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Sophie Mayoux (Traducteur)
EAN : 9782757807187
224 pages
Points (10/01/2008)
3.69/5   104 notes
Résumé :
Au plus noir de la nuit, la maison devrait être silencieuse.
Pourtant, l'oreille collée à la cloison, Magda perçoit des halètements presque inhumains. Elle attend le moment propice.
Dans une minute, elle se lèvera et se dirigera vers la chambre de son père, un fusil chargé à la main, bien décidée à changer le cours de son existence...
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Dans une Afrique du Sud encore sous l'apartheid, une famille réside sur une ferme isolée. Une famille ? Disons un vieux maitre autoritaire et sa fille unique Magda, plus toute jeune, peut-être un peu laide, dans tous les cas vierge et surtout frustrée. le veld, ce lieu désertique, hostile, doit jouer pour beaucoup dans le malaise croissant de cette femme délaissée, abandonnée. Mais bon, ça semble avoir été le lot de plus d'une femme, pas la peine d'en faire toute une histoire. Mais un jour, Hendrick, leur serviteur noir, leur esclave, arrive un jour avec une jeune épouse, Klein-Anna. Aussi noire que lui, évidemment. Certains soirs, le maitre la retient... Si Hendrick ne dit rien (est-il vraiment ignorant de ce qui se passe ou préfère-t-il détourner le regard ?), Magda, elle, perd la boule. Comment son père ose-t-il avoir une aventure avec une mulatre ? Dans un accès de folie, elle tire au plafond, sous la chambre du maitre. La balle passe au travers et blesse son père, qui meurt au bout de son sang quelques jours plus tard.

Le maitre disparu, plus rien ne va. Dysfonction. D'abord, comment faire fonctionner la ferme, où se procurer l'argent pour payer les employés, etc. Les tracas de la vie sont trop pour Magda, qui commence une longue descente en enfer, une déchéance. Hendrick et Klein-Anna l'aideront un certain temps dans la gestion du domaine mais, pas payés, ils s'en lasseront. Surtout, ils découvriront qu'elle est incapable toute seule, qu'elle est maintenant dépendante d'eux. Cette nouvelle relation assez particulière, dans le genre amour-haine, contribuera à la chute de la suprémacie blanche. Un peu à l'image du pays.

Au coeur de ce pays est un roman est présenté dans le style d'un journal intime, je ne crois pas que ça en soit un pour vrai. Ça ressemble plus à long monologue, bien qu'il soit divisé en plus de deux cents petits chapitres. Il y a quelque chose trop spontanée, d'irréfléchie, de fou… C'est qu'on tombe dans les rouages de la folie de Magda. C'est déroutant. Troublant. Violent. Aggressant. Puis le dénouement est tout aussi barbare. Sauvage. Tout sombre dans l'anarchie et ça se ressent jusque dans l'écriture. Ouf ! C'est une lecture intéressante mais surtout intense, je ne peux pas dire que c'est une partie de plaisir. Toutefois, c'est le genre de lecture intense parfois nécessaire qu'on se permet à intervalles espacés, question de se rappeler que nous sommes des êtres humains…

C'est un des premiers romans de John Maxwell Coetzee et, pourtant, la finesse de son écriture est épatante. Il a su mettre le doigt sur le mal qui rongeait Magda, et gratter, gratter, gratter jusqu'à ce que folie s'ensuivre. Et pareillement pour le maitre et Hendrick, en peu de mots, il a réussi à les rendre vivants, plus grands que nature, à la fois faibles et monstrueux, plein d'espoirs et de désirs, transformés en ogres tout-puissants. Tout un tour de main. Et que dire de ce veld sud-africain, de cette terre rouge et sèche. le pays et son isolation (peut-on faire le parallèle avec la situation du pays sur le plan internationnal, isolé à cause de sa politique de l'apartheid ?) joue pour beaucoup dans le malaise croissant des personnages. En tous cas, c'est l'interprétation que j'en ai retirée. Avec Au coeur de ce pays, l'auteur nous fait plonger tête première dans cette Afrique du Sud à la fois terrible et magnifique.
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Au coeur de ce pays, mais surtout de nulle part, vit un père et sa fille dont la mère est morte en couche. Isolés de tout et de tous, ils ont juste des esclaves à leur disposition pour entretenir la ferme. La fille, Magda, n'en peut plus de la solitude et commence à délirer. Elle cherche surtout un homme pour explorer son "trou".

