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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Wouch ! La claque dans l'aïeule, aller et retour !

Que j'ai craqué aux maintes sollicitations d'un site que je ne nommerai pas qui me conseillait ce livre à chaque ouverture me sera donc pardonné... J'ai d'abord craqué sur la couverture. Vert rappelant les toits de cuivre oxydé de la ville de Québec, rebrodé d'une typographie magnifique de cette couleur (Cuivre) paraissant en relief, très travaillée, elle est magnifique.

Le sujet en plus. Policier steampunk, rien que cela c'était suffisant à me faire craquer. Et pour finir la note ici, qui, si je ne m'y fie pas toujours, a pour le moins éveillé ma curiosité.

Mon craquage était donc triplement motivé. Quadruplement, puisque j'ai vraiment adoré.

Hors les très nombreuses références livresques largement discutées dans la postface et sur lesquelles je ne reviendrai pas, ce qui m'a le plus amusée, plu, frappé, c'est que Ragon, le policier, est un amalgame savant entre Poirot et Holmes, avec une touche de Rouletabille (ne serait-ce que dans le feuillet de la chambre close)(et même si Ragon n'aime pas les journalistes, lol).
Son obésité grandissante au fil des enquêtes et du temps a un sens, qu'on ne découvrira qu'à la fin.

Tout est si finement tissé et intriqué dans ces histoires qu'on ne peut qu'être soufflé par l'énorme travail que cela représente, ainsi que par la facilité de lecture pour tout le monde et n'importe qui. Il n'est pas donné à tous les auteurs de savoir partager une connaissance encyclopédique avec autant de talent, d'humilité et de facilité, c'est juste, bah, waow, quoi...

J'ai pris tout mon temps pour lire ce livre parce que chaque page est un pur bonheur, une glissade lente et savoureuse dans un monde où le fantastique est si bien amené qu'il en paraît naturel, on s'y croirait presque. le steampunk de l'affaire n'est pas non plus omniprésent, ni ostentatoire, c'est subtil, éthéré si j'ose dire, (mouahaha !).

Et la fin, ah mais cette fin, mais quelle fin, le fin du fin de la fin, révélation qui fait "Sbam", type coup de tonnerre et à laquelle je ne m'attendais pas du tout, mais alors, j'en étais à des lieux !

Bref, Je m'en vais aller étudier d'un peu plus près les autres écrits de cet excellentissime auteur français que je ne connaissais pas !
Fabien Clavel, c'est du très bon, lisez-en !

Relu en Janvier 2018. C'est toujours aussi bon. Par contre je n'ai pas pris le temps d'étudier les autres écrits de M. Clavel, et c'est bien dommage...
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Avouons-le, lire du Fabien Clavel était déjà un plaisir renouvelé avant d'attaquer Feuillets de cuivre ; lire du steampunk est un exercice (quand c'est bien écrit, bien sûr) tout aussi agréable. Mais comme vous allez le voir, la préface d'Étienne Barillier, la postface d'Isabelle Perier et l'érudition de l'auteur, notamment sur le romantisme français du XIXe siècle me confirment dans ma demande sans cesse renouvelée de vouloir lire toujours plus de « steampunk romantique », de steampunk « à la française », en somme lire du steampunk qui évolue sans rester vissé sur ses poncifs.


Disons le tout de suite, la lecture de ce véritable roman à énigmes se clôt sur une postface d'une telle qualité qu'Isabelle Perier nous donne quasiment toutes les clés imaginables pour comprendre l'écriture de Fabien Clavel, c'en est même presque frustrant pour écrire une critique, mais dame tant pis ! Dans Feuillets de cuivre, les habitués de l'auteur pourront déjà commencer par voir un premier rapprochement avec une de ses oeuvres de jeunesse, Requiem pour elfe noir. Sous le pseudonyme du hongrois John Gregan, Fabien Clavel y narrait les sombres aventures d'un enquêteur elfe dans un monde fantastique et décalé des attentes du héros : le brusque réveil à la réalité, l'enquête dans le « crade » de la vie, l'aspect « en marge des choses » du personnage principal, il y a un peu de tout cela dans les débuts de l'inspecteur Ragon. Celui-ci est dès le départ campé d'une façon aussi simple que remarquable : son passé le ronge, avec l'amour qui semble le fuir, la passion incommensurable qu'il porte aux livres le soutient dans tous les aspects de sa vie et enfin son poids (impossible de parler d'un simple embonpoint), qui en fait tout bonnement un obèse au sens strict du terme, l'identifie ostensiblement aux yeux de ses contemporains.

