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André Velter (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070326273
192 pages
Gallimard (22/03/1991)
4.21/5   24 notes
Résumé :
Poésie/Gallimard » est une collection au format poche de recueils poétiques français ou traduits. Chaque volume rassemble des textes déjà parus en édition courante - tantôt du catalogue Gallimard, tantôt du fonds d'autres éditeurs -, souvent enrichis d'une préface et d'un dossier documentaire inédits. Elégant viatique pour les amateurs de poésie, la collection offre des éditions de référence, pratiques et bon marché, pour les étudiants en lettres. Aujourd'hui dirigé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Riche découverte d'un homme nomade, poète de l'errance, de la liberté...

D'origine syrienne, ayant pris ensuite la nationalité libanaise, il s'est choisi le nom d'Adonis à vingt ans...une divinité d'origine orientale, comme lui. De son héritage arabe, il tirera son souffle personnel, dégagé des carcans religieux.

Ce recueil réunissant des poèmes écrits entre 1957 et 1990 est à l'image de son auteur: débridé, incantatoire, inspiré. Le poète est au coeur du monde, il marche inlassablement, il respire la poussière des villes, il engrange des visions, il boit la lumière.

" vis lumineux crée un poème et va
accrois l'espace de la terre"...

La marche, si elle symbolise l'ouverture, est aussi synonyme de révolte :

" pour dire la vérité
change tes pas
prépare-toi à devenir un incendie"

Au profond de sa poésie s'exprime un homme ivre d'idéal, entre lucidité un peu désespérée et recherche du rêve.

" La poésie est son propre chemin, son unique but. Elle est le monde". C'est tout à fait ce que l'on ressent en lisant ce recueil vibrant , élan de vie .
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Il n'est pas si facile d'entrer dans la poésie d'Adonis. Retracer quelques étapes de son parcours n'est pas inutile pour la compréhension des poèmes.
Né Ali Ahmad Saïd Esber, à Lattaquié en Syrie, il prend le pseudonyme d'Adonis en 1950 lors de ses études de lettres à Damas. Par là il jette un pont entre la culture et la culture grecque et européenne. de façon de plus en plus nette, il distingue culture arabe et culture islamique. Installé à Beyrouth en 1956, il effectue plusieurs séjours à Paris, à New York et ailleurs. En 1986, alors que la guerre civile fait toujours rage, il quitte le Liban pour s'établir à Paris. Dès lors sa poésie prendra les teintes de l'exil. En plus de la publication de ses poésies, Adonis est l'auteur d'études d'anthologie sur la littérature et la culture arabes.
Le recueil Mémoire du vent est un choix de poèmes de diverses époques. La difficulté vient de d'abord de l'usage d'images entrechoquées qui ne fait pas toujours immédiatement sens pour le lecteur occidental. Ensuite, les références ne nous sont pas familières. Il vaut mieux s'informer un peu sur la littérature et la philosophie arabe pour mieux comprendre ses textes. Enfin, peu à peu, Adonis adopte la posture de prophète, assume un rôle cosmique à la première personne qui peut nous paraître étrange. Il faut donc lire et relire, patiemment, se renseigner sur les références et alors s'ouvre un paysage singulier où le désert n'est pas toujours là on l'on pense, où la littérature est la vraie religion, où l'homme s'accomplit dans son expérience douloureuse du monde et la transmute en beauté. Voilà une belle aventure que je recommande chaleureusement.
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Il s'agit d'un choix de poèmes, parus entre 1957 et 1990, ce qui exclut les poèmes des vingt dernières années.

Ce qui frappe d'emblée, c'est la diversité des textes proposés. Dans la forme, on trouve des poèmes en prose, en vers, de types différents. Mais cette diversité concerne aussi les thématiques, les références. Des références antiques, des références à la culture arabe, islamique ou non, mais aussi des références à la poésie occidentale. Il y a une grande sensualité dans certains poèmes, certains exaltent les beautés de sa région d'origine, d'autres sont des poèmes de souffrance et de révolte, notamment en lien avec la guerre. Il y a un rejet quasiment viscéral de New-York et au-délà de tout ce que cette ville symbolise.

