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EAN : 9782940431182
213 pages
La Baconniere (14/11/2013)
4.17/5   24 notes
Résumé :
Nouvelle édition à La Baconnière.
Enfant naturel d'un avocat issu de la petite noblesse et d'une servante - comme N.N., le héros anonyme de ce roman -, Gyula Krúdy (1878-1933) naquit à Nyíregyháza, une petite ville de Hongrie orientale. Il connut la célébrité à Budapest où il suscita par son apparence seule une foison de légendes: celle du "Prince de la Nuit", du joueur, du séducteur... Il écrivit néanmoins plus de quatre vingt-six romans et des milliers de n... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
N.N. ( initiales de “nomen nescio “, qui signifie une personne anonyme ou non définie ), le héros de cette histoire, est un de ces individus qui ayant manqués le train de l'histoire, sont restés dont l'ancien monde où les gens vivaient par plaisir. Ils ont encore une idée romantique de la femme, l'amitié leur est un serment sacré, ils portent longtemps le même chapeau et sur leur cravate l'épingle est éternelle.....
Partiellement autobiographique, ce “petit roman” recèle la nostalgie d'un temps révolu que l'auteur hongrois considére comme un Paradis perdu et où l'on y décèle un vague air de Tchekhov ou de Tourgeniev. « C'était une Hongrie heureuse,où ce qui préoccupait le plus les gens était le savoir-vivre. »
Sur fond de chant de cigale (« .....la cigale grésillant parmi les feuilles de bardane, c'était la vraie vie » ) l'auteur déploie l'image d'une Hongrie de province de la région de la grande plaine hongroise de Nyírseg du début du XXiéme siècle où le temps s'est arrêté, “Ici, chacun voulait vivre de son passé, selon que son père ou son grand-père avait jadis été. C'est ici que cette étrange Hongrie grise, vantarde, crâneuse, ostentatoire, ronflait, baillait, s'ennuyait, traînait sa misère en menant le plus longtemps possible sa paresseuse vie.” Nyirseg est le pays natal de l'auteur naquit en 1878 comme fils naturel d'un avocat de la petite noblesse hongroise et de la bonne au service de sa famille, les Krudy ( les parents se marièrent finalement quand Gyula eu 17 ans, et eux leur septième enfant 😁). Ce livre Krudy l'écrit en 1919 alors qu'il a 41 ans. Devenu éditeur et écrivain célèbre à Budapest il retourne dans les lieux de son enfance, ressuscitant un passé qu'il évoque avec nostalgie et où les femmes sont à l'honneur.
C'est son deuxième livre que je viens de lire, après « L'affaire Eszter Solymosi » que j'avais beaucoup apprécié. Ici même si le ton et l'histoire sont différentes( la palette littéraire de l'écrivain semble très large en genre) sa voix est reconnaissable et personnelle. Gorgée de poésie (« Les ruines de l'ancien moulin à vent se faisaient réchauffer au soleil dans le bonheur, après avoir oublié les fantômes de la nuit, les hiboux et les chauves-souris ») et de mélancolie, par le biais d'anecdotes, un récit qui résume « une manière de vivre, un style de vie, retrouvés, reperdus, posés en valeurs désormais probablement inaccessible: l'ancienne vie magyare ».
Un roman magnifique qui nous transporte dans « la vraie vie » celle de notre imagination qui est ailleurs dans le lointain ou dans le passé.


« ....il est nécessaire que chacun ait sa propre cigale dont les chants et les bercements lui font oublier toute sa vie. »
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Dès les premières lignes, je me suis sentie projetée dans une autre réalité, un monde à l'atmosphère envoutante, passéiste. Gyula Krùdy possède une écriture ensorcelante, musicale qui touche au monde de la beauté. Je dois sa découverte à notre amie Bookycooky et je comprends aisément l'attraction que pouvait exercer Gyula Krùdy sur Sandor Marai qui le tenait en haute considération. C'est une écriture irréelle, onirique, celle qui vous fait oublier le quotidien, le médiocre, le laid. J'ai été touchée par la poésie qui se dégage de ce texte, par la nostalgie agréable qui exsude de ce récit.