Fabien Clavel n'a pas un style ; il a du style. Dans Feuillets de cuivre, il se fond progressivement et alternativement dans quantité de styles très différents les uns des autres, de Jules Verne à Victor Hugo, en passant par Guy de Maupassant et Émile Zola. L'avantage de lire du Fabien Clavel, c'est qu'il y a forcément du divertissement, oui, bien sûr : on peut y voir une lecture de divertissement, et heureusement. Mais il y a tellement d'autres niveaux de lecture qu'on ne peut le résumer ainsi. Nous trouvons ici bon nombre d'allusions à quantité d'universitaires (notamment des spécialistes antiques), de chercheurs, de linguistes et autres écrivains, tous parfaitement reconnus : les latinistes croiseront du Gaffiot, les germanistes du Zehnacker, les hellénistes du Bailly, j'en pense et des meilleurs. Au milieu de ce foisonnement, un bon exemple est le dénommé Carcopino. Nommé comme une référence, certes pas d'un très bon goût, au sein d'une foule de grands auteurs francophones du XIXe siècle, il apparaît bien vite comme l'imposteur qui confirme l'érudition de Fabien Clavel, qui mène peu à peu son lecteur, et de la façon la plus subtile possible, vers une uchronie intelligente. L'uchronie de Feuillets de cuivre ne varie que légèrement à partir de l'année 1870 et nous retrouvons au bon d'un moment un des Présidents de la République française avec un patronyme rappelant étrangement celui d'un journaliste de fiction prompt à gravir les échelons « maupassanites » de la société.

Là où nous ne pouvons jamais dire que ce roman est simple, c'est du côté de sa structure ; là, l'auteur a dû passer plus d'une nuit blanche avant de bien s'accorder sur les différentes intrigues, sur tous les indices liés aux enquêtes et surtout sur la chronologie à respecter. La structure du roman peut être facilement. D'abord, une première partie qui pourra surprendre le lecteur qui s'attendait à un roman à la structure disons classique : ici, pas de point de départ, d'élément déclencheur, non, nous suivons plutôt des petites enquêtes savoureuses, particulières à plus d'un terme et qui pourraient toutes constituées des nouvelles indépendantes. L'idée du feuilleton, de la série à concept se pose tranquillement dans l'esprit du lecteur et les allusions aux feuilletons qui paraissent à cette époque-là dans les journaux sous forme d'épisodes ne sont pas là pour rien. Mais voilà, Feuillets de cuivre est divisé en deux grandes parties et, là non plus, ce n'est pas gratuit. La première partie enchaîne les petites enquêtes, la deuxième va tout redétricoter le peu que nous croyions alors savoir sur la vie de l'inspecteur Ragon. de ce point de vue-là, les allusions aux séries télévisées actuelles et à leur mode opératoire (du « procédural » avec l'affaire de la semaine, puis l'adversaire récurrent qui nous tient toute une saison, etc.) sont nombreuses, et à n'en pas douter, les fans, par exemple, de la série Sherlock s'y retrouveront à bon compte.

Arrivé à ce niveau-là, pouvons-nous bien dire que Feuillets de cuivre est un roman steampunk ? Assurément oui. Bien sûr, des engrenages traînent de-ci de-là, avec une insistance notable sur l'utilisation du cuivre à tous les niveaux, mais comme le rappelle Étienne Barillier dans une préface bien costaude, ce n'est pas là que réside l'esprit du steampunk. Certes, l'utilisation à outrance de la machine à vapeur fait venir « le futur plus tôt que prévu », selon la formule consacrée, mais le steampunk ce n'est heureusement pas qu'une esthétique : non seulement c'est aussi une habitude prise du méta-texte, c'est-à-dire multipliant les références à d'autres écrits (petites jouissances littéraires de lire des pastiches de Victor Hugo et consorts, mais aussi de voir s'immiscer dans le récit des allusions à la poursuite du Satyricon et à l'histoire de la Hongrie médiévale… déjà abordés dans d'autres oeuvres de l'auteur), narration qui mêle réalité et fiction d'une manière plus ou moins inextricable. Toutefois, cela est surtout une façon d'interroger les marges d'une société, de creuser ce qui peut venir troubler l'ordre social un peu trop bien établi.


