Pedigree et autres romans

Les Trois Crimes permet, à l'instar de Pedigree, d'identifier dans la masse de romans ce que Marie-Paule Boutry a joliment nommé « l'autobiographie en éclats » de Simenon : détails en apparence insignifiants, micro-scènes ou images récurrentes dont le caractère autobiographique serait autrement passé inaperçu et qui permettent de mesure le travail d'élaboration fictionnelle entrepris par l'auteur à partir de ce matériau puisé à même sa vie et ses souvenirs. Ensuite, si Pedigree relate l'enfance, et avec elle la formation d'une sensibilité et d'un rapport au monde qui imprégnera toute l'œuvre romanesque, Les Trois Crimes s'attarde sur une période décisive de la vie de Simenon, celle de la fin de l'adolescence et du passage à l'âge adulte, à travers une série d'expériences que l'ont peut sans excès qualifier de fondatrices : la peur de l'insuccès, la tentation de la bohème ou de la révolte anarchiste, la possibilité de la dérive vers le monde interlope de la nuit ou au contraire l'engourdissement dans une vie médiocre, autant de voies possibles entre lesquelles Simenon s'est construit, tout en les mettant en scène dans nombre de ses romans, avec d'infimes variantes qui en attestent le caractère obsédant. 
(Les trois crimes de mes amis - Notice - Page 1510)