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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce court roman d'Erri de Luca rappelle la puissance de son écriture, forme de poésie explorant les tréfonds de la réalité. Construit en deux parties, ce texte s'intéresse d'abord au traducteur puis à la fille du criminel. Ces deux êtes portent une part de l'Histoire et sont en quête des mots, vecteurs d'une meilleure compréhension du monde. le traducteur est obsédé par ce que révèlent les mots quand la jeune femme est marquée par le silence qui a caché le passé de son père, les mots qui n'ont jamais été prononcés. le traducteur est en quête de vérité et la femme de réalité. Les mots sont alors, dans l'histoire et dans la manière de De Luca, une sorte de lumière. Leur choix est soigné et en aucun cas anodin. Ainsi les paragraphes concernant le choix d'Isaac Bashevis Singer de faire varier la fin de son roman, La famille Moskat, selon son lectorat (yiddish ou non) sont absolument passionnants. Dans la version yiddish, c'est une fin pleine d'espoir. Dans la seconde, complètement désespérée. De Luca place, au coeur de son roman, le pouvoir révélateur et libérateur des mots. Attentif au monde et à la nature, Erri de Luca compose un roman bouleversant où se mêlent les création de la nature et la littérature. A cette union, symbole d'un rapport au monde généreux et humaniste, se pose le criminel de guerre, personnage jamais caricatural. L'auteur l'aborde comme un serviteur zélé dont la perception de la réalité passe par les mots, mais ceux des ordres. le devoir, l'aveuglement de l'obéissance et l'oubli des autres habitent ce vieil homme. La négation de la réalité semble marquer la vie de cet homme et par conséquent celle de sa fille, victime collatérale. Cette position face au monde, ce non-rapport aux autres apportent une dimension tragique au texte.
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Un roman étonnant avec deux narrateurs.
Le premier est Erri de Luca lui-même, qui nous relate son apprentissage du yiddish et le jour où, plongé dans sa traduction, il est assis près d'un père et sa fille dans un restaurant de montagne. Après une visite du ghetto de Varsovie reconstruit et à Auschwitz-Birkenau, il a décidé d'apprendre le yiddish pour traduire en italien les textes juifs peu connus, en mémoire de ces onze millions de personnes qui le parlaient dans les pays de l'Est avant la Seconde Guerre mondiale.
Le second est la fille en question : lorsque sa mère décide de partir refaire sa vie, elle découvre, à 20 ans, que son grand-père est en fait son père ET un criminel de guerre nazi. Ayant changé de nom, il vit clandestinement. Horrifiée par cette nouvelle, la jeune fille décide de ne pas avoir d'enfant et se fait opérer. La jeune femme reste pourtant avec son père, qui est persuadé d'être recherché par les chasseurs de nazis. Lui est facteur, notamment pour le centre Wiesenthal juste à côté de chez lui et parle à voix basse, discrètement, pour ne pas se faire remarquer. Elle pose en tant que modèle pour les peintres des Beaux-Arts, une statue muette.
Lors de cette brève rencontre au restaurant, le père entend l'auteur prononcer un mot en yiddish et se croit repéré. Il se suicide alors au volant de sa voiture en sautant dans un ravin … avec sa fille.
Le tort du soldat étant d'avoir perdu la guerre, le père n'a aucun remords, aucune culpabilité …
Un petit livre, très dense pourtant. Une très belle écriture faite de sous- entendus, de ressentis.
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Un opus trés bref mais d'une intensité ... De Luca est un auteur honteusement méconnu alors qu'il parvient ici en quelques dizaines de pages à un sommet de littérature . C'est intelligent , puissant , remarquablement construit . On entre danscette histoire et on ne peut plus s'arréter tellement le niveau de l'art littéraire de cet auteur génial est haut . C'est un trés trés grand moment d'art tout court , que chacun devrait prendre le temps de découvrir .
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"Il torto del soldato" Feltrinelli aprile 2012.
Je voulais rentrer la version italienne puisque c'est celle que j'ai lue, mais Babelio me le met automatiquement en français. C'est un peu contrariant.

Inutile que je présente les personnages et le décor. C'est déjà fait par les autres lecteurs.