En conclusion, Fabien Clavel a tissé ses Feuillets de cuivre comme une incitation constante à tout découvrir au sein de la littérature qu'il parcourt, mais aussi comme une incitation constante à tout lire de sa vaste bibliographie qu'il tente depuis bien longtemps d'unifier, ou au moins d'harmoniser. En somme, il pose une interrogation simple au lecteur attentif : « oseras-tu, seras-tu capable de me suivre ? ». La réponse tient en deux mots : nous arrivons !

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Steampunk, le terme peut effrayer, et ce serait dommage.
Quelle richesse! Quel soin apporté à la construction et quelle érudition littéraire! Tout cela au service d'un imaginaire entre mythologie et paranormal : c'est du lourd.

Ça commence comme un recueil de nouvelles. Paris, 19è siècle l'inspecteur Ragon mène des enquêtes relativement banales au départ, chacune faisant l'objet d'un chapitre. Son habileté à résoudre les affaires le fait monter en grade (et en poids). Il a tout d'un Sherlock ou d'un Poirot, dont l'arme secrète de déduction est la littérature, ce qui constitue un des points forts du roman, truffé de références littéraires. Même si

« Le commissaire s'était littéralement farci de livres et d'histoires au point d'oublier la vie »

Peu à peu, les crimes se font plus noirs, les intrigues plus complexes jusqu'à ce qu'un lien apparaisse entre elles. C'est quasiment l'oeuvre d'une vie que la poursuite d'un ennemi extrêmement adroit, intelligent et machiavélique, aux pouvoirs diaboliques.

De nombreux fils rouges en filigrane confèrent à l'ensemble une cohérence, au delà de l'intrigue, et l'auteur parvient à petites touches à proposer des tableaux sensoriels en demi-teintes au sein desquels éclatent un reflet (le brillant du cuivre), une couleur, un parfum, et l'on a quasiment la sensation du toucher du papier des innombrables livres qui constituent le décor du roman. Dans cette ville en plein essor industriel, on voit très bien, émergeant d'un fog épais, la lueur fugace des boutons de cuivre des gardiens de la paix.

Les bibliothèques abondent, pas seulement celle de Ragon, car :

«  Une bibliothèque, c'est une âme de cuir et de papier. Il n'y a pas de meilleur moyen pour fouiller dans les tréfonds d'une psyché que de jeter un oeil aux ouvrages qui la composent. »

Le lexique est précis et savant, épicène, sténographie et curule nécessitent un détour vers un bon dictionnaire. Sans cuistrerie, ces termes précis sont irremplaçables dans leur contexte et ne font que donner du corps et de la pertinence au texte.

Dans la post-face, très intéressante, car elle met en lumière des aspects que le lecteur aura pu laisser échapper, pris par l'histoire, Isabelle Perier, établit une analogie avec les séries policières qui fleurissent sur les écrans, et rencontrent un succès grandissant. L'enquêteur récurrent, à la personnalité particulière, fragile et solide à la fois, les intrigues indépendantes mais liées par un fil rouge, qu'il se nomme John ou Moriarty, tout cela contribue à la modernité de ce roman. Et pourtant lu sans référence d'édition, il aurait été très difficile de parier sur la date de sa parution.



Excellente découverte grâce à une critique récente sur le site (merci Dyonisos)!

