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Une vie de province tome 2 sur 4

Catherine Lauga du Plessis (Traducteur)
EAN : 9782020685344
240 pages
Seuil (01/10/2004)
3.66/5   77 notes
Résumé :
Tout juste sorti de l'enfance, John apprend à se débrouiller seul. Convaincu d'être un artiste, il décide de partir à Londres. Mais le rêve tourne au cauchemar et l'apprenti poète se voit contraint de prendre un emploi de programmateur chez IBM pour subvenir à ses besoins.
Célèbre pour sa réticence à se livrer, l'auteur se dévoile entre candeur naïve et lucidité caustique.

"L'art ne vit pas de privation, de désir insatisfait, de solitude. Il l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
"Lui n'est pas un réfugié; ou plutôt, s'il allait prétendre au Home Office qu'il est réfugié, cela ne le mènerait nulle part. Qui donc vous opprime? dirait-on au Home Office. Qu'est ce que vous fuyez? L'ennui, répondra-t-il. Les philistins. L'atrophie de toute vie morale. La honte. "

Deuxième volet de ce que l'on peut considérer- même si c'est écrit à la troisième personne du singulier et au présent- comme une trilogie fortement autobiographique, commencée avec Récits d'un jeune garçon .
C'est en tout cas le parcours d'un jeune Sud-Africain, blanc, qui faisait des études de mathématiques au Cap et qui a émigré à Londres au début des années 60. Comme Coetzee. Grand lecteur de littérature européenne, Il a le "projet ambitieux de lire tout ce qui mérite d'être lu avant de partir pour l'Europe, pour ne pas arriver là bas comme un provincial, un péquenot."
Il pense que là, peut être , il pourra devenir quelqu'un d'autre que ce qu'il est .Ecrire de la poésie, par exemple. En exergue, une phrase de Goethe qui dit que si l'on veut comprendre le poète, il faut aller dans son pays..

Tout va mal, pour lui,de toutes façons en Afrique du Sud. le pays, d'abord: "Il aimerait croire qu'il y a assez de pitié dans l'air qu'on respire pour les Noirs et pour leur sort, qu'il y a quelque désir de les traiter honorablement pour compenser la cruauté de la loi. Mais il sait qu'il n'en est rien. Entre Noirs et blancs s'est établi un fossé définitif."
Sa vie sentimentale est aussi un fiasco complet, et il risque à tout moment d'être appelé à l'armée, ce qui le conduirait, dit-il, au suicide..
Alors, adieu définitif à l'Afrique du Sud qu'a colonisée «  une poignée de hollandais se déclarant propriétaires d'un territoire étranger qu'ils n'avaient jusqu'alors jamais vu : et aujourd'hui, leurs descendants considèrent ce territoire comme leur appartenant de droit, de naissance?"

"L'Afrique du Sud est comme un albatros accroché à son cou, … Il veut qu'on le lui enlève, comment, il s'en moque, pour lui permettre de respirer enfin. "

Ces trois années à Londres vont être une autre descente aux enfers..

On peut s'attacher au récit lui même , le Londres des années 60, ville très peu hospitalière pour les immigrés- et encore, il est blanc- sa misère,sa solitude, sa souffrance et ses emplois successifs dans les débuts de l'informatique. Mais il y a autre chose qui domine, à mon avis.

"Il est venu à Londres pour faire ce qui est impossible en Afrique du Sud: explorer les profondeurs. Si l'on ne descend pas dans les profondeurs, on ne peut être un artiste. Mais qu'est-ce exactement que les profondeurs? Il avait cru que se traîner péniblement dans les rues glaciales , le coeur engourdi par la solitude, c'était ça, les profondeurs. Mais il se peut que les vraies profondeurs soient toute autre chose, et se présentent sous des formes inattendues: dans une explosion de méchanceté envers une fille au petit matin , par exemple. Peut être que les profondeurs qu'il voulait sonder étaient en lui, de tout temps, enfermées dans sa poitrine, profondeurs d'insensibilité, de goujaterie, de froideur. Est ce que céder à ses inclinations, à ses vices, et puis après se ronger et s'en vouloir, comme il le fait en ce moment, est ce que cela sert à quelque chose pour faire de lui un artiste? A l'heure qu'il est, il ne voit pas comment."

