A la cool ! On est en été. Je voyage un peu. Je décide d'accompagner le voyage physique par un voyage dans les étoiles, à bord d'un navire torche déjà apprécié par plusieurs babéliopotes.
Un régal. Dans le monde de la science fiction, les romans de voyage dans l'espace qui respectent la relativité sont assez rares. Et j'avoue que je suis friand des effets de décalage temporel qu'ils induisent ; cela fait entrer la physique dans le coeur même de l'histoire. Mais le roman de
Robert Heinlein ne sacrifie pas l'aspect humain à l'aspect « curiosités de la physique relativiste » – comme j'en avais eu l'impression dans
Tau Zero de
Poul Anderson.
L'auteur part de l'hypothèse que les voyages spatiaux sont limités par la vitesse de la lumière. Il ajoute cependant une touche intéressante : les vrais jumeaux peuvent pratiquer entre eux une forme de télépathie et envoyer des messages instantanément. Donc en en plaçant un dans un vaisseau et en laissant son jumeau ou sa jumelle, la communication avec la Terre reste possible. L'Institut de Recherche Prospectives (l'IRP) lance donc l'exploration spatiale à grande échelle pour trouver des planètes hors du système solaire susceptibles d'accueillir des colons venus de la Terre surpeuplée.
Le roman est le journal de Tom, jumeau de Pat. Il nous raconte la sélection qu'ils subissent pour entrer dans le programme, les relations avec les parents peu disposés, le choix du jumeau qui doit partir et les multiples péripéties à bord du Lewis & Clark. le journal décrit superbement la psychologie de Tom, plutôt en retrait dans le duo qu'il forme avec Pat. Il est respectueux des règles mais accumule beaucoup de frustrations qui forment un inconscient particulièrement présent. Pat est beaucoup plus apte à jouer avec les règles et est certainement plus en paix avec lui-même, mais son complexe de supériorité par rapport à son frère me le rend moins sympathique. D'autres personnages, comme l'oncle de Tom et Pat ou « l'oncle Alf », valent le coup.
Evidemment la physique de ce roman m'a procuré bien du plaisir et m'a bien fait cogiter. Il m'est venu à l'esprit que la communication instantanée via deux jumeaux avait ses limites, car l'instantanéité ici ne permet pas de passer outre le décalage temporel relativiste : le jumeau resté sur Terre vieillit « plus vite » que celui qui voyage à une vitesse proche de celle de la lumière. La distance que peut parcourir le vaisseau en restant en communication est donc limitée par la durée de vie du jumeau « terrestre ».
Robert Heinlein en a conscience et propose des solutions qui m'ont bien plu.
Cette notion d'instantanéité qui respecte le décalage temporel de « l'émetteur » et du « récepteur » est un pur choix de l'auteur. Nouveau pour moi et donc fascinant (je parle comme Spock, lol). Dans la série Ender,
Orson Scott Card a fait un choix différent avec son ansible qui connecte émetteur et récepteur sans décalage temporel (ce qui maintient une forme de simultanéité entre des planètes éloignées). Dans
Tau Zero de
Poul Anderson ou
La guerre éternelle de
Joe Haldeman, cette communication instantanée n'existe pas.
Voilà donc un excellent roman avec des personnages intéressants, de bonnes péripéties et un contexte physique cool. Seule ombre au tableau : le quatrième de couverture qui dévoile lequel des deux jumeaux part et lequel reste, alors que le récit maintient un certain suspense sur ce sujet, pendant un temps.