« Quand le vent soulève les coiffes – Tome 2 – Les Demoiselles du Yahndawa »
de
Béatrix Delarue et
Lorraine Lapointe
Collection Hors Temps – éditions Ex Æquo
Des sources bibliographiques très nombreuses, en France et au Québec, ont servi de socle à cet ouvrage historique romancé de
Béatrix Delarue et
Lorraine Lapointe. Il fait écho au 1er tome, « les Orphelines du Roy Soleil » centré sur l'Hospice de la Salpêtrière à Paris, tandis que cette deuxième partie développe les aventures de nos héroïnes en Nouvelle France.
1670, en apprentissage, Marguerite et Madeleine, alors qu'elles rêvent de liberté, sont choisies pour partir dans le Nouveau-Monde. le voyage durera presque trois mois dans des conditions difficiles. Des amitiés solides se tissent au coeur des vents et des tempêtes. Elles admirent le dur labeur incessant de l'équipage sur les eaux tumultueuses de l'océan.
Puis…
Le Yahndawa qui dans le nouveau monde veut dire « Fleuve qui marche » !
La rivière, aux flots gris perlés, les emporte sur les traces des peuples d'ici, dans le Nionwentsïo (merveilleux territoire) de la Nation Huronne-Wendat.
Et nous retrouvons intact le talent des auteures, qui nous ont fait tant rêver et admirer ce voyage tumultueux traversant l'Océan pour parvenir jusqu'aux terres sauvages du Québec !
Si courageuses ces jeunes filles, héroïnes de cette saga, à braver les dangers ! Force, détermination, endurance étaient les qualités nécessaires : l'amitié est venue sceller leur destin. le vent de la liberté soulève les coiffes de Marguerite, de Madeleine et de leurs amies, embarquez dans l'aventure !
Québec, été 1670 – les filles cherchent un mari… les plus audacieuses se rendront aux Trois-Rivières, lieu réputé pour les activités de traite des fourrures. En ce 21 août 1670, des soldats gardent la grande salle préparée pour une première série de rencontres entre les nombreux prétendants et les nouvelles arrivées. Les habitants attendent les belles de France… à condition de signer un contrat de mariage selon la loi de l'intendant
Jean-Talon.
Tous ces prétendants feraient-ils des époux fiables ? Car on raconte des histoires selon lesquelles certains seraient bien volages… Comme ce Jacques peut-être avec qui Marguerite Berthier a signé trop vite son contrat de mariage ?
Île d'Orléans, 15 septembre 1670
« Madeleine va se marier
Dans une barque s'embarquer
Sur le grand fleuve naviguer
Pour de belles noces convoler »
Ce serait une dure séparation, elle quitterait celle avec qui elle avait grandi, sa soeur de coeur, son amie des beaux et mauvais jours. Marguerite ne l'accompagnerait plus de sa flûte. Alors Madeleine regarde déjà avec admiration Nicolas du Poitou qui lui montre la rade, l'Île d'Orléans, endroit de leur future demeure. Nicolas, a la réputation d'être homme honnête et bon : Madeleine devrait faire un beau mariage.
Quant à rudesse des conditions de vie et du climat en Nouvelle France :
« On n'aurait jamais dû faire venir une enfant si fragile ! »
Marthe ne passera pas l'hiver de Nouvelle-France.
Marguerite est animée d'une meilleure santé, d'une grande force de caractère, elle ne rechigne jamais à la tâche, propose ses services pour aider et adore les longues promenades dans la campagne. Bien qu'elle ne trouve pas d'époux elle pourra travailler grâce au certificat rédigé par les Ursulines. Elle avait commencé à Paris son apprentissage d'apothicaire auprès de soeur Flavia. Elle poursuivra sa formation chez les Hospitalières et les Ursulines en Nouvelle France. Marguerite pourra aussi étudier l'herboristerie pour compléter ses connaissances.