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Pourquoi je l'ai choisi:

Alors celui là, il m'a tapé dans l'oeil, rien qu'avec sa couverture. Mais à la réception directement de la hotte du père Noel, je peux vous dire que l'objet livre est juste magnifique! Bravo à la maison d'éditions d'en avoir fait un petit bijou pour les yeux et le toucher, avec sa couverture cartonnée, son style d'écriture et de présentation, le titre en surbrillance cuivre….Merci de nous donner un petit trésor en papier, merci pour cette belle édition qui se distingue sur les étals de librairie.
Les personnages:

Ragon: Quel personnage! Imaginez un policier obèse au service de sa passion et de son métier, qui résolve ses enquêtes grâce à la littérature! D'un esprit fin à l'inverse de ce corps difforme, il a tous les atouts d'un inspecteur qui laissera sa patte d'originalité et d'intelligence!

« Ragon déplaça son grand corps de plus de deux cents livres avec l'impression d'être un albatros dont on aurait rogné les ailes. »p19

Ce que j'ai ressenti:…une Explosion de saveurs de cuivre et de feuillets…

Avant de vous parler du livre en lui même, je voudrais dire que pour une fois, j'ai lu la préface et la postface, et qu'elles aident grandement à comprendre le style Steampunk de manière générale, mais aussi à voir toutes les qualités que ces aventures recèlent. Merci donc à Etienne Barillier et à Isabelle Perrier pour leur éclairage.

« Une bibliothèque, c'est une âme de cuir et de papier. Il n'y a pas meilleur moyen pour fouiller dans les tréfonds d'une psyché que de jeter un oeil aux ouvrages qui la composent. La sélection, le rangement, le contenu, même la qualité de la reliure : tous les détails sont importants. »

2016, nouvelle année et nouvelle découverte pour moi: le Steampunk . Et bien, je ne suis pas déçue du voyage!!!!Entre la découverte de Paris au XIXème siècle, les multiples références aux auteurs de l'époque et la chasse aux criminels retors, je peux vous dire que traverser le temps en valait bien la peine. le style de l'auteur est à tomber, il retranscrit une ambiance feutrée avec une pointe de science fiction, rend hommage aux plus grands écrivains en s'inspirant de leurs personnages tout en y mettant sa touche personnelle, nous embarque dans un le rétro/moderne qui donne un mélange détonnant inclassable. J'en ai été époustouflée, les ombres des plus Grands écrits viennent hanter ses lignes, les plus grandes légendes côtoient les pires atrocités cadavériques, les rues de Paris sont des plus mal famées, mais ça donne une atmosphère riche et délicieusement sombre.

« N'oubliez jamais cela, Fredouille: tout est dans les livres. Notre vie n'est qu'un feuillet détaché de l'ouvrage gigantesque du monde. « p139

Plus que des Feuillets de Cuivre, je trouve que ses Carnets laissent un gout de sang en bouche. J'ai adoré cette forme de représentation, presque un journal intime, mais en même temps, la continuité d'une carrière policière avec un fil rouge conducteur, la Némésis de Ragon, l'Anagnoste. Leur duel littéraire et meurtrier est juste addictif: c'est à qui aura le plus de culture, le plus de mémoire, le plus de références pour résoudre les mystères. Autant Ragon est doué, mais son adversaire d'autant plus, car il l'emmène notre cher enquêteur, chaque fois plus loin. Enfin, un « méchant » intelligent et qu'on peut apprécier aussi, c'est assez rare (bon, je ne dis pas que je cautionne ses actes!!), mais c'était relativement surprenant et instructif les pièges qu'il met en place pour la partie adverse!

Premier livre de l'année, et premier coup de coeur!!!Ça promet pour cette année, si ça continue de la sorte!!!!En tout cas, j'avais déjà repéré Fabien Clavel et avait quelques livres dans ma wish, mais avec ce livre, on voit toute l'ingéniosité de son écriture et je suis impatiente de lire d'autres écrits de cet auteur. Grace à lui, j'ai passé un excellent moment de lecture, comme on imagine pouvoir en lire souvent, mais en mettant en valeur des écrivains tels que Jules Verne, Victor Hugo, Baudelaire,etc…: il me donne bien envie de découvrir ou redécouvrir ces chefs d'oeuvres de la littérature et ainsi se rapprocher un peu de la finesse de Ragon et son appétit littéraire! Soyons friands de savoir et de lecture!!!!Je vous recommande chaudement cette petite merveille!!!!

