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EAN : 9782073044228
Gallimard (04/01/2024)
3.16/5   34 notes
Résumé :
« Mon père était un homme d’une autre génération, aurait-on dit pour excuser sa misogynie ou son pédantisme, un homme dont les succès justifiaient l’arrogance, dont l’affabilité surprenait autant que la fureur, dont la tendresse excessive, baroque, totalement débridée, trahissait l’excentricité ou expliquait en partie l’attachement qu’il inspirait en dépit de ses abominables défauts. J’étais sa petite dernière, sa numéro huit, avait-il coutume de dire pour me présen... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Mon père et son père

Violaine Huisman rend hommage à son père Denis, décédé en 2021, ainsi qu'à son grand-père Georges dans ce roman qui retrace leur histoire, rappelle le destin tragique des familles juives dans la France occupée, et nous fait découvrir la naissance du festival de Cannes et le marketing associé à la philosophie.

Nous avions découvert Violaine Huisman en 2018 avec Fugitive parce que reine, le portrait sensible et délicat de sa mère. Poursuivant l'exploration de sa famille, elle se penche cette fois sur son père Denis, décédé le 2 février 2021 et celle de son grand-père Georges.
Après des décennies passées en Amérique, Violaine rentre au pays. «Je suis rentrée en France de crainte d'être loin de toi quand tu disparaîtrais.» Une crainte que la pandémie va raviver, mais finalement sa fille sera bien aux côtés de son père à l'heure où il rend son dernier souffle. Désormais, elle peut en dresser le portrait :
«L'outrance, le trop, le toujours plus, l'hubris a été ton mode opératoire, ton équilibre. Tu avais déjà cinquante ans quand je suis née, tu étais alors riche et célèbre, débordant d'activités, tu te distinguais par ta flamboyance et ta façon de n'être jamais parfaitement dans les clous. Ton énergie foutraque s'assortissait d'une rigueur intellectuelle sévère; à ta soif d'argent répondait une sainte horreur de la spéculation; et ainsi de suite. Tu incarnais la contradiction avec brio et flegmatisme. Pour décrire ta profession, tu t'autodésignais comme universitaire-homme d'affaires. le trait d'union devait suffire à expliquer ta double casquette. Tu étais à la fois professeur de philosophie et fondateur d'écoles qui avaient fait florès. Tu étais entrepreneur et enseignant, mais aussi auteur, directeur de collection, producteur d'émissions de télévision, père de huit enfants de quatre lits, ex-mari de trois femmes, et séducteur invétéré. À mes yeux, tu étais invincible, omnipotent ; tu étais ailleurs, trop grand, trop imposant, trop tout. Ta panse de bon vivant, mes bras ne parviendraient jamais à en faire le tour. Ton ventre était toujours plein d'un autre enfant, d'une autre histoire – de ceux, de celles qui m'avaient précédée.»
C'est donc sur les pas de cet homme qu'elle nous convie, parcourant le Paris des Trente Glorieuses et, ce faisant, explicite le titre du roman: «Mon père avait vécu, depuis sa naissance, comme au milieu d'une carte postale, dans un rayon de moins de trois kilomètres autour de la tour Eiffel. Petit garçon, il avait grandi au palais de l'Élysée, où son père avait été secrétaire d'État sous Paul Doumer. L'ancien président de la République était avant tout pour moi le nom d'une avenue du seizième arrondissement qui partait de la place du Trocadéro, ou plus précisément du palais de Chaillot dont mon grand-père avait supervisé la construction, en tant que directeur général des Beaux-Arts, face au salon de thé Carette, à l'angle opposé, entre l'avenue Kléber l'avenue Poincaré.»
C'est avec ce style classique, soucieux de trouver le mot juste et bien loin de l'hagiographie que l'on chemine aux côtés de cet homme qui a sûrement brûlé sa vie de peur de la perdre. En 1940, il est aux côtés de son père, à bord du Massilia, quand ce dernier décide de gagner Alger aux côtés de nombreuses personnalités et hauts fonctionnaires. Un paquebot qui finira par aborder à Casablanca, au milieu d'une foule hostile et vaudra à nombre de ses passagers un destin tragique. Car on traque les juifs, car on traque ceux qui entendent continuer le combat et ne pas rejoindre Pétain, considérés comme des traîtres.
Aussi bien durant sa vie professionnelle que privée, on sent ce besoin d'en faire toujours plus. Il se mariera trois fois, aura huit enfants – Violaine étant la petite-dernière – et passera notamment à la postérité pour la publication d'un manuel de philosophie qui a accompagné des milliers d'élèves. Mais il est aussi à l'origine de la création de nombreuses grandes écoles.
À ce portrait sans complaisance, mais avec beaucoup d'amour, vient s'ajouter en filigrane celui de sa mère – «aujourd'hui que j'ai atteint l'âge qu'aura éternellement maman au fond de mon coeur, je me surprends à retrouver ses mains en regardant les miennes, et la douleur qui me saisit alors déchire le réel d'un coup de griffe» – mais surtout celui de son grand-père Georges dont on se dit qu'il aura peut-être aussi un jour «son» roman, tant sa personnalité est riche. Créateur du Festival de Cannes, ce haut-fonctionnaire a aussi beaucoup fait pour la préservation du patrimoine et pour les beaux-arts. Il a notamment organisé la mise en lieu sûr d'oeuvres majeures lorsque l'Allemagne nazie a déferlé sur la France. Après l'épisode du Massilia, il parviendra à rester caché et à échapper aux rafles.
On l'aura compris, Violaine Huisman a réussi, une fois encore, en plongeant dans ses racines familiales, à nous raconter la France du siècle passé. Avec élégance, avec style, avec passion.