Voici un petit livre de 78 pages,composé de mots spécifiques qui cachent des significations importantes.
C'est une histoire aux multiples lectures, un récit qui captive et fait réfléchir sur la guerre, sur les mensonges et les demi-vérités, sur le fait que L Histoire est écrite par les vainqueurs.
Plusieurs questions sont soulevées:
_la langue yiddish possède-t-elle sa grammaire des signes qui peuvent donner à lire les événements et le destin?
_où finit le territoire de la justice dans la vie d'un soldat?
Elle est mince la ligne qui sépare la gloire et l'héroïsme des vainqueurs de la condamnation des vaincus;
Le tort du soldat est de perdre la guerre, parce que la victoire justifie tout , à l'inverse de la défaite.
La jeune femme présent L Histoire selon deux points de vues : celui de son père autrichien et le sien, celui de la fille qui demeure extérieure aux événements passées.
Elle met en évidence les rapports vieux père et fille. Une fille qui ne veut pas être celle d'un criminel de guerre.

J'ai aimé et j'apprécie de ne rien perdre de la beauté du texte d'origine.
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Deux récits sur la barbarie nazie reliés par une rencontre fortuite dans une auberge près du mont Stoconi.
L'écrivain a appris le yiddish pour que cette langue et cette culture ne tombent pas dans l'oubli. Il se rend sur les lieux d'internement et du génocide pour traduire en mots cette inhumanité.
Après une escalade en montagne, il rencontre une jeune femme et son père, un criminel nazi.
La jeune femme à son tour raconte : son enfance, faite de fuites, de mensonges, de silence; son adolescence et ses découvertes du corps, de ses sensations de légèreté ressenties grâce notamment à un jeune homme sourd et muet.
Dans une langue à la fois simple et recherchée, Erri de Luca met en place 2 récits émouvants, profonds et efficaces. Il donne l'impression au lecteur d'être lui aussi un transmetteur de sagesse et d'érudition.
A lire, relire, faire lire ce texte qui devrait plaire aussi à de jeunes lecteurs.
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Ce court roman met en scène le romancier et un couple étrange composé d'un vieux monsieur et d'une jeune femme. La rencontre des trois protagonistes est un moment très éphémère dans la salle d'une pension au pied des Dolomites.
L'auteur raconte d'abord sa vision du couple installé dans la salle, la beauté de la femme, son sourire, son trouble, puis la replongée dans ses pensées studieuses autour de traductions en yiddish, activité qu'il chérit particulièrement.
Le jeune femme, que l'on découvre être la fille du vieux Monsieur intervient ensuite, elle raconte d'abord sa vie, sa mère, son père, sa place très singulière de fille d'un homme assez particulier qui à la fin de sa vie trouve au hasard d'une lettre portée dans un centre culturel (il est facteur) une forme de rédemption dans la lecture de la kabbale.
Le fin du roman revient comme une boucle qui se referme, sur l'entrevue fugace dans l'auberge dolomitaine, cette fois du point de vue de la jeune femme.
Ce court roman est, une fois encore, un exercice de style parfaitement réussit. De Luca parvient en quelques lignes, sans emphase, à présenter les plus grands drames humains, les pires angoisses, et à laisser dans le même temps le lecteur faire ses choix, se plonger ou pas dans les nécessaires interrogations.
J'ai aimé les métaphores, le symbolisme et l'immersion très réussie de l'écrivain dans la psychologie féminine.
J'ai aimé son rapport avec l'eau, j'ai aime qu'une fois encore (il avait commencé dans Montedidio) qu'il décrive l'amour physique comme une "nage" entre deux eaux, entre deux corps.
Sans avoir l'étoffe de "Trois chevaux", ce petit roman est une nouvelle pépite littéraire que je recommande vivement.
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J'avais apprécié cet auteur voici dix ans déjà à la lecture du « Noyau d'olive » ; quelle force et quelle exigence ! Je le redécouvre toujours aussi fortement engagé et parfois passionné lorsqu'il s'agit d'intervenir pour défendre la nature ou plus encore une communauté comme citoyen. Et pourtant son engagement s'affine et devient par la même encore plus mystérieux et plus puissant à la fois ! Comme il l'a dit lors d'une interview, « J'écris pour rendre présents ceux qui ne sont plus là » et à la dernière page de ce bref récit p. 88, il prend rendez-vous avec le destin. Une lecture tout à la fois puissante et réservée. Un vrai bonheur de lecture d'un auteur qui connaît beaucoup de langues dont l'hébreu. JP.
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Erri de luca nous raconte deux histoires, :
celle d'un homme amoureux de la langue yddish, " le yiddish a été mon éntêtement" , une maison d'édition lui propose de traduire des textes pour en faire un recueil des oeuvres de Singer, il nous rappelle une partie de cette vilaine guerre et la destruction du peuple juif.
et celle d'une jeune femme qu vit avec son père. Longtemps elle a cru que son père était son grand père, celui-ci criminel de guerre nazi a changé de nom et de traits, jamais elle ne saura son vrai nom, mais elle vit avec lui par devoir. Cet homme ne voulait pas reconnaître la responsabilité de ses actes et il fuyait " la majeure partie de sa vie, mon père a regardé derrière lui"
ce livre nous incite au travail de mémoire, de nous responsabilités.à souvent ignorer l'autre.
Les paragraphes sont courts et percutants, on a envie de continuer, continuer pour "savoir" ce morceau de vie.
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Il y avait donc un Erri de Luca que je n'avais pas lu...
Lors de ma dernière récolte à La Librairie du Channel / Actes Sud, après avoir discuté avec ma charmante libraire du Erri de Luca, paru quelques semaines plus tôt, « le tour de l'oie », j'ai acheté sa dernière parution « Europe, mes mises à feu », puis je me suis trouvé ébahi devant un livre de la collection folio écrit par lui en 2012 "Le tort du soldat".
Je ne le connaissais pas.
J'ai attendu pour lire car je ne sais lire cet auteur qui parle directement à mes sens, à mon coeur que lorsque je peux complètement m'y abandonner.