Lien : https://fairystelphique.word..
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Découvrir le monde du steampunk avec les Feuillets de cuivre de Fabien Clavel est un véritable cadeau ! Donc tout d'abord un très grand merci aux éditions ActuSF et à Babélio pour cette superbe découverte.
N'étant pas, loin de là ,une spécialiste de ce genre de littérature je ne peux que vous retransmettre mes impressions de profane. Deux parties.La première une succession d'affaires résolues par le colossal Ragon.Nous le suivons donc dans une succession d'enquêtes et le voyons monter progressivement les échelons hiérarchiques. ( Il gravit plus vite les échelons que les marches d'escalier vu son obésité!) Sa passion: les livres, la littérature, son amour charnel Lise . Bien vite il devient veuf et seuls les livres et ses enquêtes lui permettent de survivre.'
Dans la deuxième partie les faits s'enchainent le passé ressurgit....
Le décor :Paris en cette fin du XIX ème , début du XXème siècle et surtout toujours et encore la littérature française , ils sont tous là Verne, Zola, Dumas Hugo bien sûr et beaucoup d'autres. Quelle richesse !
Pour un avis plus éclairé sur ce roman magique je vous propose d'aller lire les critique déjà publiées surtout celle de Dionysos qui m'a incitée à faire ce choix merci pour le cadeau et bravo Monsieur Clavel
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« Le commissaire Ragon était occupé à noter le détail de sa dernière affaire sur l'un des carnets de cuir offerts jadis par sa défunte épouse. Il en appréciait en particulier la jaspure cuivrée de la tranche dont il faisait jouer les feuillets sous ses doigts ».

Cuir, cuivre, l'alliance du métal cuivré recouvert partiellement d'un cuir offre une classe inouïe. Jamais vue auparavant, cette manière de revisiter un grand classique du style industriel assure une originalité élégante. La couleur se marie avec de nombreux styles et les matières apportent une touche de caractère.
C'est ce que je ressens en découvrant la couverture du livre de Fabien Clavel.
Je l'entends me dire :
Oseras-tu, seras-tu capable de me suivre ?
La réponse est donnée dans mes feuillets de cuivre.

Chez cet auteur, le steampunk, c'est funk. de la puanteur dans la vapeur, de la contestation dans l'industrialisation, un 19ème siècle revu et corrigé en mode uchronie.
« Feuillets de cuivre », c'est un roman policier mâtiné d'anticipation, de fantastique et de science-fiction. Mais avec un fil rouge littéraire indéniable, ce sont les livres qui délivrent… la vérité pour résoudre l'énigme.

« N'oubliez jamais cela, Fredouille : tout est dans les livres. Notre vie n'est qu'un feuillet détaché de l'ouvrage gigantesque du monde ».

Fredouille, c'est l'agent, qui bredouille serait, sans l'inspiration livresque de l'inspecteur Ragon, qui devint commissaire grâce à son érudition phénoménale.
Car c'est un gros lecteur. C'est son embonpoint qui lui décerne un bon point, plus il dévore de romans, plus il augmente son tour de taille. Obèse, il pèse sur les malaises sans être mal à l'aise. C'est lui qui fait le poids sans écraser l'adversité, juste en cherchant la vérité, sa perspicacité est méritée.

« Une bibliothèque, c'est une âme de cuir et de papier. Il n'y a pas meilleur moyen pour fouiller dans le tréfonds d'une psyché que de jeter un oeil aux ouvrages qui la composent. La sélection, le rangement, le contenu, même la qualité de la reliure : tous les détails sont importants ».

Car ce roman, il est bourré, il chavire, il navigue dans les eaux sombres de l'époque victorienne. Bourré, oui, mais de références littéraires à toutes les pages, chez ces écrivains divins à qui est rendu l'hommage.

Ils fanent, les cytises, où sont tes années folles ?
Que sont devenues toutes tes idoles ?
Disparus Hugo, Maupassant, Flaubert,
Idem Zola, Verne, Baudelaire

« Mais la présence des défunts, au lieu de l'inquiéter, l'apaisait. C'était une véritable forteresse de bois, de cuir et de papier que le commissaire s'était bâtie contre le monde extérieur. Elle faisait le pendant de son blindage de graisse. Ainsi son coeur, bien au chaud dans son carcan de saindoux, demeurait toujours à l'abri ».