((Babelio – Lecteurs.com – Livraddict))
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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On s'en souvient encore fortement : venue d'un peu nulle part, Violaine Huisman nous avait épaté il y a six ans avec "Fugitive parce que reine", un roman bouleversant largement autobiographique.

Elle y rendait alors un vibrant hommage à sa mère, Catherine, une femme vraiment excessive que les médecins ont diagnostiqué comme "maniaco dépressive", à une époque où on de disait pas encore" bipolaire" pour qualifier ces individus qui alternent périodes d'euphories et séquences de grande dépression et auto apitoiement.

En cette rentrée de janvier 2024, c'est à son père Denis, décédé en 2021, ainsi qu'à son grand-père Georges dans ce roman qui retrace leur histoire, et nous fait découvrir la naissance du festival de Cannes et le marketing associé à la philosophie.

Un très beau récit sur les fardeaux et les fantômes d'une famille, sur L Histoire et le patrimoine culturel français et qui plonge le lecteur dans le destin tragique des familles juives dans la France occupée.

Violaine Huisman tisse un fil ténu mais solide entre l'intime et le collectif à travers le destin de cette famille et nous renseigne avec minutie et rigueur sur des pages d'histoire politique et culturelle de la France avant-guerre.


Lien : http://www.baz-art.org/viola..
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Violaine Huisman est la fille de Denis Huisman, écrivain, professeur, philosophe et homme d'affaires, et la petite-fille de Georges Huisman, haut fonctionnaire et homme politique sous la IIIe république.
C'est le destin de ces deux personnalités et leurs rapports familiaux qu'elle nous raconte ici.
Denis est un homme excessif, grand dévoreur de vie, séducteur et flambeur, et pourtant attachant.
Georges, le grand père, issu d'une modeste famille juive flamande, parviendra grâce à ses talents à accéder aux plus hautes fonctions de l'État, contribuant par exemple à la création du festival de Cannes. Il participera à "l'embellie" du Front populaire aux côtés du ministre Jean Zay, avant de se cacher pendant l'occupation.
En explorant les archives familiales, l'auteure s'efforce également de lever les zones d'ombre qui entourent ces deux personnages, en particulier celles qui concernent leurs vies intimes.
Écrit dans un style plutôt classique et très fluide, voilà un beau récit, d'une belle sensibilité, sur les rapports familiaux, la traversée d'un siècle tourmenté et le poids de l'Histoire sur une famille.
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Un homme, un personnage de roman?
Non un père aimé qui renaît de ses cendres sous la plume de sa fille Violaine Huisman.

Philosophe, enseignant, homme d'affaires, le portrait nous est livré sans concessions et est loin d'être plaisant.
Le regard d'une fille sous le regard d'un nonagénaire aux multiples destins qu'elle accompagne dans les derniers moments de sa vie.