Adonis semble à la fois être en mesure de rendre compte de la réalité, du monde tel qu'il est, mais aussi de rechercher une forme de spiritualité, qui ne peut être assimilée à la religion. La lourdeur, le poids du réel, parfois écrasant, peuvent quelquefois être allégés par l'imagination, le souvenir, pour arriver à la beauté. Même s'il faut aussi dire ce qui est.

C'est une poésie magnifique, d'une grande inventivité et sensibilité, maîtrisée dans les formes, mais aussi pleine de sens. Douloureuse souvent, comme l'a été la vie de l'auteur, de sa Syrie natal, du Liban dont il a pris la nationalité avant d'en être chassé par la guerre. Mais par moments étonnement lumineuse et rayonnante.
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"L'abîme m'a appris que nous ne pouvons comprendre un problème que par l'intermédiaire d'un autre problème et à travers lui, comme si l'homme n'avançait pas en allant de l'obscur à la lumière, ainsi qu'on le pense, mais en se dirigeant vers une autre sorte d'obscur, moins épais. Cette différence entre deux obscurité, nous l'appelons lumière."

Amusant comme il prend l'exact chemin opposé des "illuministes" néo-platoniciens et surtout du Sohrawardi pour qui tout est lumières mais avec une différence de graduation dans leur puissance au fur et à mesure qu'elles s'engendrent de leur source. de même "cette différence entre deux obscurités, nous l'appelons lumière" rappelle la définition du barzakh par Ibn Arabî comme "une séparation idéale entre deux choses voisines, qui jamais n'empiètent l'une sur l'autre; c'est, par exemple, la limite qui sépare la zone d'ombre et la zone éclairée par le soleil." Mais Ibn Arabî ne dit pas que le barzakh est ombre ou soleil mais justement cette imperceptible et pourtant permanente frontière entre les deux, alors que Sohrawardî voit le barzakh comme l'écran de la matière barrant l'accès à la lumière ou l'opacifiant. C'est alors qu'Adonis fait un éloge de l'obscurité, dans une irréductible opposition à la lumière plotinienne, des avicenniens ou des autres "émanatistes" et "illuministes" et "ishraqiyun" :

Lien : http://vitanova.blogspot.com..
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Recueil de poèmes d'Adonis. Rien de statique dans la pensée, dans les mots du poète. La marche dans tous les sens du terme. Ce poète nomade s'attache à traduire la mémoire ancestrale de la nature des hommes et des choses.
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Citations et extraits (68) Voir plus Ajouter une citation
Les arbres se plaisent à écouter l'espace.
Ainsi l'arbre colle-t-il son oreille
à la poitrine du vent.
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Mon corps est mon pays

1

Dans mes veines dans mes cendres vient l’éveil,
je me lève, le monde est une maison autour de mon visage,
chaque fleur est poème.
L’histoire vacille comme une proie
l’histoire se fait plus vive –
quel feu as-tu éteint,
lequel as-tu ravivé, ô Mihyar ?

- Je suis descendu dans un minaret
je me suis mis dans une guitare
où chaque corde saignait sa blessure ouverte,
la vie était un tapis aux marches du palais
l’histoire une guenille emportée par l’Euphrate,
tout ce que ciel et terre comptent d’oiseaux se changeait
en fruits mûrs,
mon visage est passé dans le visage de la rue
dans celui des cavaliers, dans celui des remparts,
temps serré contre les hommes comme une touffe de laine
et mosquée dressée immobile
pour que dérive la nature et l’espace
ou que revienne l’appel à la prière.
Quelqu’un dit : - J’ai lu Platon,
j’ai percé à jour tout ce qui sera :
la maîtresse des palais est une régisseuse,
le croissant de lune est un régisseur
qui loge dans une échoppe
qui naît et meurt entre ses jambes…