Il y a des années que je n'avais pas lu Coetzee, et j'en ressort avec le même sentiment : C'est incontestablement brillant, superbement écrit, intelligent...mais je m'y ennuie sans doute un peu trop pour la pratique d'un loisir et j'avoue que les divagations de Magda, faisant douter entre ses élucubrations et la réalité m'ont un peu perdu.
"Cherry on the cake", la quatrième de couverture fait fort (oui quand je suis paumé , j'y jette un oeil) nous dévoilant l'intrigue jusqu'à la page 142...sur 186.
Vous l'avez compris , j'ai déjà connu plus d'&épanouissement dans la lecture.
Et pourtant, le traitement de l'esclavage , tout en non dit , est sans doute brillant.
Le personnage de Magda est croquée avec une minutie chirurgicale qui inspire le respect.
les mots sont durs , autant que le paysage et l'environnement mais donnent à ce livre une telle ambiance que lorsqu'on l'ouvre on a l'impression d'y être dans ce no man's land africain.
C'est cela le génie d'un écrivain . Un peu trop pour moi sans doute.
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Au milieu de nulle part, une ferme isolée dans le veld.
Dans ce désert où la terre est brûlée par un soleil rougeoyant, elle se sent seule, enfermée dans une solitude exacerbée, entourée d'une poussière ocre et chaude. Elle n'est pas vraiment belle, elle ne s'aime guère et elle s'enferme dans un monde fait de rêveries et de fantasmes. Une vie vide.
Elle, c'est la fille du maître, vieille fille acariâtre, vierge et frustrée.
Elle se raconte dans un long et unique monologue, composé de courts chapitres (pour être précis, 266 extraits d'une vie). Elle ouvre son coeur et son âme au lecteur de ce « journal intime », mélange de réalité et de fantasmagorie. Elle se met en scène, s'illusionne tout en dévoilant son propre déchirement à vivre seule dans cette Afrique du Sud, encore sous le signe de l'Apartheid. Seule, parce que personne ne veut la comprendre, surtout pas son père, cet homme autoritaire qui semble totalement l'ignorer et la mépriser, ni même ses serviteurs noir(e)s, esclaves sans chaînes et humiliés. D'ailleurs, ne serait-ce pas elle l'esclave de ce veld sud-africain, abandonnée dans la poussière virevoltante au pied de sa ferme ?
Le jour où elle vit l'impensable, où elle découvrit le pire, la folie s'empara d‘elle. Malaise, désespoir, le réel n'existe plus, les rêves non plus ; seules ces fantasmes survivent et s'interchangent avec de rares moments de lucidité. Cette infamie, cette ignominie qui la plongea dans un univers hallucinant est simplement d'avoir découvert un jour son père nu enlacé autour de cette jeune et magnifique servante noire.

Un récit dur et noir qui vous ouvre le coeur et les tripes. Un long monologue humain et perdu dans un veld sud-africain ocre de poussière. Violence physique, barbarie mentale. La réalité n'a plus de prise sur votre esprit. Vous êtes happé par la chaleur et la moiteur de ce pays. Vous sentez l'odeur de la sueur et de la sècheresse. Vous respirez cet air chaud et étouffant qui étreint votre souffle. Bref, vous êtes « Au coeur de ce pays » avec John Maxwell Coetzee... et vous avez besoin d'étancher cette terrible soif avec un Rooïbos, couleur rouge sang, couleur de cette terre, couleur de cette passion et de cette déchirure. Ce veld, j'y retournerai, sans aucun doute...
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Au coeur du Veld, région désertique oubliée de Dieu, à sept lieues de tout voisinage, à l'époque des charrettes, des maîtres et des serviteurs, une vieille-fille traîne son spleen dans la maisonnée du père et soliloque dans la solitude des jours. Sa précédente épouse étant morte en couche sans lui avoir laissé d'enfant mâle, ce dernier, homme sanguin mais silencieux, monolithique, comble le vide des heures, des journées, des semaines, des années, dans la sempiternelle succession de rites immuables. La délaissée rumine en son délire, sans but et sans espoir, elle ressasse d'aigres vengeances recuites dans le creuset de la haine d'un sort qu'elle considère comme injuste et vil. le temps s'écoule en fantasmagories hallucinatoires, en ruminations mortifères, en observations distanciées des outrages du temps sur son corps, de ses petites imperfections, des migraines qui taraude son esprit alangui livré complaisamment à un ascétisme exclusif et autodestructeur. Son regard oscille entre neutralité scientifique de l'entomologiste devant l'agitation d'une fourmilière et auto apitoiement larmoyant. Cynisme et désespoir tisse la trame des heures uniformes. Alors, lorsque le factotum de la ferme revient avec son épouse, une jeunesse à peine sortie de l'enfance, le père ne tarde pas à lui tourner autour; et sa fille d'observer le manège...