Trouver le fil de ce qu'il fut, de ce qu'il vécut, de ce qu'il perçut, ressentit et dit ou ne dit pas.
Les chemins sont de traverse pour la fille qui tente de comprendre en s'immisçant dans une vie, pas n'importe laquelle, celle de ce père, une personnalité multiple.

Remontant les années, l'enfance et l'adolescence sont liées à un autre nom, celui de Georges Huisman, le grand-père, directeur général des Beaux-Arts, conseiller d'État, secrétaire général de l'Élysée (président : Paul Doumer). L'époque du front populaire (Léon Blum, Jean Zay, etc…), l'ambition d'ouverture à la culture, des noms : Erlanger et la rancune familiale notamment concernant le festival de Cannes dont Georges Huisman (qui en fut quelques années le président après-guerre) eut l'idée (avec d'autres). Les péripéties au Palais du festival avec les plaques commémoratives sont pitoyables.


C'est l'histoire et l'Histoire d'une époque qui se déroulent sous nos yeux jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
Depuis l'organisation de l'évacuation des oeuvres d'art en province jusqu'à l'épisode du Massilia puis le retour en France, les mesures abjectes prises par Vichy pour les juifs (judaité à la fois présente et absente dans cette famille) et la descente aux enfers de la famille Huisman en cette période, tout est évoqué.

L'après-guerre, la société change, évolue et oublie parfois ceux qui ont aidé à la construire. D'autres noms surgissent et occupent le devant de la politique.

Les relations privées et amoureuses des deux hommes défilent avec son cortège habituel.
Rien n'est caché, jusqu'à l'hygiène douteuse du père et certains comportements …

La dernière partie du livre nous ramène au contemporain et au vécu de l'auteure elle-même. Miroir et mise en abyme.

Un livre qui bouscule, étonne, choque parfois et donne le « la » d'une époque, d'un milieu, d'êtres excessifs et se termine par une délicate déclaration d'amour d'une fille à son père.


