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Pierre Citron (Préfacier, etc.)
EAN : 9782080700483
189 pages
Flammarion (07/01/1993)
3.74/5   61 notes
Résumé :
Angélique de Vandenesse, mariée au comte Félix de Vandenesse depuis peu de temps, s'ennuie déjà dans son mariage. Elle rencontre alors Raoul Nathan, un ambitieux écrivain avec qui elle démarre une liaison amoureuse. Pour être digne de sa brillante conquête, le jeune homme se lance dans des projets politico-littéraires. Mais ses affaires tournent mal, et pour le sauver, l'imprudente Marie-Angélique souscrit des lettres de change...
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Quelle succession de lectures balzaciennes contrastées ! Après avoir lu Albert Savarus l'an dernier et avoir critiqué son côté "réglement de comptes" et presque trop autobiographique, me voilà avec un autre court roman méconnu de la Comédie Humaine... mais ici injustement méconnu.

En effet, le sujet peut paraître habituel : une infidélité. C'est le sujet de plusieurs des romans De Balzac. L'originalité ici est sans doute que l'histoire convoque de nombreuses "célébrités" de la construction panthéonique balzacienne: le baron de Nucingen, l'actrice Florine, l'écrivain Raoul Nathan, Rastignac, et même le célébrissime Félix de Vandenesse qui joue en plus un rôle central... celui du cocu !

Si dans un premier temps, Balzac semble se montrer assez misogyne en faisant peser le poids de l'infidélité sur la seule fautive (tout en égratignant au passage son éducation religieuse stricte qui pour lui la pousse plutôt à la faute qu'elle ne l'en prémunit), l'auteur dépeint comme d'habitude toute la société entourant l'histoire et accable finalement plus les salons et la science de la séduction de l'amant. le final est assez haletant, avec des retournements de situation assez étonnants pour un roman si court et un dénouement très moderne à mon sens, mais je vous en laisse juge.

Les vies de l'écrivain et de l'actrice sont longuement dépeints et ils prennent parfois le premier rôle à la fille d'Eve du titre. La métaphore biblique parsème les premières pages mais ne tient pas sur la longueur. J'ai été séduit par de nombreuses tournures de l'auteur que j'ai parfois pris la peine de citer sur Babelio.

Un très bon Balzac donc, que je n'aurais sans doute jamais lu sans ma volonté d'exhaustivité. Je remercie donc mon moi de l'adolescence qui s'est donné comme objectif de compétition avec sa soeur de lire toute la Comédie Humaine alors qu'elle s'était proposé de s'attaquer aux Rougons-Macquarts... Je ne me suis rendu compte de l'inégalité d'enjeu que quand elle m'a gentiment dressé la liste des romans à lire, bien classé entre Scènes de la vie privée, Scènes de la vie parisienne, Scènes de la vie de province, etc... Je me suis finalement aujourd'hui lancé dans les deux défis, bien plus certain de réussir le Zola que d'achever le Balzac !
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Une fille d'Ève, un court roman, à mon avis, trop méconnu De Balzac.
Il est très riche en personnages bien connus de la Comédie Humaine, et m'a fait penser à Illusions perdues ou encore à Splendeurs et misères des courtisanes, dont on retrouve de nombreux personnages comme Florine, Rastignac bien sûr dont on évoque le mariage (avec qui ?), Raoul Nathan et tant d'autres. J'ai aussi retrouvé avec plaisir Félix de Vandenesse, le personnage principal du Lys dans la Vallée et j'ai été surprise de (re)trouver Wilhelm Schmucke que l'on retrouvera dans le cousin Pons (que j'ai lu avant).
Il est vrai que dans le court du récit on passe parfois de personnages en personnages et l'on perd un peu le fil de l'histoire principale.
Mais j'ai beaucoup aimé ce court roman, la lecture est dynamique avec beaucoup de dialogues. J'ai apprécié de retrouver tous ces personnages déjà croisés, pour certains même dans plusieurs autres romans, comme s'il s'était créé un sentiment de familiarité.
Surtout, à mon sens, il finit bien, en tous cas pour le couple Félix et Marie de Vandenesse.
https://beq.ebooksgratuits.com/balzac/Balzac-12.pdf
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L'expression « fille d'Ève » désigne généralement de manière péjorative une femme incarnant la tromperie ou la luxure, une femme curieuse ou frivole.
Il s'agit ici pour Balzac d'analyser l'éducation des filles de la bonne société puritaine et d'étudier les causes et les conséquences d'une liaison extra-conjugale (non consommée cependant) entre une jeune comtesse qui s'ennuie un peu dans son mariage et un écrivain-journaliste en vue dans la société mondaine, plus ou moins en ménage avec une actrice. C'est aussi l'occasion de dépeindre les travers mondains parisiens quand les unions et les trahisons se font et se défont au gré des intérêts de chacun.
Ce petit roman est dédicacé à la Comtesse Bolognini dont Balzac a intimement fréquenté le salon, à Milan, à une époque où il était quelque peu désargenté et où il risquait même la prison pour dettes ; nous pouvons y lire aussi une source d'inspiration biographique.

