Fils de prolétaire, Philippe Herbert, Arléa, 2022
« C'est au collège que je découvre que je suis
fils de prolétaires, cette épithète savant et peu flatteuse, me met peu à l'aise. » (p.51)
Voici pour les origines sociales de la famille. Reste à faire connaissance avec les membres qui composent la tribu familiale. C'est à la description de toutes les personnes qui constituent cette tribu que procède l'auteur. Une description à la fois littéraire, mais aussi photographique, et pour cause, Philipe Herbert est photographe, et Belge. Voilà pourquoi pour faire les portraits des différentes personnes, celui-ci fait appel à sa mémoire visuelle. Les détails sont dans les couleurs, les formes, la taille, les lieux, etc.
Dans cette galerie de portraits, il y a :
Alphonse le père. Marie la mère. Yves, le petit frère mort lors d'une fausse-couche. Pierre, le frère de la grand-mère et Gusta sa femme. Tante Julia, soeur de la mère. Camille, le mari de Julia qui ressemble à Elvis. Boule, la soeur de la grand-mère. Josette, la fille de Boule. Willy, le mari de Josette. Jacky, le fils de Josette et Willy. Oscar, le grand-père maternel. Voilà pour la famille, du moins si ma liste est correcte. Et puis, il y a aussi les amis Marc et Batty.
Ces personnes (personnages de son enfance), Philippe Herbert les replace dans un environnement social et culturel très typé des années 60 et 70 : le mobilier, l'habitation, les équipements électroménagers, les distractions, les loisirs, les vacances en France, etc. Mais aussi les petites maisons ouvrières, les cheminées des usines, les terrils. de cette environnement et de cette classe sociale, découle un mode de vie où la question existentielle se résume, d'une part, à une possession de biens matériels que la publicité signe comme un état de bonheur, et d'autre part, à se contenter de peu, car accéder au peu, c'est déjà en soi, réussir sa vie. le présent est magnifié. le passé est peu présent. Quant à l'avenir, on verra bien ce que demain nous réserve.
« Mes parents vivent un présent éternel sans aucune nostalgie de l'enfance marquée par la guerre, insouciants des vicissitudes de l'avenir. » (p.65)
C'est dans cet environnement familial, où sévit une certaine aridité affective, que l'auteur va passer son enfance et son adolescent. Dans un environnement où les repères d'une filiation culturelle sont peu nombreux. le jeune garçon va se construire entre ennui et hasard des rencontres que l'on peut faire à l'adolescence, à l'école, dans les bars, dans les soirées.
Philippe Herbert procède à un constat. Il n'y a chez lui ni jugement ni reproche adressé à ses parents. Ce qui fait qu'à la lecture de ce livre se dégage une émotion teintée de la nostalgie du temps de vie qui a défilé.
« Nous passons une grande partie de notre existence à nous différencier, à nous écarter de l'orbite familiale. Une longue ellipse se trace avant que nous revenions au point de départ. Point où il nous est donné de les rencontrer enfin, nos parents. » (p.78).
Immanquablement, ce style littéraire qui consiste à en écrire le moins possible tout en essayant d'aller à l'os, fait référence à des auteurs comme
Annie Ernaux dans «
La place » ou
Yves Ravey dans «
le drap ». Ce livre est du même acabit littéraire. C'est ce qui fait toute sa qualité.
Personnellement, j'ai beaucoup aimé ce récit court et dense, et cette manière de tenter de résumer des vies somme toute banales, tout en en restituant la consistance humaine.