Hadewijch est une des premières à dégager le spirituel du religieux, la vie intérieure des croyances imposées, au risque d'évacuer bientôt le rôle du clergé et les prérogatives de l'Eglise. Toute religion s'appuie sur une assemblée humaine, elle est d'ordre collectif et encourage le nombre, tandis que l'aventure spirituelle est d'ordre privé, éminemment singulière et nécessairement solitaire.
Ces femmes (les béguines) apparaissent d'autant plus dangereuses pour l'ordre établi qu'elles ne sont ni incultes ni folles, malgré leur tempérament extatique et leurs propos enflammés. Outre sa langue natale, Hadewijch connaît le latin, le français, elle se nourrit des Ecritures -- les Psaumes, le Cantique des cantiques, l'Apocalypse de Jean courent à travers son oeuvre --, a lu attentivement Augustin d'Hippone, Bernard de Clairvaux, Guillaume de Saint-Thierry et Richard de Saint-Victor qui, chacun, à sa manière, ont parler de la démesure d'aimer, de la dignité et de la violence de l'Amour, des suaves embrassements divins. Mais sa nature altière et fougueuse, son coeur aventureux lui font apprécier également les poèmes savants des troubadours et des trouvères qui chante une Dame qui les tourmente et les ravit ainsi que les récits chevaleresques et courtois dans lesquels le héros se surpasse en des exploits dédiés à l'élue, sa souveraine.
Un jour elle est partie. Dans le parfum des fleurs, dans l'or du couchant ou dans un grand silence de neige. Etait-ce Pâques ou Pentecôte ? Etait-ce dans la touffeur de midi ou sous la caresse du ciel étoilé ?
On ne sait rien, que sa disparition. Discrète apothéose.
On ne sait pas si son beau corps a été enseveli, ni en quel endroit, s'il fût livré au vent, à l'onde, ni si quelqu'un a murmuré une prière sur sa tombe.
Dans une des dernières lettres du recueil, elle avertit sa "chère fille" : " Ne te demandes pas ce qui m'arrivera, si je serai errante dans le pays ou si je finirai en prison. Quoi qu'il arrivera, ce sera l'oeuvre de l'Amour."
Noblesse de la solitude, réservée aux âmes fières qui jamais n'acceptent la défaite ni la résignation, qui persistent dans la beauté même si personne ne les voit, même si tous se moquent et guettent leur chute. "Celui qui aime recherche la solitude pour aimer et posséder l'Amour", déclare la haute Dame. Plus elle avance et plus le paysage se dégage et se déploie, tantôt radieux et tantôt désolé, ample à donner le vertige.
Les plus belles fleurs flétrissent, hélas, et les oiseaux meurent. Ce qui reste intact, toujours jeune et juvénile, ce qui éclate dans les poèmes de la Béguine, ce qu'elle aime par-dessus tout, ce sont les floraisons et les envols. Les chants aussi. Nulle retombée, à peine de traces. Le pur jaillissement du coeur.
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Le Temps de la bonté : le livre de Tobit
Jacqueline Kelen
Éditions du Cerf
« À vrai dire, depuis des années, ce récit que l'on date du troisième siècle avant notre ère, ce livre me fait rêver, me questionne, m'enrichit. On a entendu parler de Tobit, père et fils. Il y a une histoire de poisson. On se souvient plus ou moins. Il y a le petit chien aussi qui fait partie de l'aventure. On se doute que ça finit bien. Peut-être que l'on sait que l'ange Raphaël qui est très présent dans le récit, puisque c'est le guide du jeune homme vers la lumière, vers la renaissance spirituelle... »
Jacqueline Kelen, pour la librairie La Procure
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