« Feuillets de cuivre », ça commence par feu, ce roman ne manque pas d'artifices. L'auteur en utilise en changeant le cours des choses, l'art est de mise, arrêter de lire je n'ose.
Le montage de ce livre, c'est un vrai feu d'artifices. Une suite de petites enquêtes, avec différentes couleurs à chaque coup de pétard, qui s'enchaînent sans interruption, lancées par un pyrotechnicien du nom de Ragon.
Fabien Clavel met le feu avec toutes ses références, et chacun, excusez du peu, entre dans sa danse.
Puis la deuxième partie, c'est le bouquet final, on s'aperçoit que les nouvelles forment un roman, elles reprennent des éléments déjà vus dans les pages précédentes, en augmentant l'intensité dramatique.

On m'avait conseillé de l'ajouter dans ma liste « Des romans composés de nouvelles », en effet, il y a toute sa place. le mélange des ingrédients prend corps, et la cuisson finale donne toute la saveur à cette recette expérimentale.
Difficile de parler de l'intrigue, c'est le lecteur qui investigue.
Mais la technique de l'auteur est imparable, son style enlevé ajoute un grain de folie, comme dans les aventures de cette époque. Serait-il le Sue/Poe du mauvais genre ?

« - Me croiriez-vous si je vous disais que j'ai résolu toutes mes enquêtes à partir de livres ?
Fredouille prit un air incrédule.
- Et comment procédez-vous lorsque la victime ne possède pas de publications ?
- Dans ce cas, il s'agit d'un meurtre sans intérêt et sans finesse. Ces affaires ne méritent même pas d'être mentionnées. Elles reposent toujours sur le même canevas primitif. On les résout en un claquement de doigts ».

Et il y en a aussi pour Rabelais, Grimm, Perrault, car les contes font les bons amis. Ou pas. Tout dépend si on est du bon côté du miroir.

« - (…) Vous avez réussi à détourner les contes de leur propos premier : ils sont là pour aider l'humanité à vivre, pas pour lui nuire !
(…)
- Vous êtes d'une grande naïveté, commissaire. Vous êtes-vous réellement penché sur l'abîme que sont les contes ? Il y a là toute la boue humaine : craintes, envies, pulsions destructrices. (…) Jamais la littérature n'améliore quoi que ce soit. Elle se contente de constater la permanence du mal, voire de l'entretenir ».

Mais bien sûr, la référence numéro un, c'est le roman policier. Tous les codes du genre sont représentés : mystère de la chambre close, meurtres de prostituées, journal crypté, course-poursuite, découpe de corps dans le décor.

Clin d'oeil à de nombreuses oeuvres du 19 ème, la trame suit l'ordre chronologique dans le Paris du tournant du siècle. Pari osé, mais réussi.

Alors, les Babeliotes, si vous estimez ne pas avoir le temps de vous plonger dans tous ces romans qui ont fait les feuilletons des journaux, si vous pensez que les productions littéraires actuelles sont plus accessibles, ce livre est pour vous. Il propose tous les genres en un seul volume, une sorte de Sélection du Reader's Digest.
Quant à la chute finale, elle est diabolique et inattendue. de la belle ouvrage.

« Ragon s'éloigna de son pas lent et las, avec une saveur amère dans la bouche. Un goût de cuivre ».
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Quel monumental coup de coeur que ce livre !!!!
Il y a tellement à dire que je ne sais par où commencer !!

Le format peut-être : entre journaux "intimes" ou plutôt chroniques d'enquêtes, car plusieurs enquêtes se suivent de façon chronologique, un même enquêteur doté d'un charisme certain. Voyez ce livre comme la somme de plusieurs enquêtes qui font avancer une trame principale. A l'image d'une série à épisodes multiples et personnage central avec en toile de fond les feuilletons de l'époque et plus récemment les adaptations et créations télévisuelles.

