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EAN : 9782246828747
216 pages
Grasset (18/10/2023)
4.75/5   10 notes
Résumé :
« T’es en quête ! ». Voilà ce qu’un jour, sa meilleure amie lance à Dorothée Myriam Kellou. De quoi, elle l’ignore. Pourtant tous les indices sont là. Son apprentissage de la langue arabe, son parcours intellectuel, ses voyages, et le besoin de rappeler les origines algériennes de son père. Que sait-elle de sa jeunesse ? Peu de choses. Il l’invite donc à relire un projet de film qu’il lui avait adressé quelques années auparavant. Dorothée y découvre qu’en 1960, son... >Voir plus
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Nancy-Kabylie, de Dorothée-Myriam Kellou, chez Grasset
« Tu dis que t'es algérienne, mais tu ne parles pas arabe ! » Djibril est fier d'avoir cloué le bec de sa copine dans la cour de l'école, mais on ne serait pas surpris que Karim, Soufiane et Fayçal qui les entourent soient aussi touchés par la question.
Dorothée-Myriam Kellou est née à Nancy d'une mère parisienne et française et d'un père algérien et kabyle. Dans un récit jalonné de souvenirs précisément datés elle reconstitue le cheminement qu'elle a emprunté pour reconstituer ce que son ami Cateb appellera « la mémoire de l'oubli ».
Elle a obtenu d'apprendre l'arabe au cours du soir, pour commencer. Plus tard, devenue adulte, elle ira se perfectionner en Egypte et en Palestine, mais à vrai dire elle ne parlera jamais la langue de son père. Il devra jouer les interprètes, en Kabylie, quand ils retrouveront les anciens des parages où il est né. Car à force de patience elle est entrée dans les pas de son père. Elle découvre avec lui la faille de son arrachement au village où il est né, le déracinement dont il a fait « le droit à l'errance ». Elle plonge dans l'histoire des populations expulsées de chez elles et entassées dans ce que la France appelait des camps de regroupement. Cette histoire méconnue, maquillée, se dévoile dans son étendue à travers l'espace et le temps.
La vieille Baya lui montre les maisons abandonnées qui tombent en ruine ; elle désigne les terres familiales vendues une à une. Abdelrahman lui raconte comment « quarante-trois paysans regroupés sont partis travailler leur terre, escortés par l'armée française. » Son frère était du nombre. « Il n'est jamais revenu. Il a été retrouvé mort, le visage défiguré par les charognes, sous les figuiers. Dans la maison abandonnée les corps gisaient. »
Dorothée-Myriam Kellou écoute. « Il faut être prudente pour entendre, comprendre et raconter la mémoire, partout présente au creux des discours, cachée dans le pli des corps, en Algérie, en France. » Mais elle ne s'enferme pas dans la quête documentaire. La question de Djibril sous-tend sa quête. « Sommes-nous à jamais coincés dans une seule définition de notre identité ? » se demande-t-elle. Elle prétend exister « en deux et avec deux pays en soi, pas l'un sans l'autre, pas l'un dans l'ombre de l'autre, l'un et l'autre, en pleine lumière. L'un avec l'autre. » Alors que la guerre voudrait nous réduire à une identité contre une autre, et nous y enfermer, elle affronte cette impasse à travers son histoire personnelle, familiale, intellectuelle, amoureuse !
« Pour moi, la seule réconciliation qui vaille, c'est avec soi-même et son histoire » écrit-elle.
Et peu à peu, au fil du récit, chacun trouve sa place et les émotions qui vont avec. On assiste à la rencontre de son père et sa mère à Alger, après l'indépendance. Et le film « A Mansourah, tu nous as séparés » qu'elle écrit au temps du Hirak, devient le lieu où chacun renoue avec la part abandonnée de lui-même.
Une espérance. Une promesse.
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J'ai vraiment aimé ce livre vrai, tendre, documenté et très joliment écrit.
On y découvre peu à peu la Kabylie par l'approche de sa langue, sa cuisine,
ses habitants .....
Dorothée raconte sa propre histoire, la recherche de ses racines algériennes, guidée par les souvenirs de son père.
La connivence entr'eux est très perceptible et rend la lecture crédible et très agréable.
Par une suite de souvenirs bien choisis et écrits avec humour, on plonge véritablement dans le quotidien des "français-algériens" de Nancy.
D'emblée le ton est donné avec "La maman des poissons", une chanson de Boby Lapointe que son père chantait en dansant et que Dorothée écoutait en boucle.
C'est à 14 ans que Dorothée réalise que les algériens parlent arabe, suite à la remarque d'un collégien: "tu dis que t'es algérienne mais tu ne parles pas arabe". En effet, dans les bars enfumés de Nancy que fréquente son père, on parle français ...
Elle entame alors l'apprentissage de cette langue dont le français s'est inspiré pour les mots "choucas", "charabia", mais aussi" hasard", "nénuphar", "alcool"...
En 2011, Dorothée demande à son père de l'accompagner pour le grand voyage, le retour à Mansourah, son village de naissance. Ensemble ils (re)trouvent des parents et amis et l'histoire resurgit à travers leurs paroles.
Certaines de leurs phrases en disent long sur leurs pensées:
"Qu'il doit être difficile de se sentir serein en vivant au pays de l'ennemi"
"Plutôt que de parler arabe, certains hissent le voile ou se font pousser la barbe"