Journal intime, chronique de l'ennui, parabole ou allégorie de l'histoire de l'Afrique du sud, peu importe. Les velléités délirantes de la narratrice, le solipsisme radical de cette dernière, l'atmosphère de huis-clos et d'expectative, le style varié de la langue de l'auteur, tour à tour lyrique, nerveux ou d'une froideur clinique : tout concourt à faire de ce roman un moment mémorable.
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Vieille fille solitaire, sous la contrainte d'un père veuf et tyrannique - le baas - et en compagnie de serviteurs noirs, Magda vit dans une ferme isolée, au coeur du veld en Afrique du Sud. le père Afrikaner aime les femmes et lorsque le serviteur Hendrik revient à la ferme avec une jeune épouse, il l'attire dans son lit. Des rancoeurs latentes s'attisent dans un climat psychologique étouffant. Magda, méprisée, ombre folle, éprouve un mélange d'amour et de haine pour son père : dans sa confusion, elle le blesse mortellement au fusil. Magda ne sait même pas où est l'argent des paies et la ferme périclite.Violée par Hendrik, Magda espère un moment sortir de sa sèche détresse, être reconnue comme une compagne par l'homme noir qui la visite la nuit : "Pourquoi ne dis-tu jamais rien ? Pourquoi me prends-tu toutes les nuits si tu me détestes ? Pourquoi ne me dis-tu pas si je fais ce qu'il faut ? Comment le saurais-je ? Comment puis-je apprendre ? À qui dois-je demander ?" Mais dans ce pays, la parole d'amour et d'ouverture semble impossible et le langage même sera remis en question par cette femme au coeur de son délire.

La tragédie est éprouvante, c'est un roman dur qui parle de peur et d'incompréhension, de haine et de folie sur fond d'expérience coloniale. L'atmosphère est hostile, le ton sec, à l'image du paysage, tandis que le monologue de Magda en souffrance se poursuit inlassablement, mené avec détermination par l'écriture d'orfèvre de l'âpre John Maxwell Coetzee dont c'est le second roman (1977).

On regrettera que la quatrième de couverture de l'édition du Seuil révèle trop de la trame et de l'issue du récit : c'est totalement maladroit, surtout pour ce huis clos qui progresse pesamment, auquel l'indétermination des destinées aurait conféré de la vitalité à la lecture.

(billet complet sur le blog Marque-pages)

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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Mon père gît sur le dos, nu ; sa main droite et la main gauche de sa compagne sont entrelacées. Sa mâchoire est relâchée. Les paupières cachent la foudre des yeux sombres. Un crépitement liquide monte de sa gorge. Le poisson aveugle, cause de tous mes malheurs, repose mollement entre ses jambes. [...] La hache monte au-dessus de mon épaule. Ce geste, nombreux sont ceux qui l’ont accompli avant moi : épouses, fils, amants, héritiers, rivaux. Je ne suis pas seule. Entraînée par son poids, l’arme descend au bout de mon bras comme une boule au bout d’une ficelle, s’enfonce dans cette gorge qui s’offre à moi. Soudain tout est tumulte. La femme se dresse dans le lit, les yeux écarquillés, inondée de sang, affolée par les crachements et les halètements furieux de son compagnon. Il est heureux qu’en de telles circonstances, l’action trouve d’elle-même toute son ampleur, et que l’individu qui l’orchestre n’ait besoin que de présence d’esprit. Pudiquement, elle fait glisser sa chemise de nuit le long de ses hanches. Je me penche et j’agrippe au hasard - je tombe, me semble-t-il, sur un genou. Forte de cette prise, j’enfonce ma hache dans le crâne de la femme. Elle s’abat vers l’avant et bascule sur la gauche, roulée en boule, mon tomahawk tragique plongé dans sa chair. (Qui m’aurait prêté une telle force ?) [...]
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Brûlant de trouver les mots qui me transporteraient au pays des mythes et des héros, je reste quelconque, et la chaleur lourde de l'été refuse de se transcender. Que me faut-il? Je pleure, je grince les dents. Est-ce simplement de la fureur? Est-ce la vision d'une seconde existence assez passionnée pour m'entrainer loin du domaine vulgaire de l'être, vers la dualité de la signification? Chacun de mes pores ne frémit-il pas de rage? Manquerais-je de volonté? Ne suis-je pas, en dépit de ma colère, qu'une vieille fille campagnarde qui se laisse enfermer avec complaisance au piège de ses fureurs?
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Les histoires que l'on tisse avec des écheveaux de réminiscences, dans le secret d'un esprit somnolent, ne me conviennent pas. Ma vie ne se conjugue pas au passé : mon art ne saurait être celui de la mémoire. Ce qui m'arrivera n'est pas encore survenu. Je suis une tache aveugles qui se jette, les yeux ouverts, dans la gueule béante de l'avenir. Le mot de passe : "Et maintenant?"
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Le monde est plein de gens qui veulent créer leurs propres vies mais hors du désert, rares sont ceux qui bénéficient d'une telle liberté. Ici, au milieu de nulle part, je peux aussi bien atteindre l'infini que prendre la taille d'une fourmi. Je manque de bien des choses mais pas de liberté.
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J'aurais dû être un homme. Je ne serais pas aigrie. J'aurais passé mes journées au soleil, à faire ce que font les hommes - creuser des trous, poser des clôtures, compter des moutons. Que m'apporte la cuisine? Le bavardage des servantes, les commérages, les maladies, les bébés, la fumée, les odeurs de nourriture, les pantoufles fourrées en peau de chat - quelle vie puis-je bâtir sur de telles fondations?
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