Dans l'Histoire du manga, il y a désormais un avant et un après "City Hall" car le scénariste Rémi Guérin et le dessinateur
Guillaume Lapeyre ont prouvé que des Français pouvaient faire aussi bien voire mieux que les Japonais. Mais les pauvres n'officient pas dans le bon pays, ce qui nous prive d'une série pérenne, d'une adaptation à la télévision qui aurait déchiré dans le Club Dorothée, de films, de jeux vidéo et de pelletés de produits dérivés. Car oui nous sommes en France, le 2e pays consommateurs de mangas et le 3e pays producteurs d'animation certes, mais qui s'avère trop souvent incapable de suivre d'autres voies que celles de la Disney Corporation…
Cools personnages !
On reprend, on modernise et on améliore le concept du duo entre l'intellectuel génial mais égotique et son acolyte un peu moins génial mais nettement plus sociable (qui a dit Sherlock Holmes et le Docteur Watson ? ^^), auquel on adjoint une femme d'action tête-brûlée… du coup le pauvre Arthur Conan Doyle est pris dans les tirs croisés des joutes verbales entre Jules Verne le machiste et Amélia Earhart la féministe ! Bref, on shonenise des archétypes de la culture populaire qui ont fait leur preuve sans tomber dans les travers du shonen mainstream… ^^
La galerie des guest stars est incroyable en plus d'être incroyablement fournie, mais je vous laisse le plaisir de la découverte…
Cool univers !
Uchronie et rétrofuturisme sont les maîtres mots d'un univers mélangeant allègrement XIXe et XXe siècles qui au fil des révélations glisse du steampunk de bon aloi vers l'arcanepunk des familles… Quel pied de voir Malcom X s'opposer à Abraham Lincoln, Mary Shelley affronter Harry Houdini, ou George Orwell lutter contre les complots du gouvernement…
Rapidement le grand secret nous est révélé… Nous sommes dans un monde post-apo sur lequel s'est abattu une chape de plomb orwellienne, et suite à une Library War mondiale la magie du papier a été abolie pour être remplacée par des machines… Car tout ce qui est écrit à la main sur du papier devient réalité, les fameux papercuts au coeur de la série, faisant des écrivains des super-héros ou des super-vilains en fonction de leur déontologie. Il y ceux qui veulent que la vérité éclate, et qui s'opposent sur les moyens pour y parvenir, et ceux qui veulent le secret reste bien gardé, et qui s'opposent sur les moyen pour y parvenir…
Cools thèmes !
On a certes une opposition entre autorités tenant de la technologie, et une résistance tenant de la magie qui doit aussi compter avec les terroristes comme Lord Blak Fowl qui veulent que la vérité éclate quoi qu'il puisse en coûter ou les complotistes utilisateur du kirigami qui veulent que le secret perdure pour exploiter la vérité à leur seul profit… Et quelle résistance : Victor Hugo, Guy de Maupassant, Maurice Leblanc, Agatha Christie, JRR Tolkien, C.S. Lewis et Edgar Allan Poe… La Ligue des gentlemen extraordinaires n'a plus qu'à bien se tenir !
Mais on aussi un dilemme de Frankenstein à grande échelle entres les créateurs et leurs créatures de papier, super-héros / super-vilains 2.0 qui en tant qu'homo superior aimeraient bien accéder à la place qu'ils estiment être la leur (X-Men forever ! ^^)… et bien d'autres trucs encore comme la lutte de Nikola Tesla pour trouver une énergie propre et éliminer pollution des grandes villes occidentales (IRL ce fut le premier à dénoncer les méfaits irréversibles du recours massif aux énergies fossiles : un grand homme que le génial inventeur serbo-américain)
Le rythme est trépidant, le scénario est touffu, soigné et inspiré, multipliant les dialogues bien troussés riches en citations littéraires, références populaires et private jokes (mais la formule a aussi ses défauts : quantité d'éléments aurait pu être développé ou à défauts mieux explicités). Les graphismes ne sont pas en reste : les dessins sont impeccables, les planches riches en détail et magnifiés par un découpage très dynamique donc très efficace. Les paysages urbains de Londres, Paris et New York ou les paysages psychédéliques du Monde à l'Envers de
Lewis Caroll sont magnifiquement dessinés (on a plus vu ça depuis Katsuhiro Ôtomo et
Masamune Shirow !), mais la grande force du manga vient sans doute de ses combats homériques : les affrontements entre Lord Black Fowl qui invoque des kaijûs à la "Evangelion" et
Jules Vernes qui invoque des mechas à la "Sakura Wars" sont géniaux ! Et je ne vous parle même pas de
H.P. Lovecraft qui se téléporte d'une dimension à l'autre avant d'invoquer des trous noirs ou des horreurs blasphématoires, ou
Guy de Maupassant qui se sert de son Horla comme d'un stand à la "JoJo's Bizarre Adventure"… Rhââ lovey comme on dit ! Mais pourquoi cela n'existe pas en animation ? POURQUOI ??? VDM
En raison des délais impartis, il y a une toute petite baisse de régime dans la saison 2 où Amelia change de charadesign et de garde-robe : elle est sans doute la 1ère héroïne de shonen dont le tour de poitrine diminue au fil des tomes… ^^
A plusieurs niveaux les habitués de la Planètes Manga sentiront l'héritage de "Deathnote", mais personnellement j'ai senti plus encore celui du Dreamnote de "Wingman" dont il est le détournement… blink
Tome 1 :
http://www.babelio.com/livres/Lapeyre-City-Hall-Tome-1/383379/critiques/1118341
Tome 2 :
http://www.babelio.com/livres/Lapeyre-City-Hall-Tome-2/420297/critiques/1118827
Tome 3 :
http://www.babelio.com/livres/Lapeyre-City-Hall-Tome-3/482210/critiques/1119288
Ces trois premiers tomes sont ici regroupés dans un sympathique coffret… Malgré des livres-objets réussis, accompagnés d'une page de garde intitulée « Oserez-vous la dédicace ? », pas sûr que les couvertures alternatives soient plus efficaces que les originales. A ces derniers a été ajouté un note book récapitulant citations et fiches personnages tout en étant truffé de goodies de bon aloi donc enjoy ! ^^