On le sait depuis longtemps, depuis toujours, on mourra seul. mais Pascal aurait pu ajouter : "On vivra seul". Car, mêmes juxtaposés, les êtres humains demeurent séparés par des cloisons qui, fussent-elles de verre, n'en sont pas moins étanches et infranchissables. On se voit, on se regarde, on se touche, on dort ensemble, mais le contact de deux épidermes ne peut rester que singulièrement superficiel. Atteint-on, au-delà de l'enveloppe, la personne, la vraie, le cœur, l'esprit, l'être ?
Ne plus pouvoir lire ou écrire est aujourd'hui une épreuve, surtout pour celui qui a passé sa vie dans les livres et la plume à la main. Il se trouve dès lors privé de toute source nouvelle d'information, il ne peut plus acquérir de connaissances, et se voit obligé de vivre sur son acquis et sur sa mémoire.
Notre savoir ne concerne que des surfaces, et ne touche que le dehors des choses. Le reste, l'intérieur, sans doute l'essentiel, nous échappe.
Je crois que c'est un exercice à la fois favorable à la vie physique, puisque à vrai dire, nous mangeons toujours trop et que sauter un repas une fois par semaine ne fait aucun mal, et aussi à la vie spirituelle, car après tout c'est une petite victoire, un petit signe que l'esprit est encore le patron à l'intérieur de l'organisme. (Théodore Monod)