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EAN : 9782742781171
313 pages
Actes Sud (15/04/2009)
4.26/5   36 notes
Résumé :
Cette anthologie bilingue retrace l'itinéraire poétique de Mahmoud Darwich depuis le début des années 1990. Elle regroupe des poèmes extraits de sept recueils dont chacun a été considéré à sa sortie comme une oeuvre majeure, un important jalon dans l'histoire de la poésie arabe contemporaine : Onze astres, Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?, Le Lit de l'étrangère, Murale, Etat de siège, Ne t'excuse pas et Comme des fleurs d'amandier ou plus loin.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
C'est au travers d'une très belle anthologie publiée en 2009 aux Éditions Actes Sud que je retrouve la poésie de Mahmoud Darwich.
Les textes choisis par Farouk Mardam-Bey et traduits par Elias Sanbar sont extraits de quelques-uns des plus beaux recueils du poète palestinien, parus de 1992 à 2005 : Onze astres, Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?, Dans le lit de l'étrangère, Murale, État de siège, Ne t'excuse pas et Comme les fleurs d'amandiers ou plus loin.

Dès les premiers vers du recueil, je retrouve la sensibilité, la mise en équilibre poétique de la parole et des images. Au fil des pages, les thèmes chers à Mahmoud Darwich réapparaissent : l'enfance, l'exil, l'amour, la présence de la femme aimée, le langage, l'histoire, le pays perdu, le souvenir, la maladie, la mort.

Son écriture est une recherche de l'identification de soi, de la reconnaissance d'un peuple. Dans tous ses poèmes, tout semble être le récit d'un exil intérieur, d'une errance subie mais fertile, un envers et contre tout poétique. Ce sentiment d'exil s'étend aussi chez les autres, individu abstrait mais lié à la communauté.

« Nos tasses de café. Les oiseaux. Les arbres verts
Aux ombrages bleus et le soleil qui saute d'un
Mur à l'autre telle la gazelle...
L'eau des nuages aux formes infinies
Dans ce qui nous reste de ciel,
Et d'autres choses encore dont le souvenir est remis
à plus tard,
Montrent que ce matin est fort, resplendissant,
Et que nous sommes les hôtes de l'éternité. » *


Chez Mahmoud Darwich, les thèmes de l'absence et de la présence semblent se superposer, se confondre et teinter la réalité d'une nostalgie particulière. Cette nostalgie, c'est celle de la maison d'enfance détruite, du village natal rayé de la carte, celle de la terre palestinienne (réelle et métaphorique), de sa famille, de la femme aimée, mais c'est aussi celle de l'être-ensemble, de l'unité humaine, celle d'une altérité perdue.

Darwich est un humaniste, un poète de la terre, ce lieu de mémoire et de présent, deux notions du temps indépassables et liées, ce lieu des débuts et des fins où le coeur sans cesse bat.
C'est pour cela que la poésie de Mahmoud Darwich devient essentielle.

« EN UN JOUR À CE JOUR PAREIL

En un jour à ce jour pareil,
dans la travée secrète de l'église,
en une splendeur toute féminine,
en l'année bissextile, dans la rencontre,
ce matin, du vert
éternel et du bleu marin,
de la forme et du contenu,
du tangible et du mystique,
sous une tonnelle débordante,
à l'ombre d'un moineau
qui aiguise l'image du sens,
en ce lieu sentimental,
je rencontrerai ma fin et mon commencement
et je dirai: Malheur à vous deux !
Emportez-moi et laissez
le coeur de la vérité, frais
pour les hyènes affamées.
Je dirai : je ne suis ni citoyen
ni réfugié.
Je désire une seule chose, nulle autre,
une seule chose,
une mort simple, paisible,
en un jour à ce jour pareil,
dans l'allée secrète des sambacs,
une mort qui me consolera,
un peu ou largement,
d'une vie que je recensais
en minutes
ou migrations.
Je désire une mort en ce jardin
ni plus ni moins ! » **


(*) extrait de « État de siège ».
(**) extrait de « Ne t'excuse pas ».