En découvrant ces lieux, mythiques pour son père, Dorothée se demande comment celui-ci a survécu à cet exil, elle croit que l'Algérie est le paradis, tente de s'y installer mais regrette vite l'Algérie de l'exil.....et rentre à Nancy.

Bravo Dorothée, ton histoire est vraiment émouvante, comme tu as eu raison de faire parler ton père, de lui demander de te guider, vous sortez tous les deux de cette aventure complices et fiers, toi d'avoir grâce à lui fait la lumière sur tes origines et lui de t'avoir livré les secrets de son histoire il ne restait plus qu'à réaliser un film, et tu l'as fait, DOUBLE BRAVO et MERCI pour le partage,
Très cordialement,
Titanne






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Nancy-Kabylie! il est une histoire dont le silence est assourdissant. Et pour le briser , il faut user des chemins de traverse. Myriam Dorothée Kellou plonge au fond de son intimité, pour nous donner à voir de quoi fut capable cette guerre qui fut d 'après mon père, préfet de la République J.M Robert, "la pire de nos guerres." Avec ce livre, ce n 'est pas seulement un chemin qui nous mène à Israël et en Palestine, à la France et en Algérie...c 'est l' impensable qui tient a l 'universel, dans une écriture sobre, douce , envoûtante, et qui nous dit tout le chemin à parcourir pour sortir de leur Histoire, pour faire histoire, de nos histoires intimes et retrouver le chemin complexe de notre paix, de nos identités toujours ouvertes et en suspension. Si ce livre m 'a dévoré en une nuit, je le goûte a présent à l 'aune de ma vie et et de nos cheminements célestes et véritables. Ne pas lire ferait offense à notre humanité, à notre histoire, à notre quête d 'intimité et de vérités...
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Un livre magnifique, à la forme hybride entre récit personnel et documentaire. La langue est une pure beauté. Les chapitres, courts, s'enchaînent les uns après les autres, suivant l'itinéraire intime et le cours de l'Histoire. Dorothée-Myriam Kellou aborde ici un sujet dur (les camps de regroupements en Algérie pendant la guerre de libération) encore peu connu en France à travers le prisme de l'expérience de son père Malek et de sa famille, et tout en faisant cela elle décrit son cheminement à elle, qui jusqu'à l'adolescence ignorait cette réalité.
Un livre d'une grande sensibilité et d'une grande subtilité, qui ne donne pas de leçons mais qui donne à voir, à ressentir, à mieux comprendre ce pan oublié de l'Histoire qui pourtant résonne encore tragiquement dans les mémoires contemporaines.
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A travers une plongée à la fois documentée et intime dans son histoire familiale, Dorothée Kellou met un coup de projecteur sur une partie de l'Histoire trop souvent rognée et ignorée. Il est édifiant d'y découvrir tout un pan de la guerre d'Algérie passé sous silence, la réalité des camps de regroupements. Poursuivant ce travail de recherche amorcé avec son documentaire, À Mansourah, tu nous as séparés (2019), où elle a suivi les traces de son père dans son village natal, ainsi que le podcast France Culture, L'Algérie des camps,
la quête / l'enquête de Dorothée Kellou - cette fois-ci de facture littéraire - nous rappelle la nature douloureuse et nécessaire du travail de la mémoire. A lire absolument
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
C'est la connaissance intime de la langue qui me manque. La langue des bruits, des odeurs, la langue de l'amour, de la joie, des peurs, du rien, de la vie, de la rue, âpre et heureuse, douce et rugueuse du quotidien. Ce n'est pas la langue figée des livres qui me déserte. Ce n'est pas elle dont j'ai soif même si je me résoudrai à l'apprendre. Comme l'Algérie qui, à son indépendance, a cherché à recouvrer "son" identité et "sa" langue, impasse du singulier, je décide de m'arabiser.
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Tendons l’oreille à nos ainés encore vivants. Eux savent : l’oppression coloniale, la ségrégation, la hiérarchie raciale. Enfants, petits enfants, nous gardons en bouche ce goût amer, relent d’histoire mal digérée.
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La grand-mère est décédée, paix à son âme, l’histoire avec elle envolée.
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Vidéo de Dorothée-Myriam Kellou
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