Ferrari Jérôme - «
Variétés de la mort», publié en 2001 chez Albiana, réédité en 2014 chez Babel (ISBN 978-2-330-03725-3) - recueil de neuf nouvelles.
Une lecture salissante, avilissante, même si la quatrième de couverture prétend que l'intention de l'auteur consiste à «dénoncer» ceci ou cela, ce qui est bien difficile à croire, mais bon… Je n'avais acquis ce livre qu'en raison de mes précédentes lectures du "Sermon sur la chute de Rome" (publié en 2012) puis "
Un dieu un animal" (publié en 2009) qui m'avaient relativement plu.
Selon la page de garde de l'éditeur, il s'agirait ici du tout premier recueil publié par
Jérôme Ferrari, des textes écrits donc avant 2001, alors que l'auteur (né en 1968) avait à peine trente ans, voire moins. Qu'un auteur de cet âge se délecte de représentations aussi morbides, salaces et nihilistes (dégradants pour la gent féminine, confinée entre «pétasse» et «putasse») a déjà de quoi étonner, qu'il prenne la peine de formuler "ça" (pas d'autre mot possible) en mobilisant ses indéniables talents d'écriture littéraire surprend davantage, mais qu'un petit éditeur puis un éditeur connu prennent la peine de publier ce torrent d'ordures dépasse l'entendement, sauf à soupçonner l'éditeur connu de vouloir à tout prix vendre du Ferrari.
Il se trouve que – pendant cette lecture – j'étais occupé à revoir de près une partie de mon fonds d'étude sur
Proust. Toute personne connaissant un tant soit peu la "Recherche" sait combien
Proust y descend sans concession aucune dans les turpitudes, noirceurs et dépravations de l'être humain, mais avec au moins deux différences par rapport à nos contemporains se vautrant dans la fange :
- d'abord la présentation chez
Proust d'êtres d'une prodigieuse humanité (Françoise bien sûr, mais aussi ce portrait de la grand-mère du narrateur, et de sa mort – l'une des pages les plus bouleversantes de
Proust – devant laquelle cessent les singeries mondaines du Guermantes),
- ensuite le recours au tact, à l'élégance du sous-entendu, à la métaphore allusive, bref, ce qu'il était usuel de nommer "pudeur" il n'y a pas si longtemps, avant que ce terme ne perde tout contenu par le biais de la «ringardisation» systématique.
A la différence des
Houellebecq et Despentes se complaisant dans les égouts et immondices, il est toutefois possible de créditer
Jérôme Ferrari d'une montée vers une certaine rédemption, le «Sermon sur la chute de Rome» étant fort éloigné du cloaque ici présenté : tout espoir n'est donc pas perdu.
De même qu'il me semble inutile de publier « les mémoires d'un jeune Don Juan » d'
Apollinaire, il me paraît tout autant regrettable de lire ce recueil putride de Ferrari. Tant qu'à faire, le lecteur en viendrait presque à préférer
Modiano, c'est tout dire.
Lectrice, passe ton chemin…