.
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Avant de commencer, je tiens à préciser que je ne souhaite pas prendre parti quant au conflit israélo-palestinien, je ne donne ici que mon avis d'humble lecteur qui souhaite partager une de ses découvertes littéraires ;-).

Mahmoud Darwich est un auteur que j'ai découvert bien malgré moi durant mes années d'étudiant, sur les bancs de l'école. Je ne connaissais alors pour ainsi dire rien de la littérature ou de la poésie du Moyen-Orient. Ce livre reste d'ailleurs à ce jour l'une de mes seules expériences dans le domaine, je dois l'admettre à ma grande honte. Mais tout d'abord un petit cours d'histoire s'impose afin de mieux comprendre l'auteur.

Mahmoud Darwich nait en Palestine en 1941. Lors de la fondation d'Israël en 1948, sa famille fuit au Liban avant de rentrer. Mahmoud Darwich s'aperçoit alors qu'il n'a plus de maison. Il est donc contraint de trouver un nouvel habitat. le jeune palestinien devient par la suite un opposant au régime israélien. Ses engagements et ses textes lui valent plusieurs emprisonnements, une assignation à résidence et plusieurs exils (entre autres).

Maintenant que nous connaissons un peu mieux l'homme, je propose de découvrir son oeuvre. Mahmoud Darwich se fait ici le poète de l'exil. Il reprend parfois l'histoire de la dépossession des territoires palestiniens par Israël, mais aussi de la manière dont les primo-américains se sont fait dérober leurs terres par les colons. Il reprend également la thématique religieuse à plusieurs reprises, comme pour indiquer le fait qu'il se fait déposséder de sa religion même. Ces poèmes se basent également sur une forme de quête identitaire. Qui sommes-nous lorsque nous sommes dépossédé de notre identité?

D'un point de vue purement esthétique, ces poèmes (bien que traduits d'une autre langue) sont particulièrement bien écrits, ils véhiculent avec brio les émotions du poète. le vocable est peu complexe, direct, pour un rendu des plus percutants. Un recueil de poèmes, en somme, que je ne peux que recommander.

PS: Si vous désirez en savoir plus sur Mahmoud Darwich, il existe un recueil d'entretiens, "La Palestine comme métaphore", qui devrait vous permettre de mieux comprendre son oeuvre.
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Jamais simple, jamais épurée, l'écriture de l'auteur se nourrit de formules lyriques très imagées et pas nécessairement intuitives : « Nos noms sont des arbres modelés dans la parole du dieu et oiseaux qui planent plus haut que les fusils » dit-il ainsi p.73 (extrait de Mémoire de l'homme rouge) et « L'ennemi qui prend le thé dans notre masure a une jument dans la forêt » p.137 (« Lorsqu'il s'éloigne »). le langage de Mahmoud Darwich n'est pas toujours évident à saisir et met ainsi d'autant plus en évidence les différences qu'il peut y avoir entre plusieurs cultures -en l'occurrence la culture arabe et la culture européenne.

La forme a également une place prépondérante dans la poésie de Mahmoud Darwich ; l'auteur écrit en effet en vers autant qu'en prose et n'hésite pas à jouer avec les sauts de ligne et la ponctuation pour donner un rythme très lancinant à ses poèmes, qui nous donne l'impression d'entendre le poète chanter en pleurant. Nourrie de formes poétiques arabo-andalouses traditionnelles comme le « mouwachah », la poésie de Mahmoud Darwich se présente sous une forme inédite -en tout cas pour ceux qui, comme moi, ne sont pas familiers avec la poésie et la littérature arabes.

Les mêmes thèmes reviennent enfin de manière redondante dans cette anthologie poétique. L'exil, la quête de son identité, la conquête et la guerre sont ainsi les principales thématiques explorées par Mahmoud Darwich. D'incalculables références sont faites à l'expulsion des arabes de l'Andalousie, à la difficile reconstruction de ces exilés et à la nostalgie d'une terre perdue, abandonnée. Autant de thématiques qui peuvent susciter beaucoup d'émotion puisqu'elles font appel à la sensibilité du lecteur, à son pouvoir d'imagination et à sa capacité d'empathie. Dans ce contexte, l'écriture et tout particulièrement la poésie apparaissent comme des activités salvatrices pour le poète, qui retrouve dans sa langue son identité, qui se l'approprie pour se réinventer et qui trouve dans les mots une nouvelle patrie.