J'avais un besoin vital de respirer, je savais qu'Erri était très engagé, d'une humanité sans borne, d'une empathie envers les rejetés, concerné (j'aime ce mot) par les drames de notre époque, par cette « mare nostrum » cimetière de notre temps.
« La Méditerranée est le laboratoire le plus intensif de transformation de corps humains en plancton. Aujourd'hui, les corps des êtres humains sont entrés dans le cycle alimentaire, à travers les poissons, les marchés, les cuisines. »
Qu'il « déplore une Europe qui s'imagine verrouillée pour vieillir dans son hospice de luxe ».
Déjà et encore là aussi cette fascination pour les vers d'Yitskhok Katzenelson, ce poète yiddish qui écrivit un long poème « le chant du peuple juif assassiné » de 800 vers et l'enfouit entre les racines d'un arbre au camp d'internement de Vittel où il se trouvait « parce que les combattants du ghetto de Varsovie l'avaient fait sortir avec de faux papiers ».
Après la guerre, une femme, une ancienne prisonnière, creuse et récupère ces vers qu'Erri a traduit.
Je savais, mais j'ai quand même été happé par la lecture, fracassé par ses mots, sur nos maux.
Je n'ai pas ouvert « La mort du soldat » tout de suite, mon cerveau n'était pas libre, encombré qu'il était par mes colères.
Toujours mes colères, mes indignations, à cela aucun remède.
Le temps peut-être.
Parfois elles me laissent un peu désespéré sur le bord du chemin et je peux de nouveau m'adonner tout entier à la lecture.
Alors je suis passé par d'autres livres achetés, comme « les nouveaux anarchistes » de Francis Dupuis-Déri, l'auteur/chercheur canadien « spécialiste » (je déteste ce mot) de l'histoire de l'anarchie, ou encore le numéro 4 de « La revue Lundimatin papier » consacré aux gilets jaunes.
Le temps s'écoulait, j'attendais pour lire « le tort du soldat ».
Patiemment.
Et pourtant lire un Erri de Luca me rend fébrile dès que j'ouvre un nouvel opus. La magie fonctionne toujours, m'arrêtant souvent au cours de ma lecture, je me répète des phrases entières pendant de longues minutes, je fais rouler les mots dans ma bouche, mon cerveau vagabonde avec lui, avec sa profondeur, avec sa poésie.
Je l'ai ouvert aujourd'hui.
J'ai retrouvé entre les pages, ses mots sur le ghetto de Varsovie, sur les vers de Katzenelson, sur l'histoire de son apprentissage de la langue Yiddish. Sur son travail de traduction du « di Familie Mushkat » le roman d'Israel Joshua Singer.
Erri dit « le Yiddish a été mon entêtement de colère et de réponse. Une langue n'est pas morte si un seul homme au monde peut encore l'agiter entre son palais et ses dents, la lire, la marmonner, l'accompagner sur un instrument à cordes. »
Et puis, j'aime la montagne, mais pas comme Erri, je suis incapable de la gravir, sa présence m'apaise, j'y vois l'écoulement lent du temps.
Erri dit « Escalader est le plus lent déplacement du corps humain. le poids sur chaque prise est une syllabe pensée, en gagnant des centimètres.

