Carlos Fuentes est l'archétype du latin volage. Il se définit lui-même comme un Don Juan. Il ne cache pas ses infidélités à sa femme, Luisa, une superbe métisse indienne, dont il est toujours épris. Ecrivain et diplomate mexicain, il fréquente les milieux intellectuels et artistiques internationaux. Il a eu une liaison avec
Jeanne Moreau.
Dans son roman autobiographique,
Diane ou la chasseresse solitaire, il revient sur le coup de foudre qui l'a précipité dans les bras de
Jean Seberg en 1970, alors qu'elle était l'épouse de
Romain Gary. Elle tournait au Mexique à cette période.
Carlos Fuentes a changé son nom. Elle est Diane Soren dans le roman, mais on entend clairement la voix de
Jean Seberg, avec son délicieux accent, à travers les mots de l'auteur. Elle est telle qu'on a pu la voir dans A bout de souffle. Les chapitres sont courts. le récit est plein de vie, avec beaucoup de dialogues, d'échanges, et de descriptions détaillées qui y apportent une authenticité flagrante. Il y a aussi beaucoup d'émotion.
Carlos Fuentes l'explique bien lui-même, l'écriture, et la mémoire qu'elle sollicite, est un moyen de redonner vie à un moment passé. C'est aussi la mise en oeuvre d'une réflexion à posteriori, avec les remords et les regrets que cela suppose.
L'auteur situe le récit dans son contexte socio-politique. Les révolutions soixante-huitardes sont encore toutes récentes. La liberté sexuelle est affichée. Alors que les Stones chantent" I can't get no satisfaction",
Carlos Fuentes se reconnaît dans cet hymne, lui qui est un Don Juan à jamais insatisfait.
Le roman a une dimension tragique, toutefois. le nom de Diane fait écho à la mythologie, d'une part. L'apparition de l'actrice à une soirée de nouvel an, précédée d'une explosion de ballons, est d'autre part très théâtrale.
Carlos Fuentes suggère ainsi ce que la rencontre provoque en lui. Il y
aura plus loin l'apparition de
Clint Eastwood, en photo, qui tel une statue de commandeur rappelle à l'auteur les menaces qui planent sur son idylle. Il y a évidemment un retour à la tragédie en fin de récit.
L'écriture de
Carlos Fuentes laisse place à beaucoup de poésie, mais aussi à une grande sensualité. Non seulement dans les ébats amoureux décrits ( les passages virent à la pornographie ), il y a par ailleurs un savoureux passage où l'auteur évoque non sans humour la qualité du papier anglosaxon en des termes très sensuels.
Publié en 1994, l'ouvrage comporte, au détour du récit, une réflexion encore d'actualité.
Carlos Fuentes y rappelle la condition d'immigrés des premiers américains, dont les descendants chassent aujourd'hui les mexicains qui tentent de passer la frontière pour immigrer eux aussi aux Etats Unis.
L'auteur remonte l'histoire américaine et interroge l'innocence du pays. Il a vis à vis du pouvoir une posture distante et même provocatrice.
Lucide, il l'est aussi sur sa relation avec Diane. Il est bien conscient de son aspect éphémère, qui lui apporte d'autant plus d'intensité. La rupture inévitable va se produire malgré tout.
Carlos Fuentes n'assiste pas à la dérive de Diane dans l'alcool et la drogue, après son lynchage politique orchestré par le FBI. La fin du récit n'en est pas moins crue, et abrupte.