Si j'ai beaucoup aimé lire cette Anthologie et découvrir l'univers de Mahmoud Darwich -qui a beaucoup de choses à nous raconter et à nous apprendre-, je dois admettre que l'opacité de certaines expressions et la densité de la langues m'ont parfois parues très lourdes. La lecture n'est pas fluide et j'ai trouvé la relecture de ces poèmes nécessaire à chaque fois. Il me semble que les textes de Mahmoud Darwich sont faits pour être découvert puis redécouverts, qu'on ne peut les saisir dans leur ensemble dès la première lecture mais qu'il faut au contraire prendre le temps de les comprendre et de se les approprier. Une belle découverte !
Lien : http://ulostcontrol.com/anth..
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Cette anthologie est écrite en français et en arabe et c'est très beau. La poésie de Mahmoud Darwich est magnifique pour raconter la fragilité humaine face à la violence du monde, la tragédie du peuple palestinien.
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Corps du poète

La poésie de Mahmoud Darwich regorge de sensualité et de tendresse humaine. Et cette merveilleuse anthologie, composée de poèmes s'étalant de 1992 à 2005, en porte le vibrant témoignage. Au coeur d'un siècle troublé et d'une existence soumise à des déracinements successifs, le poète palestinien a chanté l'exil et ses douleurs, la bêtise des guerres et cette eau-de-vie qu'est l'amour pour les femmes : mères, soeurs, amantes ; chacune avec la beauté et la plénitude de son mystère propre. La véritable patrie de Darwich fut la poésie, et "les fleurs d'amandier les paroles de son hymne national". Sa poésie est une pluie de roses et d'étoiles, un chant de l'âme pour couvrir le bruit meurtrier des balles.

© Thibault Marconnet
le 14 décembre 2015
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Vous, qui tenez sur les seuils, entrez
Et prenez avec nous le café arabe.
Vous pourriez vous sentir des humains, comme nous.
Vous, qui tenez sur les seuils,
Sortez de nos matins
Et nous serons rassurés d'être comme vous,
Des humains!
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Les violons pleurent avec les gitans qui partent pour l'Andalousie
Les violons pleurent les arabes qui sortent de l'Andalousie

Les violons pleurent un temps perdu qui ne reviendra pas
Les violons pleurent une patrie perdue qui peut-être reviendra
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Pour décrire les fleurs d'amandier

Pour décrire les fleurs d'amandier, l'encyclopédie
des fleurs et le dictionnaire
ne me sont d'aucune aide...
Les mots m'emporteront
vers les ficelles de la rhétorique
et la rhétorique blesse le sens
puis flatte sa blessure,
comme le mâle dictant à la femelle ses sentiments.
Comment les fleurs d'amandier
resplendiraient-elles
dans ma langue, moi l'écho ?
Transparentes comme un rire aquatique,
elles perlent de la pudeur de la rosée
sur les branches...
Légères, telle une phrase blanche mélodieuse...
Fragiles, telle une pensée fugace
ouverte sur nos doigts
et que nous consignons pour rien...
Denses, tel un vers
que les lettres ne peuvent transcrire.
Pour décrire les fleurs d'amandier,
j'ai besoin de visites
à l'inconscient qui me guident aux noms
d'un sentiment suspendu aux arbres.
Comment s'appellent-elles ?
Quel est le nom de cette chose
dans la poétique du rien ?
Pour ressentir la légèreté des mots,
j'ai besoin de traverser la pesanteur et les mots
lorsqu'ils deviennent ombre murmurante,
que je deviens eux et que, transparents blancs,
ils deviennent moi.
Ni patrie ni exil que les mots,
mais la passion du blanc
pour la description des fleurs d'amandier.
Ni neige ni coton. Qui sont-elles donc
dans leur dédain des choses et des noms ?
Si quelqu'un parvenait
à une brève description des fleurs d'amandier,
la brume se rétracterait des collines
et un peuple dirait à l'unisson :
Les voici,
les paroles de notre hymne national !
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Le cyprès s'est brisé

