La lecture d'
Écritures carnassières m'avait beaucoup secouée surtout par la franchise du propos et la qualité de la plume qui est très particulière. Une plume écorchée, sèche avec une pointe de poésie qui achève de fendre le coeur du lecteur.
Morsures de nuit est un miscellanées, entre témoignages, rêveries cauchemardesques, souvenirs et introspection.
J'ai trouvé ce texte plus difficile à lire que le précédent. Il a fallu encaisser les coups portés par les mots. La plume y est toujours aussi belle, le récit encore plus direct. C'est cru, avec un rappel au corps et à ses exigences, très prononcé. Si Ervé nous relate les errements de l'âme il nous relate aussi ceux du corps. Un corps détruit par des années de maltraitance, de négligence. Quand l'âme et le coeur sont en souffrance et que rien ne semble pouvoir les apaiser, elles entraînent le corps par le fond, comme pour harmoniser le tout. Une auto destruction généralisée, à coup de drogues, d'alcool, de ruminations. Ces textes ,nés d'une nuit qui semble éternelle, sont dépouillés d'espoir. Un constat, un état des lieux, sans embellie, juste la vérité crue. Une mise à nue qui n'épargne ni le lecteur ni l'auteur. Il faut du courage pour écrire comme ça.
Derrière les mots on ressent la détresse de ne pouvoir vivre autrement, de ne pas savoir faire mieux, de ne pas avoir appris à vivre. Ne pas avoir guérit des blessures d'enfance, ne pas avoir pu empêcher d'autres blessures. Peut-on mourir d'avoir le coeur avide d'amour ? Peut-on mourir d'aimer trop pour aimer bien ?
Ervé nous rappelle que derrière chaque homme ou femme saoul, effondré sur un banc ou à un coin de rue, drogué, affamé, … il y a une personne, une âme en souffrance, des rêves brisés, quelqu'un qui ne sait pas vivre avec ses semblables, mais qui voudrait tellement avoir le mode d'emploi du monsieur tout le monde. Pouvoir jeter ses forces dans un combat qui aboutirai à un espoir d'avenir, au lieu de passer son temps à survivre. Pouvoir laisser tomber le masque, baisser la garde.
Une vie d'errance. Épuisante pour l'esprit, pour le corps. Vie choisie ? Vie subie ? Un peu des deux sûrement.
J'ai parfois dû arrêter ma lecture. Parce que c'est dense, intense, bouleversant et parce qu'il y a comme une fatalité. Il y a une véritable souffrance que rien ne semble pouvoir apaiser et un faussé d'incompréhension avec le reste de la société. Un faussé qui ne fait qu'enfoncer le couteau dans la plaie. Je tourne la dernière page avec un sentiment de tristesse infini, de gâchis et d'injustice. Comme une colère d'enfant qui m'étreint le coeur.
« A la différence de l'eau, la tristesse et la colère ne s'évaporent pas ».