Nous suivons donc les destinées de deux soeurs, Marie Angélique et Marie Eugénie de Granville, élevées de manière stricte par leur mère, épouse délaissée (ce sujet est traité dans Une double Famille) ; tandis que la première est assez bien mariée au Comte Félix de Vandenesse, plein de délicatesse et d'attentions, la seconde est littéralement vendue à Ferdinand du Tillet. Afin d'échapper à la dictature maternelle, les deux jeunes filles se jettent dans le mariage sans rien connaître de la vie.
Si la jeune comtesse de Vandenesse est troublée par sa rencontre avec Raoul Nathan, c'est cependant tout un complot féminin qui va faciliter leur rapprochement. Encore une fois, la plume De Balzac est savoureuse dans le détail des manigances mondaines et dans la peinture des sentiments. Quand l'ambition de Raoul Nathan et ses projets journalistiques et politiques lui occasionnent de graves ennuis financiers, l'imbroglio de ses dettes diverses, des prêts consentis, des lettres de changes signées et contresignées (un peu compliqué pour la littéraire que je suis) prend des proportions telles que pour le sauver du suicide, la jeune comtesse risque fort de se compromettre…

Eh bien, le talent De Balzac fait que, prise par le récit, j'ai dévoré très rapidement ce petit roman, à la fois pressée d'en connaître l'issue et fascinée par la recherche du détail dans les réflexions de l'auteur non seulement sur l'éducation des jeunes filles et sur le mariage, mais aussi, en filigrane, sur le pouvoir de la presse et sur les tensions entre personnages venant de milieux différents (noblesse, bourgeoisie, banquiers, artistes…).
De plus, je suis de plus en plus en admiration devant l'édifice de cette Comédie Humaine, au fur et à mesure de l'évolution de personnages que l'on retrouve de roman en roman.
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Marie Angélique et Marie Eugénie son deux soeurs. Elles ont été élevées dans une stricte éducation où ne sourit pas, où l'on ne joue pas. On apprend simplement ce qu'une fille doit savoir pour respecter un mari et du catéchisme à haute dose.
Leur seule douceur se ra leur professeur de piano, Wilhelm Schmucke, un homme doux avec un accent qui amuse les jeunes filles. L'auteur dédiera au personnage des pages merveilleuses.
Leur destin est le mariage, on les marie donc avec le meilleur parti possible.
Et la vie d'épouse commence, longue, ennuyeuse, entourée d'une nombreuse domesticité mais solitaire. Ce n'est pas la vie enchanteresse que de toute façon on ne leur a jamais promis.
Marie-Angélique, pour tromper l'ennui fréquente les salons de ses dames et y fait la rencontre d'un écrivaillon journaliste politique, Raoul NATHAN. Il se plairont et deviendront amant.
Il est cependant à noter que leur amour ne se traduit que par quelques promenades au bois et quelques baiser furtifs, de rares moments d'isolement où ils se caressent la main, sans jamais aller très loin. Cela suffit pour Marie Angélique, trop contente de sentir son coeur battre et de pouvoir avoir un regard amoureux
A titre de comparaison nous pourrions assister à ce spectacle de nos jours dans les cours de récréation de CP des bambins de cinq ans.
Le journal créé par Raoul Nathan est un gouffre financier et ce retrouve en banqueroute, la comtesse est comme une louve qui défend son petit n'hésitera pas à se compromettre pour sauver ce qui finalement s'avère être un complot.