« Le cyprès n'est pas l'arbre mais le chagrin de l'arbre ; il n'a pas d'ombre car il n'est que l'ombre de l'arbre. »
BASSÂM HAJJÂR

Le cyprès s'est brisé comme un minaret
et il s'est endormi
en chemin sur l'ascèse de son ombre,
vert, sombre,
pareil à lui-même. Tout le monde est sauf.
Les voitures
sont passées, rapides, sur ses branches.
La poussière a recouvert
les vitres... Le cyprès s'est brisé mais
la colombe n'a pas quitté son nid déclaré
dans la maison voisine.
Deux oiseaux migrateurs ont survolé
ses environs et échangé quelques symboles.
Une femme a dit à sa voisine :
Dis, as-tu vu passer une tempête ?
Elle répondit : Non, ni un bulldozer...
Le cyprès
s'est brisé. Les passants sur ses débris ont dit :
Il en a eu assez d'être négligé,
il a sans doute vieilli
car il est grand
comme une girafe,
aussi vide de sens qu'un balai
et il n'ombrage pas les amoureux.
Un enfant a dit : Je le dessinais parfaitement,
sa silhouette est facile. Une fillette a dit :
Le ciel est incomplet
aujourd'hui que le cyprès s'est brisé.
Un jeune homme a dit :
Le ciel est complet
aujourd'hui que le cyprès s'est brisé.
Et moi, je me suis dit :
Nul mystère,
le cyprès s'est brisé, un point c'est tout.
Le cyprès s'est brisé !
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Ici, sur les pentes des collines, face au couchant
Et à la béance du temps,
Près des vergers à l'ombre coupée,
Tels les prisonniers,
Tels les chômeurs,
Nous cultivons l'espoir.
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Videos de Mahmoud Darwich (20) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mahmoud Darwich
Le 07 octobre 2007, le poète palestinien Mahmoud Darwich (en arabe : محمود درويش) lisait son poème “Pour décrire les fleurs d'amandier” au Théâtre de l'Odéon (Odéon - Théâtre de l'Europe). Traduction de l'arabe vers le français : Elias Sanbar. Lecture de la traduction française : Didier Sandre. Peinture : Vincent Van Gogh, “Amandier en fleurs”, 1890. “Pour décrire les fleurs d'amandier” :
Pour décrire les fleurs d'amandier, l'encyclopédie des fleurs et le dictionnaire ne me sont d'aucune aide... Les mots m'emporteront vers les ficelles de la rhétorique et la rhétorique blesse le sens puis flatte sa blessure, comme le mâle dictant à la femelle ses sentiments. Comment les fleurs d'amandier resplendiraient-elles dans ma langue, moi l'écho ? Transparentes comme un rire aquatique, elles perlent de la pudeur de la rosée sur les branches... Légères, telle une phrase blanche mélodieuse... Fragiles, telle une pensée fugace ouverte sur nos doigts et que nous consignons pour rien... Denses, tel un vers que les lettres ne peuvent transcrire. Pour décrire les fleurs d'amandier, j'ai besoin de visites à l'inconscient qui me guident aux noms d'un sentiment suspendu aux arbres. Comment s'appellent-elles ? Quel est le nom de cette chose dans la poétique du rien ? Pour ressentir la légèreté des mots, j'ai besoin de traverser la pesanteur et les mots lorsqu'ils deviennent ombre murmurante, que je deviens eux et que, transparents blancs, ils deviennent moi. Ni patrie ni exil que les mots, mais la passion du blanc pour la description des fleurs d'amandier. Ni neige ni coton. Qui sont-elles donc dans leur dédain des choses et des noms ? Si quelqu'un parvenait à une brève description des fleurs d'amandier, la brume se rétracterait des collines et un peuple dirait à l'unisson : Les voici, les paroles de notre hymne national !
Source : France Culture
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