Le déluge a commencé
l’estuaire s’est enlisé dans l’invisible –
Kassaïoun devenu fleuve
sous Barada va un chemin
pour l’ermite Bouhaïrah,
la parole s’est peuplée d’arbres
les pas s’inventent une nostalgie
Allah frissonne comme une houle
dans les maisons.
L’histoire a commencé
et nous, nous avons commencé –
ô acteur caché, ô notre grand soufi
nous voici en partance
et Allah sait quand serons de retour,
car si demeure la nuit
si demeure le soleil
nous ignorons ce qu’adviendra de Kassaïoun –
de Kassaïoun prophète jaune,
et que sera la dernière scène
ô croissant du Ghouta, ô notre grand soufi.
Je crie au fond d’un corridor
d’une citadelle de cendres –
je suis devenu blessure au corps de la citadelle,
nuage enlaçant la terrasse et l’auvent,
je crie du fond d’un corridor :
je hais la terre pareille à une perle jetée
dans un trou de cristal,
je rêve aux frontières, aux pays sans fins comme la mer
et voués à l’amour,
le badigeon de toute barrière est servitude
lèpre solaire et mutisme
pesanteur froide dans le corps de l’homme.

2

Tu m’as posé une question ?
Meurs d’abord ou flambe telle une blessure,
descends dans mes cendres et demande…
Tu me demandes quel est mon pays ?
Mon corps est mon pays.
Qui es-tu ? As-tu convoyé le galop des étoiles,
as-tu dévalé le cours des torrents,
es-tu fleur éclose aux lèvres du mur ?
As-tu revêtu les ailes d’un papillon,
es-tu allé te cacher au-dedans d’un rocher,
as-tu ouvert ta paume,
fait un lit du soleil,
es-tu devenu le murmure d’une forêt,
as-tu entendu le tocsin des montagnes
sonner au cou d’un nuage ?
Qui es-tu ? Ah ! Ha !... Une fois on était,
une fois on s’en est allé :
tu es l’esclave de la route, une guenille sur la route,
tu es cimetière, tu es habitude…
moi je suis découverte, conquête,
il y a sous mes cils un espace de chevaux fantômes –
les plantes, les fleurs, les rivières, les plaines
sont des chevaux fantômes
et les hennissements : des blessures,
et les montagnes sont pleines de tentations murmurées.

Avec mes échelles j’ai tissé des ailes à la patience,
j’ai enlacé la source, la perle blanche et les miroirs :
ô vous les arbres des jours, de quel soleil
vous êtes-vous vêtus sous mon tropique,
ô vous les arbres du vertige ?
Et j’ai dit, voici notre feu, voici l’emblème de la fraternité.
Ce temps décharné est pareil à la corne d’un taureau
qui meurt, et la prophétie –
ô pauvres de ce monde, la prophétie est pauvreté,
pauvreté avec l’espace pour commencement.

… « Accompagne-le, étoile des questions,
enseigne-lui l’ouragan et la chute vers le haut… »
Je ne possède que mon visage et mon sang
et n’ai de nostalgie qu’au brasero des rêves…
« Es-tu rentré dans ton trou ? Qui es-tu ?
Ah ! Ha !... une fois… meurs d’abord. »
Je suis né sous le manteau du prophète,
mon visage est le feu d’une épouse qui rêve :
« Comment tombent les épées, comment le soldat
revient-il ?... »
Mon visage est comme un astre
qui étreint la vie, la mort, les choses inanimées.
Je rêve au nom de l’herbe
quand le pain devient enfer,
quand les feuilles sèches en leur ancien livre
deviennent cité de terreur,
je rêve au nom de la glaise
pour abolir les ruines, recouvrir le temps,
pour appeler le secours du souffle premier
récupérer ma flûte première
et changer la parole.

Après les cendres de l’univers,
le rêve est la couleur et l’arc de la couleur,
il secoue ce temps qui dort dans l’épaisseur du givre,
muet comme un clou,
et le verse comme une urne
et l’abandonne au feu, à l’instant bondissant
du germe des âges et de l’avancée des enfants –
des enfants qui sèment le grain pur
et portent l’étincelle, la lumière.