Balzac signe ici une pure merveille. Quelques passages d'une grande beauté d'un pur romantisme. Un vision acerbe et réaliste du monde politique. Excellent texte.



les personnages

- Marie-Angélique de Vandenesse, née Marie-Angélique de Granville en 1808
- Marie-Eugénie du Tillet née de Granville, soeur de Marie-Angélique
- Florine, née en 1803
– Ferdinand DU TILLET : il est un homme politique en vue , mêlé à bien des affaires troubles. Il « achète », littéralement, Marie-Eugénie de Granville, décidée il est vrai « à prendre pour mari le premier homme venu ».
– Raoul NATHAN : il est alors un des personnages littéraires les plus importants de Paris. Sa carrière commence en 1821 lorsque le libraire Dauriat publie son premier roman
– Comtesse Félix de VANDENESSE : née Marie-Angélique de Granville, elle a vingt ans en 1828, lors de son mariage. Sa jeunesse étouffée est relatée dans Une double famille. Elle avait eu Schmucke (Le Cousin Pons) comme professeur de musique. On la retrouve aussi dans La Fausse maîtresse.
– Vicomte Félix-Amédée de VANDENESSE (puis comte) : vingt ans en 1814.
- Wilhelm Schmucke ancien maitre de chapelle, professeur de musique


Passage sur le maître de musique qui donna un peu de rêve aux deux soeurs.

"Sur les ténèbres de cette vie se dessina vigoureusement une seule figure d'homme, celle d'un maître de musique. Les confesseurs avaient décidé que la musique était un art chrétien, né dans l'Église catholique et développé par elle. On permit donc aux deux petites filles d'apprendre la musique. Une demoiselle à lunettes, qui montrait le solfège et le piano dans un couvent voisin, les fatigua d'exercices. Mais quand l'aînée de ses filles atteignit dix ans, le compte de Granville démontra la nécessité de prendre un maître. Madame de Granville donna toute la valeur d'une conjugale obéissance à cette concession nécessaire : il est dans l'esprit des dévotes de se faire un mérite des devoirs accomplis. le maître fut un Allemand catholique, un de ces hommes nés vieux, qui auront toujours cinquante ans, même à quatre-vingts. Sa figure creusée, ridée, brune, conservait quelque chose d'enfantin et de naïf dans ses fonds noirs. le bleu de l'innocence animait ses yeux et le gai sourire du printemps habitait ses lèvres. Ses vieux cheveux gris, arrangés naturellement comme ceux de Jésus-Christ, ajoutaient à son air extatique je ne sais quoi de solennel qui trompait sur son caractère : il eût fait une sottise avec la plus exemplaire gravité. Ses habits étaient une enveloppe nécessaire à laquelle il ne prêtait aucune attention, car ses yeux allaient trop haut dans les nues pour jamais se commettre avec les matérialités. Aussi ce grand artiste inconnu tenait-il à la classe aimable des oublieurs, qui donnent leur temps et leur âme à autrui comme ils laissent leurs gants sur toutes les tables et leur parapluie à toutes les portes. Ses mains étaient de celles qui sont sales après les avoir été lavées. Enfin, son vieux corps, mal assis sur ses vieilles jambes nouées et qui démontrait jusqu'à quel point l'homme peut en faire l'accessoire de son âme, appartenait à ces étranges créations qui n'ont été bien dépeintes que par un allemand, par Hoffmann le poète de ce qui n'a pas l'air d'exister et qui néanmoins a vie. Tel était Schmuke."




