Courte nouvelle post-apocalyptique qui joue, comme souvent, sur l'inversion de valeurs pour mettre en avant son propos. Dans
le peuple du grand chariot, il n'y a pas de nouveaux groupes sociaux, simplement des anciens qui s'accrochent à leurs habitudes, espoirs et héritages. Figés.
L'action se déroule après La grande guerre incendiaire (guerre nucléaire) ayant anéanti "la civilisation telle que nous la connaissions". S'il est une chose que la (science)fiction nous a appris, c'est que lorsque le monde change brusquement, les inadaptés, les marginaux d'hier, ont toujours leur carte à jouer.
C'est la civilisation occidentale, technicienne, industrialisée et légaliste qui n'est plus. Cette civilisation qui reposait sur des infrastructures physiques et morales complexes, des systèmes d'administration et d'organisation artificiels, étendus à une masse d'individus sans liens réels. Une civilisation aux telles complexités que la consignation et la compartimentation des savoirs a rendu fragile aux contingences élémentaires. La régression technologique par l'impossibilité de coordination ou d'acquisition des savoirs anciens laisse les tenants du vieux monde hagards, mécaniques stupides s'attachant aux restes de modernité encore en état de fonctionner, fortement démunis lorsqu'ils lâchent.
Et, de l'autre, les Gitans. Exclus du monde d'avant, dépositaires des savoirs élémentaires (pratiques et techniques) à la grande vie - la survie confortable - résilients parce qu'adaptables, nouveaux seigneurs d'un monde en déshérence, apporteurs de solutions et dispensateurs de merveilles aux communautés de survivants, de gorgio.
Outre la critique implicite du nucléaire militaire post seconde guerre mondiale, Gresham brosse en creux ses craintes quant à la quête de progrès - immaîtrisé, déshumanisant - et évoque la disposition irrépressible des civilisations à grossir jusqu'à l'excès.
L'hubris des hommes de "la civilisation telle que nous la connaissions" a précipité la chute et compromis l'atterrissage. La sagesse des simples la remettra sur ses pieds. Ainsi le cycle pourra-t-il redémarrer ?