit de solliciter tout le corps : les mains et les pieds bien-sûr, mais aussi (et surtout) les mollets, les poignets, les dents, les cheveux, les seins...
Je suis partie auréolée de gloire et d'une aura de dangerosité, ils savent désormais que je peux lancer la jambe très haut et qu'en cas de conflit, ça peut leur faire très mal... Ce qu'ils ne savent pas, par contre, c'est que le soir-même, incapable de tenir un verre, j'ai dû boire mes shooters vodka-macadamia à la paille; que le lendemain, mon "mur" de jogging ne s'est pas déclenché au kilomètre 10 mais dès la première foulée; que le surlendemain, je n'ai juste pas pû me lever, et que pour tourner les pages de mon livre, j'ai dû souffler dessus avec ma paille du vendredi soir.
J'ai donc été obligée de passer la journée avec "
Les Monstres de Templeton" de
Lauren Groff et j'en ai presque oublié la douleur (j'ai bien dit "presque"). Willie, après des aventures amoureuses rocambolesques, revient à Templeton se réfugier chez sa Môman, ex-hippie héritière du fondateur de la ville. Elle pense pouvoir s'y enterrer un temps, se faire oublier... Mais c'est sans compter les révélations de maman qui lui annonce que, contrairement à ce qu'elle lui a toujours dit, elle n'est pas la fille d'un hyppie indéterminé mais d'un membre de la communauté de Templeton, lui aussi descendant du fondateur de la ville. Willie part donc à la recherche de ce père en remontant le temps et en retraçant l'histoire intime de ses ancêtres.
C'est GENIALLLLLLLLL!!! En parallèle de l'histoire de Willie, de ses retrouvailles avec sa mère, avec Templeton et ses figures attachantes (les joyeux joggers, l'ex-beau gosse, l'ex-moche gosse, les anciennes rivales de lycée...), de sa relation avec sa meilleure amie, il y a l'histoire de la quête. L'auteure, ultra douée, nous plonge dans le passé en multipliant les voix narratives. Les ancêtres prennent la parole, soit en racontant directement un moment important de leur vie en lien avec la quête de Willie, soit au travers d'un échange épistolaire. Ca a l'air compliqué comme ça mais je vous garantis que si moi je comprends, tout le monde comprend! Et à chaque pas dans la généalogie, Willie revoit son arbre et rajoute des noms, des branches, des liens...On peut s'y référer lorsqu'on a un doute.
Il me reste cent pages à lire, je ne sais pas qui est le père de Willie, je ne sais pas si il va y avoir un twist, une révélation de la mort qui tue et je vous avouerais que je m'en fiche un peu tant je suis bien avec les personnages, tant je suis bien dans cette ambiance qui mêle présent et passé, futilité et quête fondamentale des origines; j'aime remonter le temps avec notre héroïne et ses compagnons, j'aime les tranches de vie des ancêtres, des colons, des esclaves, des indiens...
Et le monstre me direz-vous ? La découverte de son corps mort à la surface du lac aux premières pages du roman début est surement la métaphore du lourd secret qui remonte à la surface... Mais quel secret? Dive in!
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