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Le titre nous l'annonce, il faut lire ce récit à la lueur biblique.
Eve est la première pècheresse, celle qui a été tentée et a cédé. Ici, ce sont deux soeurs, deux Marie mal mariées et élevées par une mère stricte, dans un cadre étouffant, écrasées par une religion oppressive ne leur permettant aucun plaisir. le mariage est donc d'abord une libération, leur permettant de découvrir les plaisirs mondains, les spectacles, la conversation des salons, la maternité aussi. Mais elles s'aperçoivent qu'elles retombent dans une autre dépendance, leur mari respectif les contrôlant aussi, que ce soit le mari aristocrate qui éduque sa femme pour qu'elle tienne son rang, ou le mari financier ambitieux qui veut que sa femme favorise sa carrière.
Une Marie se fait donc séduire, mais en conservant un amour chaste et vierge, l'autre Marie étant alors un Judas qui trahit sa soeur auprès de son mari, autre Joseph aux sentiments paternels pour son épouse. L'autre femme est une Marie-Madeleine, une actrice pécheresse mais prête à tout par amour. Face à ces figures féminines, Raoul Nathan semble bien fade, une caricature d'écrivain romantique, avec le grand front à la Hugo, la posture à la Chateaubriand, la barbe et la chevelure à la Gauthier.
Pour finir, un titre qui m'a aussi fait penser à la délicieuse chanson d'Anne Sylvestre "La faute à Eve".
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
Raoul et Blondet partirent ensemble avec Rastignac, qui leur offrit sa voiture. Tous trois se mirent à rire de la réunion d'un sous-secrétaire-d'État éclectique, d'un républicain féroce et d'un athée politique.

[…]

Au milieu du souper, Rastignac et Blondet conseillèrent à leur ennemi postiche de ne pas négliger une bonne fortune aussi capitale que celle qui s'offrait à lui. Ces deux roués firent d'un style moqueur l'histoire de la comtesse Marie de Vandenesse ; ils portèrent le scalpel de l'épigramme et la pointe aiguë du bon mot dans cette enfance candide, dans cet heureux mariage. Blondet félicita Raoul de rencontrer une femme qui n'était encore coupable que de mauvais dessins au crayon rouge, de maigres paysages à l'aquarelle, de pantoufles brodées pour son mari, de sonates exécutées avec la plus chaste intention, cousue pendant dix-huit ans à la jupe maternelle, confite dans les pratiques religieuses, élevée par Vandenesse, et cuite à point par le mariage pour être dégustée par l'amour.

[…]

Dans cette pensée, conçue au feu d'un désir frénétique, il tomba sur la comtesse de Vandenesse comme un milan sur sa proie. Cette charmante créature, si jolie dans sa parure de marabouts qui produisait ce flou délicieux des peintures de Lawrence, en harmonie avec la douceur de son caractère, fut pénétrée par la bouillante énergie de ce poète enragé d'ambition.

[…]

Pendant que l'ancienne maîtresse de son mari fouillait la cendre des plaisirs éteints pour y trouver quelques charbons, madame Félix de Vandenesse éprouvait ces violentes palpitations que cause à une femme la certitude d'être en faute et de marcher dans le terrain défendu : émotions qui ne sont pas sans charmes et qui réveillent tant de puissances endormies. Aujourd'hui, comme dans le conte de la Barbe-Bleue, toutes les femmes aiment à se servir de la clef tachée de sang ; magnifique idée mythologique, une des gloires de Perrault.

[…]

Blondet eut pitié de lui.
– Mon cher, lui dit-il en l'emmenant dans un coin, tu te tiens dans le monde comme si tu étais chez Florine. Ici, l'on ne s'emporte jamais, on ne fait pas de longs articles, on dit de temps en temps un mot spirituel, on prend un air calme au moment où l'on éprouve le plus d'envie de jeter les gens par les fenêtres, on raille doucement, on feint de distinguer la femme que l'on adore, et l'on ne se roule pas comme un âne au milieu du grand chemin. Ici, mon cher, on aime suivant la formule. Ou enlève madame de Vandenesse, ou montre-toi gentilhomme. Tu es trop l'amant d'un de tes livres.
Nathan écoutait la tête baissée, il était comme un lion pris dans des toiles.
– Je ne remettrai jamais les pieds ici, dit-il. Cette marquise de papier mâché me vend son thé trop cher. Elle me trouve amusant ! Je comprends maintenant pourquoi Saint-Just guillotinait tout ce monde-là !
– Tu y reviendras demain.