Je crois que je le vois plus.. Et que lui aussi, d'ailleurs, car ce livre date de 2002 , bien longtemps après les années londoniennes.
Et ce jeune homme qu'il décrit, en proie à de multiples questions sur la création ( poésie ou prose, quel écrivain imiter, souffrance essentielle à la création? comment concilier détachement et même pseudo indifférence avec la notion d'art?) est assez antipathique. du moins il le serait si on ne constatait pas que c'est le regard de l'écrivain de 2002 sur le jeune homme qu'il était.C'est lui-même qui en décide. Ce décalage du regard, ce manque complet d'attendrissement pour ses personnages , c'est d'abord à lui même qu'il les applique .Toujours un recul, ou un dédoublement ( et même 3 voix dans Journal d'une année noire) Et ce besoin constant d'expier, qui donnera le fabuleux Disgrâce.
Des états d'âmes très communs au genre humain , à cet âge là. Mélange de médiocrités ordinaires, et d'aspiration au génie, d'orgueil ,naïveté , radicalité , de désirs jamais satisfaits,d'inédaquation constante avec la vie quotidienne, nombrilisme mais aussi éclairs de lucidité, générosité , empathie , constamment disséqués.
Etude dissection, analyse en phrases lapidaires qui ne laissent guère de place à l'indulgence ,de tout cela il va faire en quelque sorte une marque de fabrique . Spectateur de ses personnages, et le premier, c'est lui-même. Et il ne se fait aucun cadeau.
Assez grandiose démonstration, a posteriori, de la naissance d'un écrivain .