L'univers et les intrigues : Dans une atmosphère où plane la brume des grandes villes à l'entre-deux siècles, ici du steampunk où tout est livre. Car toutes les enquêtes tournent autour du livre. Peu importe le format, l'intrigue, les auteurs, les références. Tout est littérature dans ce roman puzzle. Bourrée d'énigmes, d'oeuvres artistiques et littéraires, j'ai été souvent penchée sur certains termes ou références obscurs pour moi, avis aux curieux de tout bord y'a de quoi parfaire sa culture avec ce livre. de Jules Verne à Baudelaire, des enquêtes à la Sherlock aux estampes japonaises, on va et vient dans ce foisonnement culturel. le tout est rehaussé à la sauce "macabre" avec des scènes de crime parfois franchement glauques mais toujours justifiées, élaborées, diaboliquement réfléchies.

Les personnages : D'abord Ragon, le personnage principal, la figure emblématique de l'enquêteur. Son aura ne vient pas de son physique, même s'il en impose dans le genre, mais plutôt de son intellect et de sa culture surdéveloppée, dopés aux lectures, son soucis du détail. Certaines scènes sont des jeux pour bibliophile, si morbide soit le contexte, on se plait à s'imaginer dans la peau de Ragon, à déchiffrer codes et lettres, à suivre chaque piste... Sans oublier pléthore de personnages secondaires plus élaborés les uns que les autres et un méchant dont on savoure le noir génie !!

Un très grand plaisir à savourer cette lecture métamorphe qui vous emportera dans toutes les facettes d'une époque et condense une multitude de genres, emprunte deci-delà des éléments et réussit pourtant à créer une oeuvre hybride originale. Chapeau bas Monsieur CLAVEL !!
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Une lecture jubilatoire.
Pourtant au début, je me suis demandé pourquoi ce roman était qualifié de steampunk. On démarre avec une suite de nouvelles à la manière de Edgar Poe, Arthur Conan Doyle ou Emile Gaboriau. Puis les élément de fantastique ou de science-fiction se dévoilent progressivement, parcimonieusement au fil des histoires. : Ether, machines infernales, magie noire...
L'histoire se passe entre 1872 et 1912 et la littérature de l'époque nous suit tout au long du roman, Tous les auteurs de l'époque sont cité, Victor Hugo, Jules Vernes, Eugène Sue, Baudelaire, Emile Zola etc... en fait j'aurais du mal à trouver un absent.
L'aspect physique du livre aussi a une grande importance dans l'histoire, sa forme, sa reliure, son édition... Les « Feuillets de cuivre » font référence à la dorure des tranches (ici on pourrait parler de « cuivrure ») (Je met ici un lien pour comprendre ce que sont les peintures cachées sur les tranches : http://www.laboiteverte.fr/peintures-cachees-tranche-livres-1650-1900/)
Le Paris physique, politique et social y est décrit avec beaucoup de précision, de réalisme, et quelques éléments de fictions viennent régulièrement y jeter le trouble pour notre plus grand bonheur.
C'est un livre très documenté, très cultivé sans être pédant ni prétentieux. Le style n'est pas en reste.

Et au fil du livre, les nouvelles finissent par se rejoindre en une histoire cohérente qui nous envoie vers une fin pleine de surprises, comme un ensemble d'images collées les unes au autres et qui vu de loin dévoilerait une autre image.

Avec ce roman, j'ai savouré un très bon moment de lecture.
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"Une bibliothèque, c'est une âme de cuir et de papier. Il n'y a pas meilleur moyen pour fouiller dans le tréfonds d'une psyché que de jeter un oeil aux ouvrages qui la composent. La sélection, le rangement, le contenu, même la qualité de la reliure : tous les détails sont importants. Me croiriez-vous si je vous disais que j'ai résolu toutes mes enquêtes à partir de livres ?"

Amateurs de gore, de thrillers sanglants et de premier degré passez votre chemin. Nous entrons ici dans tout ce que j'aime trouver dans un polar : de la finesse, de la psychologie, un contexte historique (la fin du 19ème) et des références littéraires qui empruntent autant à Jules Verne qu'à Eugène Sue. Tout ceci concocté par un auteur sans conteste amoureux des lettres et qui prend un malin plaisir à faire des livres les véritables héros de ses histoires.