[…]

– Marie ne saurait m'empêcher de l'aimer, dit Nathan. J'en ferai ma Béatrix.
– Mon cher, Béatrix était une petite fille de douze ans que Dante n'a plus revue ; sans cela aurait-elle été Béatrix ? Pour se faire d'une femme une divinité, nous ne devons pas la voir avec un mantelet aujourd'hui, demain avec une robe décolletée, après demain sur le boulevard, marchandant des joujoux pour son petit dernier. Quand on a Florine, qui tour à tour est duchesse de vaudeville, bourgeoise de drame, négresse, marquise, colonel, paysanne en Suisse, vierge du Soleil au Pérou, sa seule manière d'être vierge, je ne sais pas comment on s'aventure avec les femmes du monde.
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Dans ce boudoir froid, rangé, propre comme s'il eût été à vendre, vous n'eussiez pas trouvé ce malin et capricieux désordre qui révèle le bonheur. Là, tout était alors en harmonie, car les deux femmes y pleuraient. Tout y paraissait souffrant. […] et ces deux sœurs s'aimaient tendrement. Nous vivons dans un temps où deux sœurs si bizarrement mariées peuvent si bien ne pas s'aimer qu'un historien est tenu de rapporter les causes de cette tendresse, conservée sans accrocs ni taches au milieu des dédains de leurs maris l'un pour l'autre et des désunions sociales.

[…]

Imposée comme un joug et présentée sous des formes austères, la Religion lassa de ses pratiques ces jeunes coeurs innocents, traités comme s'ils eussent été criminels ; elle y comprima les sentiments, et tout en y jetant de profondes racines, elle ne fut pas aimée. Les deux Marie devaient ou devenir imbéciles ou souhaiter leur indépendance : elles souhaitèrent de se marier dès qu'elles purent entrevoir le monde et comparer quelques idées ; mais leurs grâces touchantes et leur valeur, elles l'ignorèrent.

[…]

Jamais filles ne furent livrées à des maris ni plus pures ni plus vierges : leur mère semblait avoir vu dans ce point, assez essentiel d'ailleurs, l'accomplissement de tous ses devoirs envers le ciel et les hommes.

[…]

Ève ne sortit pas plus innocente des mains de Dieu que ces deux filles ne le furent en sortant du logis maternel pour aller à la Mairie et à l'Église, avec la simple mais épouvantable recommandation d'obéir en toute chose à des hommes auprès desquels elles devaient dormir ou veiller pendant la nuit. À leur sens, elles ne pouvaient trouver plus mal dans la maison étrangère où elles seraient déportées que dans le couvent maternel.

[…]

– Vous n'êtes pas très heureuses, mes chères petites, leur disait-il, mais je vous marierai de bonne heure, et je serai content en vous voyant quitter la maison.
– – Papa, disait Eugénie, nous sommes décidées à prendre pour mari le premier homme venu.
– – Voilà, s'écriait-il, le fruit amer d'un semblable système ! On veut faire des saintes, on obtient des...
Il n'achevait pas.
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Les voleurs, les espions, les amants, les diplomates, enfin tous les esclaves connaissent seuls les ressources et les réjouissances du regard. Eux seuls savent tout ce qu'il tient d'intelligence, de douceur, d'esprit, de colère et de scélératesse dans les modifications de cette lumière chargée d'âme.
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Nathan offre une image de la jeunesse littéraire d'aujourd'hui, de ses fausses grandeurs et de ses misères réelles ; il la représente avec ses beautés incorrectes et ses chutes profondes, sa vie à cascades bouillonnantes, à revers soudains, à triomphes inespérés. C'est bien l'enfant de ce siècle dévoré de jalousie, où mille rivalités à couvert sous des systèmes nourrissent à leur profit l'hydre de l'anarchie de tous leurs mécomptes, qui veut la fortune sans le travail, la gloire sans le talent et le succès sans peine ; mais qu'après bien des rébellions, bien des escarmouches, ses vices amènent à émarger le Budget sous le bon plaisir du Pouvoir.

