Fleurs et couronnes, comme le titre d'un poème de
Prévert. Et désormais, pour moi comme pour les lecteurs de ce petit chef d'oeuvre, comme le titre de cet ouvrage d'
Ariane Chemin. Et puis, pour tous, malheureusement, comme les attributs du deuil dans lequel nous plonge la disparition d'un être cher ou moins cher, d'un être – toujours – respecté.
Cela n'a sans doute pas sa place ici mais le contexte m'y invite : Quelles fleurs ? Quelles couronnes pour ces corps que l'on ne retrouve pas ? Laissons là cependant le conjoncturel pour évoquer les
histoires et l'Histoire que nous offre la journaliste.
Elle nous apporte du ressenti, du vécu et du vivant, malgré la mort. C'est un livre qui conjugue avec justesse - outre les aspects historiques - des aspects documentaires, personnels et sensibles.
Sous les récits, les évocations qu'elle livre,
Ariane Chemin nous fait transparaître des destins. Destins parce que nous ne sommes bien entendu pas sans connaître les disparus – plus ou moins à vrai dire, d'
Alain Robbe-Grillet ou
Georges Marchais à Rafaël Kuderski ou
Maurice Kriegel-Valrimont. Mais aussi parce que ces enterrements, ces cérémonies qu'elle décrit, sont lourds de présences et d'absences remarquées, sont lourds de souffrance et de soulagement parfois. Des sept hommes qu'
Ariane Chemin enterre ici, on peut aussi dire la plus ou moindre absence : eux qui tiennent le premier rôle au moment de leur inhumation, sont-ils toujours vraiment là, au centre d'un balai plus ou moins bien orchestré par des personnages perplexes, perdus ?
Ariane Chemin fait de ces morts ses propres morts. Elle revient brièvement sur leur vie, en remontant le temps, en la développant à partir de ces gens qui honorent le disparu ou, justement, qui n'en prennent pas la peine.
Je ne m'étais jamais penchée sur la vie des autres en commençant par leur mort, et mieux, leur enterrement. Avec cette journaliste je découvre que c'est possible. Je découvre que l'enterrement est aussi vivant.
A la fin de cet ouvrage, très beau d'émotions, une question s'impose : aurais-je choisi les mêmes personnages ? Aurais-je élu les mêmes cérémonies ? Ces choix doivent sans aucun doute être le fruit d'une sensibilité : ils expriment une vision du monde. Si ce cimetière n'est pas un Panthéon, il révèle beaucoup de notre société. Il révèle moins les disparus que ceux qui restent. C'est là le plus douloureux.
Claire.
Rouen, le 5 juin 2009.
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