Le point de départ de ce livre est une rencontre, ou plutôt une proximité dans un restaurant.

Petite parenthèse liminaire.
Au moment de la lecture, cela m'a rappelé ce qui nous est arrivé un jour de 2014 à La Gaccily où nous visitions le festival photo. le midi, nous déjeunions à la terrasse d'une brasserie, face à l'entrée des jardins. A la table à côté, bien que n'écoutant pas, nous entendions deux jeunes femmes parler et, dans la même phrase parfois, alterner français et allemand. Très surpris, sans le vouloir nos oreilles étaient attirées par les voix de ces deux femmes, nous avons appris plus tard que c'étaient la mère et la fille, Laurence et Liza, la maman née en Bretagne mais vivant depuis son mariage je crois, en Autriche, et la fille, autrichienne, qui essayait son français.
Une très belle rencontre, très émouvante de deux très belles personnes, rencontre dont je garde le souvenir très présent, ainsi qu'une petite proximité. Nous suivons nos parcours (enfin, moi surtout) et ne désespérons pas de nous revoir un jour...
Refermons cette parenthèse.

Ma rencontre fut plus heureuse que celle d'Erri.
Car le montagnard rugueux traducteur de Yiddish par devoir de mémoire croise le chemin d'un criminel de guerre nazi et de sa fille...
A partir de cette rencontre, le livre est écrit à la première personne du féminin singulier.
Erri n'a pas pour habitude de s'exprimer ainsi, se mettant à la place de l'un de ses personnage féminin pour raconter une autre histoire.
A partir de cette rencontre, c'est elle qui parlera, cette fille de criminel nazi qui ne se voit qu'un seul tort, « le seul tort du soldat, c'est la défaite ».
Je ne vais pas raconter plus.
C'est le livre d'Erri qui m'a le plus troublé, un livre sombre, profond. La barbarie nazie non pas racontée, mais évaluée à hauteur d'homme, à hauteur d'un criminel qui n'en conçoit aucune honte et raconté froidement par sa fille qui ne se sent pas concernée par cette hérédité, elle qui a « reçu un père en héritage du temps précédent ».
Elle qui accepte d'être sa fille.
Cette fille qui croit voir en ce montagnard rencontré dans une auberge, un souvenir d'enfance.

Une réflexion.

Pas celle d'Hanna Harrendt, Erri nous laisse avec des questions
Si la poésie d'Erri se retrouve dans la première partie, je crois qu'elle est complètement absente de la seconde, comme si cette fille ne pouvait être un être à part entière.

J'ai terminé la lecture en quelques heures (j'ai l'impression que ce ne furent que des minutes!) ...
18 avr. 2019 à 19:51
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Un roman fort comme tous les livres d'Erri de Luca qui amène à réfléchir justement sur la question suivante, Un soldat doit-il réfléchir et en a t-il le droit ? le tout soutenu comme toujours chez Erri de Luca par une fort belle écriture ... et un portrait bouleversant de femme ou plutôt devrais-je dire de fille meurtrie par le passé de son père...
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