[…]

Vu à distance, Raoul Nathan était un très beau météore. La mode autorisait ses façons et sa tournure. Son républicanisme emprunté lui donnait momentanément cette âpreté janséniste que prennent les défenseurs de la cause populaire desquels il se moquait intérieurement, et qui n'est pas sans charme aux yeux des femmes. Les femmes aiment à faire des prodiges, à briser les rochers, à fondre les caractères qui paraissent être de bronze. La toilette du moral était donc alors chez Raoul en harmonie avec son vêtement. Il devait être et fut, pour l'Ève ennuyée de son paradis de la rue du Rocher, le serpent chatoyant, coloré, beau diseur, aux yeux magnétiques, aux mouvements harmonieux, qui perdit la première femme. Dès que la comtesse Marie aperçut Raoul, elle éprouva ce mouvement intérieur dont la violence cause une sorte d'effroi. Ce prétendu grand homme eut sur elle par son regard une influence physique qui rayonna jusque dans son coeur en le troublant. Ce trouble lui fit plaisir. Ce manteau de pourpre que la célébrité drapait pour un moment sur les épaules de Nathan éblouit cette femme ingénue.
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— On vivote avec son mari, ma chère, on ne vit qu'avec son amant, lui disait sa belle-sœur, la marquise de Vandenesse.
– Le mariage, mon enfant, est notre purgatoire ; l'amour est le paradis, disait lady Dudley.
– – Ne la croyez pas, s'écriait la duchesse de Grandlieu, c'est l'enfer.
– – Mais c'est un enfer où l'on aime, faisait observer la marquise de Rochefide. On a souvent plus de plaisir dans la souffrance que dans le bonheur, voyez les martyrs.
– – Avec un mari, petite niaise, nous vivons pour ainsi dire de notre vie ; mais aimer, c'est vivre de la vie d'un autre, lui disait la marquise d'Espard.
– – Un amant, c'est le fruit défendu, mot qui pour moi résume tout, disait en riant la jolie Moïna de Saint-Hérem.

[…]

On lui parlait de compléter sa vie, un mot à la mode dans ce temps-là ; d'être comprise, autre mot auquel les femmes donnent d'étranges significations. Elle revenait chez elle inquiète, émue, curieuse, pensive. Elle trouvait je ne sais quoi de moins dans sa vie, mais elle n'allait pas jusqu'à la voir déserte.
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Vidéo de Honoré de Balzac
Deuxième épisode de notre podcast avec Sylvain Tesson.
L'écrivain-voyageur, de passage à la librairie pour nous présenter son récit, Avec les fées, nous parle, au fil d'un entretien, des joies de l'écriture et des peines de la vie, mais aussi l'inverse, et de la façon dont elles se nourrissent l'une l'autre. Une conversation émaillée de conseils de lecture, de passages lus à haute voix et d'extraits de la rencontre qui a eu lieu à la librairie.
Voici les livres évoqués dans ce second épisode :
Avec les fées, de Sylvain Tesson (éd. des Équateurs) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23127390-avec-les-fees-sylvain-tesson-equateurs ;
Blanc, de Sylvain Tesson (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21310016-blanc-une-traversee-des-alpes-a-ski-sylvain-tesson-gallimard ;
Une vie à coucher dehors, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774064-une-vie-a-coucher-dehors-sylvain-tesson-folio ;
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774075-sur-les-chemins-noirs-sylvain-tesson-folio ;
Le Lys dans la vallée, d'Honoré de Balzac (éd. le Livre de poche) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/769377-le-lys-dans-la-vallee-honore-de-balzac-le-livre-de-poche.
Invité : Sylvain Tesson
Conseil de lecture de : Pauline le Meur, libraire à la librairie Dialogues, à Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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