Je me suis lavé les mains de ma vie
fragile comme un papillon,
j’ai réconcilié l’éternité et l’éphémère
pour déserter les jours, pour accueillir les jours,
les pétrir comme du pain, les purifier des rouilles
de l’histoire et de la parole,
pour me glisser dans leurs châles
comme une chaleur ou un symbole,
car il est dans mon sang une éternité de captive,
une éternité d’expiation colportée par ma mort
et autour de ma face une civilisation en agonie.

Me voilà pareil au fleuve
et je ne sais comment en tenir les rivages
moi qui ne sais rien excepté la source
l’errance où vient le soleil comme magique herbe noire
où se cabre le soleil comme une jument rouge
voyante du bonheur du malheur, devin ou lion
ou aigle qui dort comme un collier
au front de l’éternité.

(p. 85-89)
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Comment marcher vers moi-même,
vers mon peuple
Avec mon sang en feu et mon histoire en ruines

Soutenez-moi
J'ai dans ma poitrine un incendie, des fifres
montagnes, vignes, distances
corps rampants des âges
étoiles
Miroirs sont les chroniques
Miroirs brisés les civilisations

Non, laissez-moi – j'entends des voix
chanter dans mes cendres
Je les vois cheminer
comme les enfants de mon pays

Extrait du poème "La Perle".
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Après que le poème eut déchiré le vêtement des jours
j'invitai le vent et lui montrai la voie
pour que ses doigts se fassent
aiguilles
et qu'il couse l'espace avec les restes du temps.
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Le charmeur de poussière

J'AI LIVRÉ MES JOURS


J'ai livré mes jours à un abîme
qui monte et descend sous mon attelage
J'ai creusé ma sépulture dans mes yeux

Maître des ombres, je leur donne ma nature
Hier je leur ai donné ma langue
et j'ai pleuré pour l'histoire vaincue
qui trébuche sur mes lèvres
pour la terreur dont les arbres verts
ont brûlé dans mes poumons

Maître des ombres, je les frappe
je les mène avec mon sang, avec ma voix

Le soleil est une alouette
à qui j'ai tendu mes collets
Le vent est mon chapeau.

p.50-51
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Videos de Adonis (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Adonis
http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/... Lors de l'émission “Cultures d'Islam” diffusée sur France Culture le 04 avril 2014, Abdelwahab Meddeb s'entretenait avec le poète et critique littéraire syrien, Adonis. Adonis (en arabe : أدونيس) est le pseudonyme d'Ali Ahmed Saïd Esber (علي أحمد سعيد), poète et critique littéraire syrien d'expression arabe et française né le 1er janvier 1930. Son pseudonyme se réfère au dieu d'origine phénicienne, symbole du renouveau cyclique. À 84 ans, le doyen des poètes arabes, qui publie depuis 1947, continue de cheminer sur la voie de la rébellion et de la radicalité fondatrices de son œuvre.
Bibliographie Adonis : “Printemps arabes, Religion et Révolution”, La Différence, 2014 “Le Livre”, tome I et II, Le Seuil éd., 2010 et 2013 (ces deux oeuvres sont traduites de l'arabe) Invité : Adonis, poète
“Cultures d’Islam” participe à la levée d’une méconnaissance pour que les références islamiques circulent dans le sens commun et, d’une façon plus ouverte, moderne et polyphonique, approche l’Islam en tant que phénomène de civilisation. Abdelwahab Meddeb, le producteur de “Cultures d'Islam”, s'est éteint dans la nuit du 5 au 6 novembre 2014. Abdelwahab Meddeb était romancier, essayiste, scénariste, traducteur et poète, et il était devenu au fil des années l'une des voix marquantes de France Culture.
Thèmes : Idées| Civilisation| Poésie| Religion| Société| Printemps Arabe| Adonis
Sources : France Culture et Wikipédia
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