Entrer dans des maisons inconnues

A travers vingt courtes anecdotes savoureuses, Christian Garcin partage le quotidien de vingt écrivains et poètes illustres du XXème siècle.
Il entre dans leur vie , le temps de partager un riz au parmesan avec Apollinaire ,chez lui,au 202 du boulevard Saint-Germain,de déjeuner avec Pessoa dans un restaurant de la rua dos Douradores,discutant sur la réalité de l'existence, d'entrevoir la jeune Emily Dickinson chez son père, d'observer le jeune Mishima au gymnase où ils s'entraînent ensemble, d'embarquer avec Conrad pour explorer des terres inconnues....
Ces rencontres imaginaires , nourries de références et détails réels ,presque invisibles, sur leur œuvres,leurs pensées et leurs vies personnelles, avec l'écriture simple et légère de Garcin, nous donnent la sensation de côtoyer le plus naturellement possible ces figures mythiques de la Litterature,nous les rendant vivants,humains....et nous donnant envie de les relire ou les découvrir,car certains d'entre eux, je ne les connaissais pas, comme Eugenio Montale, Felisberto Hernàndez, Carlos Williams, Henri Thomas.
Un plaisir de lecture pour tout amateur de livres !

Très belle découverte que ce titre dont je ne connaissais ni l'auteur, ni l'éditeur.
Entrer dans des maisons inconnues est le passe- temps favori du poète et musicien Felisberto Hernandez présenté dans l'une des nouvelles de ce recueil. C'est selon lui tout à fait comparable à l'entrée dans l'univers d'un écrivain.
Christian Garcin dresse sur plus d'un siècle de 1842 à 1987 des portraits courts d'écrivains et poètes. Chaque fois le narrateur est un proche dont on sait peu de chose sinon qu'il était là… du coup, ces portraits prennent l'aspect d'esquisses voire d'instantanés de la vie de ces hommes : 3 ou 4 pages parfois moins y suffisent à l'auteur car Garcin use de la métonymie à chaque fois. Un élément prendra la place du tout : il peut s'agir d'un objet (la veste de Faulkner…), d'une attitude (le rire de Bernhard), un trait physique (Hedayat dans le miroir…) et les voilà révélés au lecteur. Contrairement à ce que cela laisse entendre, ces gestes quotidiens, ces corps observés et décrits ne nous disent pas la similitude ou la banalité avec le commun des hommes mais plutôt l'acuité du regard, l'étrangeté, la bizarrerie ou la présence au monde qui caractérise les poètes.
Un vrai plaisir de lecture dans une langue juste et délicate.

Karine (Poissy)

Qui est la personne derrière le livre? Cet être inconnu, caché derrière un nom, derrière une voix qui depuis le papier peut nous divertir, nous consoler, nous instruire et tant d'autres choses encore ? J'ai toujours aimé découvrir des détails sur les auteurs que je lis - j'ai pour certains d'entre eux une tendresse étonnante, car après tout ils me sont inconnus, parfois je n'ai
qu'une très vague idée de leur identité (genre, nationalité, apparence?); lire est pour moi une rencontre intellectuelle et émotionnelle, intime, avec un parfait étranger dont la voix me transporte.
Quoi de plus naturel alors, malgré la peur de briser la magie, que de vouloir donner une épaisseur à cette voix, de tenter d'y raccrocher une image ? Christian Garcin nous présente quelques-uns de ces humains à la fois lointains et familiers, à travers des instantanés de vie, des témoignages de narrateurs anonymes qui lèvent un peu le voile sur le vrai visage
des illustres. On les aperçoit brièvement dans les situations les plus banales qui soient (buvant un café, discutant avec des amis...) et en même temps très significatives.
Le tout avec cette plume propre à Garcin, que j'ai découvert avec "Le Vol du Pigeon Voyageur" et dont je ne me lasse pas. Pour moi, ce livre est un généreux partage, une découverte d'auteurs "in situ" et une déclaration d'amour à la littérature. Je suis heureuse d'avoir pu "rencontrer" les auteurs en question par le biais du recueil, d'autant que je n'en connaissais que
deux ou trois, et encore, de nom ! Ce fut un peu comme une séance de tourisme dans la bibliothèque d'un voisin...