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Ce livre m'a scotché ! J'ignorais qu'il faisait partie d'une trilogie autobiographique et je ne l'ai du coup pas lu dans le juste ordre ni en le pensant autobiographique.
L'auteur nous emporte dans les méandres d'une pensée compliquée, désespérée, le propos d'un poète frustré par son manque de créativité, frustré par le manque d'émotions avec les femmes qu'il rencontre, la peur qu'elles lui volent son inspiration, et ces racines si complexes à intellectualiser.
On retrouve du Kierkegaard, celui de "[b]La reprise[/b]" où le jeune (Kierkegaard réfléchissant à sa rupture avec Régine Olsen) pris sous l'aile du philosophe danois (comprenant qu'il s'est trompé en rompant) oscille entre choisir sa vie amoureuse et sa vie artistique.
J'y ai retrouvé du Hrabal aussi dans ses considérations sur l'importance de la littérature au sein de la société, au sein de cultures oubliées et soumises à la violence.
Le style emporte par sa simplicité à exposer des questionnements pourtant complexes.
Il y a beaucoup de pudeur et pourtant tellement de sentiments dans cette oeuvre.
Magistral.
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Je savais bien que pour être un grand écrivain il fallait avoir souffert dans sa vie, le récit quasi autobiographique de Coetzee, prix Nobel largement mérité nous montre le chemin parcouru du jeune homme qui ne veut rien d'autre qu'un destin hors normes dans le sillage des auteurs de poésie qu'il admire. Rejetant sa famille, ayant choisi la solitude par peur des autres, rêvant d'amour tout en restant insensible dans ses relations aux femmes, il subit une vie de privations et de labeur en espérant toujours un avenir meilleur que celui de jeune blanc en Afrique du Sud. Londres verra sa dépression s'agrandir avec la douleur d'être relégué comme inférieur dans le regard d'autrui, sorte d'immigré dans ce monde de l'Apartheid, de la guerre du Vietnam, de la puissance des multinationales. Très belle confession , lucide et pudique sur le bois dont est fait un auteur, sur ce qui va donner ce ton un peu cynique et endurci, de celui revenu de tout.
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J'ai lu ce livre d'une traite. Autobiographie légèrement sarcastique de J.M. Coetzee, alors qu'il est jeune homme en Angleterre, dans les années 60', après avoir quitté l'Afrique du Sud, pour des raisons politiques (il est contre l'Apartheid) et familiales (atmosphère oppressante). Il nous raconte ses déboires professionnels et amoureux à Londres avec beaucoup d'humour et d'auto-dénigrement. Sa description de son travail d'informaticien à IBM est le sommet du "subdued" humour à l'anglaise. Tout particulièrement quand il se rend compte que son travail risque de participer à l'armement des Britanniques contre l'URSS dans le cadre de la guerre froide, alors qu'il est non-violent et qu'il a fui l'Afrique du Sud pour ne pas être appelé à se battre. La qualité d'écriture de Coetzee est exceptionnelle, légère et agréable, même quand il touche à des thèmes un peu scabreux comme ses nombreuses (et pathétiques) liaisons amoureuses. Et tout au long de cette belle écriture, l'auteur laisse percevoir un jeune homme torturé, souffrant de la solitude, incapable de réaliser son rêve (l'art, la poésie, l'écriture), combattant sa médiocrité mais se laissant presque submerger par elle.
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Un autoportrait brillant, non exempt d'auto-dérision, qui nous éclaire sur l'oeuvre de cet écrivain sud-africain qui a reçu le prix Nobel de littérature en 2003.
Coetzee nous livre le fruit de ses réflexions dans de différents domaines: solutions pour sortir des crises d'un monde marqué encore par l'apartheid, évocations de ses nombreuses lectures de ses découvertes en musique et en peinture.
Une oeuvre agréable à lire, une oeuvre à multiples facettes.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Est-ce que son coup d'essai en prose annonce un tournant dans sa vie? Est-il sur le point de renoncer à la poésie? Il ne sait pas trop. Mais s'il doit écrire de la prose, peut-être doit-il aller jusqu'au bout et écrire comme James. Henry James montre comment s'élever au-dessus de ce qui tient à la nationalité. En fait, l'endroit où se passent les choses n'est pas toujours clair dans un texte de James, à Londres, à Paris ou à New York, tant il est au-dessus des contingences de la vie quotidienne. Les gens dans les romans de James n'ont pas de loyer à payer, ils n'ont certainement pas à s'accrocher à un emploi; tout ce qu'ils ont à faire est d'avoir des conversations d'une extrême subtilité qui ont pour effet de modifier d'infime façon l'équilibre des pouvoirs, des modifications si infimes qu'elles ne peuvent être perçues que par un oeil exercé. Lorsqu'il s'est produit suffisamment de ces modifications, l'équilibre des pouvoirs entre les personnages de l'histoire se révèle avoir soudain et irréversiblement changé.( Et voilà!) Et c'est tout: l'histoire a fait son office et peut être menée à sa fin.
Il se donne des exercices à faire, des exercices de style, mais le style de James s'avère moins facile à maîtriser qu'il ne pensait. Faire tenir aux personnages qu'il imagine des conversations infiniment subtiles est aussi difficile que d'essayer de faire voler des mammifères. Pendant quelques instants, ils battent des bras et se maintiennent dans l'air comme par magie. Puis ils tombent en piqué.
La sensibilité de James est plus fine que la sienne, cela ne fait aucun doute..
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Ils se rendent à Woodstock dans sa petite voiture et s'arrêtent devant une rangée de maisons mitoyennes, toutes semblables. Elle descend de voiture et va frapper à la porte de l'une d'elles. Il ne voit pas qui lui ouvre, mais cela ne peut être que l'avorteuse elle-même. Il s'imagine les faiseuses d'anges comme des femmes débraillées,avec des cheveux teints et une couche épaisse de fond de teint, et des ongles pas très propres. Elles font boire à la fille un verre de gin sec, la font allonger, puis se livrent à une manipulation innommable dans son ventre, avec un bout de fil de fer,quelque chose qui consiste à accrocher puis à extirper. Assis au volant de la voiture, il frissonne. Qui se douterait que dans une maison ordinaire comme celle-ci, avec des hortensias et un nain dans le jardin, il se pratique des horreurs pareilles!
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Ce que nous appelons la beauté est simplement un pressentiment de la terreur, lui dit Rilke. Nous nous prosternons devant la beauté pour la remercier de dédaigner de nous détruire. Le détruiraient-elles s’il s’aventurait trop près, ces belles créatures venues d’autres mondes, ces anges, ou le trouveraient-elles trop insignifiant pour ça ?
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Cela le chagrine de voir combien le principe de réalité fonctionne bien, de voir que, sous l’aiguillon de la solitude, le garçon qui a de l’acné se contente de la fille qui a le cheveu terne et le mollet lourd, et tout un chacun, contre toute attente, finit par se trouver un ou une partenaire.
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Il y a une autre façon, plus brutale, de dire la même chose. En fait il y a mille autres façons : il pourrait passer le reste de sa vie à en faire la liste. Mais la façon la plus brutale est de dire qu’il a peur : peur d’écrire, peur des femmes.
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