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Les monuments de Paris sont ce père et ce grand-père qui ont marqué l'histoire de leurs personnalités hors du commun.
Le premier, Denis, était un philosophe autodidacte, un brillant businessman, un homme à femmes, un monstre engendré par les trente glorieuses qui a pu susciter l'adoration autant que la détestation, et dont notre époque n'aurait fait qu'une bouchée (« L'outrance, le trop, le toujours plus, l'hubris a été ton mode opératoire, ton équilibre »). Un homme dont la richesse corrompt la générosité (« J'aurais voulu son amour immatériel, je l'aurais voulu pur, j'aurai voulu lui prouver à quel point j'étais désintéressée, insensibles aux transactions qui régissaient les liens qu'il tissait autour de lui »).
Le second, Georges, cet « esthète sincère », ce « petit juif parti de rien », est devenu un homme d'état. On lui doit la création du Festival de Cannes, le sauvetage épique des trésors du musée du Louvre ou l'audacieuse promotion des artistes avant-gardistes (« L'État mécène, pour faire son métier, devrait avoir trois budgets : celui de la charité, celui de la nouveauté et celui de la beauté »). Contemporain de Jean Zay et de Léon Blum, il fut, comme eux, humilié. Ce récit est aussi une manière de réhabiliter sa mémoire.
À la limite de l'hagiographie, ce livre est à la fois émouvant et instructif. On sent que l'auteure a une tendresse particulière pour son grand-père. L'admiration pour son père est mesurée, et pour cause, elle ne lui a jamais pardonné d'avoir négligé sa mère, bipolaire et merveilleuse, « Fugitive parce que reine » - titre du roman que j'avais préféré à celui-ci, moins enlevé, et confus par endroits.
Bilan : 🌹
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critiques presse (4)
LeMonde
12 février 2024
« Les Monuments de Paris », nouveau roman de l'écrivaine, clôt un triptyque dont la filiation est le thème central. Après sa mère, c'est ses père et grand-père qu'elle rappelle à notre souvenir.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
05 février 2024
Violaine Huisman aurait aussi pu choisir pour titre « Grand Seigneur », mais au pluriel. Car son dernier roman « les Monuments de Paris » évoque la disparition en 2021 de son père Denis Huisman, philosophe flamboyant, fondateur de l’Ecole française des Attachés de presse, beau parleur et séducteur, mais aussi son grand-père Georges Huisman, figure du Front populaire, directeur général des Beaux-Arts, auteur d’un livre sur les monuments de Paris.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LesEchos
31 janvier 2024
Plus de cinq ans après son excellent « Fugitive parce que reine », Violaine Huisman se tourne vers le côté paternel de son histoire familiale. Donnant une impressionnante profondeur aux figures de Georges et Denis Huisman, grand-père et père, elle signe avec « Les monuments de Paris » un texte éclatant d'amour et de souvenirs.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LaCroix
05 janvier 2024
Dans son troisième roman, Violaine Huisman se penche avec sincérité sur son histoire paternelle, interrogeant toutes les dimensions de la filiation.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Là on l’entend marmonner son courroux sous son inlassable moustache en pénétrant dans ces monuments du second Empire : ces « vandales » qui ont défiguré Paris ! Haussmann -le pire ce qu’on a appelé les « embellissements » de Paris n’est qu’un système générale d’armement contre l’émeute. l’Attila de la ligne droite !
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Cette rosette rouge sur le revers de ton veston intrigué énormément les enfants, toutes générations confondues. À quoi ça sert ? Te demandait-on à tour de rôle. À rien mon pauvre amour ! Strictement à rien, sinon à flatter la vanité des vieux croulants comme moi. Ou plutôt si, ça sert à une chose à partir du grade de grand officier, un vulgaire gendarme ne peut pas vous convoquer au poste, c’est le commissaire de police en personne qui doit se rendre à votre domicile pour vous arrêter. Je ne voyais pas en quoi ce privilège t’aurait été utile.
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Te voir avachi. devant la télé en plein après-midi me sidère est me brise le cœur. Je coupe le son. Merci, silence. Le reflet des images diapre les murs comme les vitraux d’une chapelle. Par la fenêtre, à gauche un rayon de soleil dessine autour de ta chevelure un halo d’or. En arrière-plan, des étagères de livres reliés en cuir châtain forme un paysage vallonné, des collines où se dressent en lettres scintillantes tes auteurs-phares.
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le rituel protocolaire des établissements étoilés t’emmerdait au plus haut point, mais tu en raffolais. Tu trouvais la nouvelle cuisine chichiteuse et ces portions mesquines. Quand un serveur entamait le récitatif des produits préparés dans ton assiette, tu accueillais sa sérénade en bâfranr avec une telle voracité que tu avais régulièrement fini avant qu’il ait conclu son cérémonial en nous souhaitant une bonne dégustation.
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Tu as la voix qui porte et le ton professoral ; où que tu sois tu donnes un coup magistral, y compris en tête à tête avec ton agonie. Tu peux de but en blanc déclamer un poème de Hugo ou une tirade de Corneille, en philosophie tu es incollable intarissable tu sembles avoir tout lu tout retenu(…)
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Vidéo de Violaine Huisman
"Mon père était un homme d'une autre génération, aurait-on dit pour excuser sa misogynie ou son pédantisme, un homme dont les succès justifiaient l'arrogance, dont l'affabilité surprenait autant que la fureur, dont la tendresse excessive, baroque, totalement débridée, trahissait l'excentricité ou expliquait en partie l'attachement qu'il inspirait en dépit de ses abominables défauts. J'étais sa petite dernière, sa numéro huit, avait-il coutume de dire pour me présenter dans le grand monde. Dans l'intimité, il m'appelait son petit ange."  Dans "Les monuments de Paris", Violaine Huisman offre une plongée émouvante dans l'histoire de sa famille. Après avoir exploré le personnage de sa mère dans "Fugitive parce que reine", elle se tourne maintenant vers celui de son père, un mélange fascinant de philosophe et de businessman, reflétant l'ère des Trente Glorieuses. Mais au-delà du portrait de cet iconoclaste attachant, l'autrice nous entraîne dans une enquête familiale captivante autour de son grand-père, Georges Huisman. Haut fonctionnaire juif, il a joué un rôle crucial dans la création du Festival de Cannes en 1939, avant de subir la traque pendant la Seconde Guerre mondiale. À travers une écriture empreinte d'émotion, Violaine Huisman conjugue la mémoire et l'histoire pour faire revivre des destins oubliés, offrant ainsi un récit poignant et poignant.
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