Rien que le personnage d'enquêteur dont nous suivons le parcours à travers des extraits de ses carnets est génial. Totalement atypique. Marqué par la guerre de 1870 et la bataille de Sedan après laquelle il devient gardien de la paix, d'une corpulence déjà remarquable et qui ne cessera de s'amplifier avec l'âge. Lecteur compulsif, toujours à l'affût des nouveautés de l'époque dans lesquelles il puise de quoi nourrir sa connaissance de l'être humain et notamment du mal. Les aventures de l'inspecteur Ragon nous sont contées sur une bonne trentaine d'années sur un principe d'épisodes, chacun correspondant à une enquête mais l'ensemble formant un tout et prenant sens au fur et à mesure que se dessine la silhouette de son adversaire qui ne peut être que hors normes lui aussi...

Le contexte historique, sociétal, littéraire et scientifique de l'époque défile, dans un Paris que l'on a déjà pu croiser dans les polars de Claude Izner par exemple mais qui n'est qu'une toile de fond destinée à mettre en valeur les écrits, des plus anciens aux plus contemporains. Qu'il s'agisse d'inventions en tous genre, de croyances ou d'analyses dont s'abreuvent les lecteurs et qui viennent percuter le réel. Ici, le bien et le mal s'affrontent par inspirations littéraires interposées. Histoire de réfléchir au pouvoir infini de la littérature.

"Tout est dans les livres. Notre vie n'est qu'un feuillet détaché de l'ouvrage gigantesque du monde"

Vous l'avez compris, voici un vrai coup de coeur pour moi. Un livre que je conseille à ceux qui n'aiment pas forcément les polars, les nostalgiques de Jules Verne, les amateurs de séries (ou, pour les plus âgés, les nostalgiques des feuilletons), les curieux, ceux qui aiment le livre dans toutes ses dimensions, pour le lire comme le contempler ou le toucher.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Voilà, je l'admets : je suis sous le charme de la plume de Fabien Clavel.

Depuis la lecture de l'Évangile cannibale en vérité, j'avais eu l'envie de poursuivre avec cet auteur. Et à la lecture des critiques de Feuillets de cuivre par mes amis babeliotes et sur forum trollistique, je ne pouvais pas résister plus longtemps.

Dans ce roman policier construit comme un roman-feuilleton, intrinsèquement un très bel hommage à un genre littéraire en vogue à la fin du 19ème siècle, j'ai goûté avec plaisir les références aux oeuvres de Jules Verne, Gaston Leroux ou Emile Gaboriau.
Mais au-delà du style, c'est aussi à la naissance d'un personnage que nous assistons : Ragon, un jeune gardien de la paix qui deviendra presque malgré lui commissaire au fil des enquêtes qu'il va mener et résoudre, au coeur d'un Paris quelque peu uchronique.

C'est par ailleurs un homme quelque peu particulier que nous rencontrons là : un lecteur compulsif, persuadé que toute énigme peut être résolue par un livre. Ce qu'il démontre d'ailleurs avec talent tout au long de sa vie..
Il y a en lui la perspicacité d'un Hercule Poirot avec une approche plutôt psychologique des affaires criminelles qu'il est amené à résoudre, mais sans l'arrogance ni l'égo. Son humanité, sa discrétion et sa sensibilité le rapproche plutôt d'un Jules Maigret du début du siècle.

Mais il ne faut pas s'y tromper, derrière le roman d'enquête, se dessine un roman bien plus complexe, plongeant petit à petit dans le fantastique, le magique et l'inattendu. Car la force de Fabien Clavel, c'est bien de jouer avec son lecteur. Et là encore, comme après l'Évangile cannibale, surgit à la fin de la lecture l'envie de tout relire, car les dernières pages donnent une toute autre perspective à l'ensemble de l'ouvrage. J'adore !

C'est riche, complexe et diablement équilibré et construit, sous une apparence plutôt sobre.
Cet homme a un grand talent et je l'inscris désormais dans mes incontournables.
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