Heureusement qu'
Anne Gasnier, veuve la cinquantaine, veille sur ces jeunes filles envoyées par
Le Roy, leur offre l'hospitalité le temps qu'elles trouvent un mari ou un travail. Les travaux ce n'est pas ce qui manque dans cette campagne du Québec :
« Préparer le très long hiver, la conservation des denrées, la paille et le foin pour l'hivernement des bestiaux. La fin de la période de navigation approche, les habitants se dépêchent de régler leurs obligations. »
L'apothicaire Soeur Judith, malgré son grand âge, va et vient, nommant les plantes et explique à Marguerite leur utilité. Judith fait venir régulièrement des graines de France, d'autres lui proviennent de ses amis Hurons.
Marguerite, comme plus jeune dans le Jardin du Roy, goûte à la plénitude de l'instant, savoure l'immense chance d'avoir travail, respect et logis sous la protection de sa tutrice, elle veut offrir le meilleur. Marguerite respire en paix, l'âme légère, reprend confiance. La tâche de l'apothicaire est importante : avec l'approvisionnement, elle prépare pansements, onguents et remèdes, note les températures et signes vitaux des malades.
Quant à Madeleine, elle commence sa vie maritale avec Nicolas.
Les hommes eux, connaissent une aventure différente avec ces périples le long de la rivière Jacques Cartier jusqu'au Lac
Saint-Jean. Trois compagnons, François, Charles et Andicha laissent les chiens et le traîneau à la ferme puis remontent en canot. Dans les comptoirs, après les rituelles séances de troc avec les Indiens, ils participent aux réjouissances avec eux, le plaisir des danses, chants et festins. Hurons et Montagnais peuplaient ces régions.
« Il y eut cet automne flamboyant, puis l'hiver arriva d'un coup. le pays se métamorphose. le grand fleuve luit tel un miroir. Les multiples lames de vent semblent le polir. »
Ce deuxième tome abonde de cette poésie naturelle : atout supplémentaire de ce roman qui nous conduit sur les traces de ces explorateurs venus de France se confronter à la beauté sauvage poudrée de neige puis glacée par les vents.
L'hiver transfigurait les paysages :
« Le fleuve Saint-Laurent inspirait les esprits, transportant les histoires et les flammes de la cheminée les attisaient ! »
Puis des nouvelles sur l'avenir de ses protégées,
Anne Gasnier annonce :
– J'ai le plaisir de vous informer du mariage de Perrette et Georgette au trente de ce mois. Ce sera un double mariage à Québec, à Notre-Dame. Elles épouseront, l'une, un riche marchand de vin et l'autre, un charretier de confiance, de la rue du Sault-au-Matelot. Je vous prie de les féliciter. Levez-vous mesdemoiselles.
D'autres tribulations : lorsque Charles, sur la rivière Jacques Cartier, est attaqué par un carcajou, un « kuekuatsheu » comme on dit en langue huronne. Alors François, fidèle compagnon de Charles, abat l'animal car Charles avait perdu beaucoup de sang. Et comme François, ne pouvant trouver aucun médecin, il fait appel à Marguerite. La jeune femme utilise alors « ses médecines », cataplasme de moutarde d'huile camphrée et de baume, en attendant que le chirurgien termine le travail et recouse les chairs. Peu de temps près Charles est sauvé, bientôt il pourra marcher et courir tel un lièvre.
Et l'on suit pas à pas la ronde des saisons, le long hier canadien avec sa rudesse et sa magie conjointes, ses longs silences et sa délivrance à la fin du mois d'avril. Et la grossesse de Madeleine durant cette période était bien difficile à porter mais l'enfant conçu avec Nicolas naquit avant son terme au 31 août. Il fut baptisé le jour même par le missionnaire Morel de passage à Québec. Si le premier né ne put survivre, en revanche la lignée sera nombreuse.
Merci aux auteures pour ce voyage enchanteur au coeur du nouveau monde : leur talent d'historiennes et de poètes conte l'écume de ces journées au Québec avec rigueur et fantaisie, panache et passion : Bravo !