En 1991, Mc Solaar nous parlait d'une victime de la mode, une jeune femme soucieuse de ressembler à tel ou tel top, dût-elle s'affamer, se ruiner.
'Ainsi font font font les petites filles coquettes
Elles suivent un modèle qui leur font perdre la tête...' ♪♫
La mode fait d'autres victimes, en plus grand nombre, au moins depuis la Révolution industrielle : la main-d'oeuvre de la filière textile. En Europe et aux Etats-Unis à partir du XIXe siècle, en Asie et Afrique aujourd'hui…
Au gré d'une enquête sur l'assassinat d'une chef d'atelier dans les années 1980 à New York, Thomas H. Cook nous montre cet envers du décor, remontant même jusqu'aux années 1930 : travailleurs (déclarés ou clandestins) exploités, en situation précaire, grèves... Et, entre industriels : monde de requins et concurrence sans pitié, au détriment, évidemment, des conditions de travail de ceux qui triment dans les ateliers.
Thomas H. Cook m'avait touchée avec 'Les Feuilles mortes' - description subtile des relations familiales, notamment entre un père et son fils adolescent.
Le changement de registre avec 'Au lieu-dit Noir-Étang' m'avait déçue - ambiance so british, un genre qui me plaît rarement.
Ce roman réédité en poche, initialement paru en 1990 sous le titre 'Haute couture et basses besognes' m'a réconciliée avec l'auteur. J'ai redécouvert son talent pour les enquêtes minutieuses, les interrogatoires, les ambiances, les états d'âme. Cook est très doué pour camper des personnages attachants, décrire leurs relations et échanges, entre pudeur bourrue et moments de confidence. J'ai suivi avec tendresse Frank et Farouk sur les traces du passé d'Hannah, dans les quartiers juifs new-yorkais, autour de sombres histoires de famille et de business.
Cette lecture a presque été un coup de coeur, je regrette seulement l'accumulation de personnages qui m'a vaguement perdue à la fin de l'intrigue. Le dénouement n'en reste pas moins limpide.
Pour ceux qui s'intéressent à la socio-économie du textile...
Lire aussi : 'Le coeur battant du monde' (S. Spitzer), 'Sombre Sentier' (Dominique Manotti), 'La Fabrique du monde' (Sophie Van der Linden), et un roman de JC Grangé dont le titre m'échappe…
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♪♫ https://www.youtube.com/watch?v=uDtqGdtLkTc
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Vous aimez le milieu de la mode, de la couture, voire de la haute couture ?
Ce polar nous emmène explorer les dessous de la mode et plus précisément les conditions de travail des ouvrières de l'industrie du textile.
Le polar se passe à New-York dans les années 80 et nous montre la réalité d'un monde qui fait rêver mais n'est finalement pas si éthique que ça.
Tout commence quand une femme est assassinée chez elle et que sa patronne, une dessinatrice de mode, demande à un détective privé de retrouver des membres de sa famille, afin que le corps puisse être enterré dignement.
Le problème c'est que la femme assassinée était très secrète et que personne ne semblait connaître sa vie privée.
L'enquête va donc être difficile et nous allons remonter le passé jusqu'aux années 30.
Un excellent polar qui nous fait découvrir le quotidien des ouvrières au sein des usines de textiles, un univers où la rentabilité et le glamour ne font pas bon ménage.
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A ce moment là, sembla-t-il à Frank en lisant le court article en page seize, Hannah avait perdu son ton juvénile. Maintenant, son style était fort, assuré, et empreint d'une conviction farouche...
La justice, ce n'est pas un rassemblement, si nombreux soit-il. La justice, ce n'est pas un salaire, si juste soit-il. La justice, c'est une philosophie de la vie, par laquelle on considère l'autre, et les droits de cet autre, et ce que cet autre fait pour vous et ce que vous faites pour lui. La justice, c'est la façon dont on s'intègre, et la façon dont on permet aux autres de s'intégrer. La justice isolée n'existe pas. La justice solitaire n'existe pas. Aucune oeuvre juste ne peut isoler l'autre. La justice est le grand principe unificateur de toute vie. Une vie isolée peut rechercher le confort. Une vie isolée peut rechercher l'amour. Mais la vie totale, quand elle est vécue ensemble, recherche la justice.
- J'ai toujours aimé m'amuser, vous comprenez ? Ma mère disait : 'Molly, tu aimes trop t'amuser, ça te jouera des tours.' On s'engueulait tout le temps, ma mère et moi. Mais elle avait raison. Pourtant, qu'est-ce qu'il y a de mieux que de s'amuser, hein ?
Elle se mit à rire de bon coeur :
- Maman n'a jamais pu répondre à ça. Elle, elle travaillait toute la journée, et elle servait de bonne à papa le reste du temps. Ça rime à quoi, je vous le demande ?
Il avait envie de faire démarrer quelque chose, mais il ne savait pas quoi, et l'idée le frappa soudain qu'il vivait depuis trop longtemps dans un état d'attente impuissante. Il ne savait pas ce qu'il attendait, seulement que quand ça viendrait, ce serait enveloppé autrement, qu'il ne reconnaîtrait pas la chose jusqu'à ce que, comme une main dans le noir, ça le saisisse par derrière.
- La terre d'origine, quelle importance ? dit Farouk avec indifférence. Nous venons tous de par là, ajouta-t-il, montrant la baie [de NY] de la main. Vous, vous venez de Pologne ?
- Peut-être de Russie, peut-être de Pologne, dit Fischelson. Selon le jour de la semaine où on partait.
Farouk se mit à rire.
- Les frontières changeaient tout le temps, dit Fischelson. J'avais neuf ans. Qu'est-ce que j'en savais ?
- Qui sait ce qu'elle avait laissé derrière elle ? Qui a envie de se rappeler un petit taudis de la Bowery ? (…) Parfois, ça ne suffit pas de s'être élevé dans la vie, de s'être bâti un avenir différent. Parfois, on veut un passé différent. Naturellement, c'est impossible.
(p. 101-102)
Evidence Of Blood Trailer 1998