A chaque page, on s'attend à voir surgir des tziganes au son des violons, des saltimbanques passent juchés sur des carrioles, des robes virevoltent, des paysages hongrois défilent sous nos yeux, tout est magnifié ! Les amours éphémères se cueillent de temps à autre hormis l'amour de Juliska qui attend.

Quel bonheur de pénétrer dans cette auberge accueillante, l'étoile Auberge avec sa lampe à pétrole et sa cheminée fumant sans cesse où des étrangers joyeux chantent des ritournelles après avoir dégusté le vin de Tokay.

Mais ce que j'ai particulièrement savouré c'est la façon dont la nuit inspire notre vagabond, N.N., sous les étoiles.

« Les nuits de pleine lune, les nuits des grues, des hérons, des oies sauvages, des canards pèlerins, lorsque les coups de fusil du chasseur Vencel parviennent du marais jusqu'à Sosto, les étoiles restent en retrait, les chalets « suisses », les maisons de plain-pied de la station balnéaire se cachent derrière des rideaux bleus comme pour veiller sur la tranquillité des dormeurs. C'est le silence, c'est la nuit, sous un chêne, à la clarté d'un bougeoir en verre, des ombres noires devisent pour savoir comment être heureux tout au long de la vie … Ces nuits de pleine lune, je rôdais, solitaire, autour du lac. L'ombre du poirier sauvage qui poussait au bord de la route était mon amie ; le noisetier sous lequel je m'étais jadis assoupi dans l'herbe ne m'avait pas encore oublié ; les roseaux chuchotaient avec douceur, comme s'ils attendaient leur cher ami, le canard sauvage ; la chauve-souris qui zigzaguait au-dessus de l'eau à la manière d'un esprit égaré, s'est arrêtée d'aplomb au-dessus de ma tête : indiquait-elle quelqu'un, semblable à une fusée noire, que j'errais là dans la roselière, le long de l'étroit ruisseau, dans le silence, la solitude douloureuse ? …. Si quelqu'un voulait me trouver, il fallait me chercher par là, traverser la passerelle moussue, ne pas s'effrayer des grenouilles faisant des culbutes dans le fossé, du bruissement du vent qui, dans son demi-sommeil, donne le signal, du scintillement d'outre-tombe du lac, du cri venant d'un autre pays des oie s sauvages hantant la plaine, de l'aspect fantomatique des lointaines rangées d'acacias, du chant des moustiques de la nuit qui résonne parfois comme une litanie funèbre devant un mourant ? … Je suis là. »

Je me suis promenée dans la Hongrie du début du XXème siècle et dans ses souvenirs perdus au fin fond de sa mémoire. J'y ai retrouvé, en sa compagnie, les rues enneigées de son enfance, son adolescence, ses premiers émois amoureux, ses parents et aussi Jella, femme d'un autre temps, courtisée par trois générations d'hommes, le grand-père, le père et le fils.

Dans la région de Nyirség, pays de bouleaux situé au nord-est de la Hongrie, le temps donne la sensation de s'être arrêté. Les gens vivent au rythme des saisons et du travail des champs. Ils sont heureux dans la simplicité et cette humilité lumineuse donne des passages d'une poésie qui – je présume – révèle l'âme hongroise.

Si N.N. nous confie les réminiscences d'un passé magnifié, il nous confie aussi son insatiable désir d'évasion, d'aventures, ce besoin de trouver ce petit quelque chose qu'on appelle « absolu » tant il ne peut se satisfaire de sa vie au quotidien. Perpétuel insatisfait, il quittera ses bouleaux pour Pest dont il reviendra à l'âge mur. Toujours en quête, le regard qu'il posera sur son enfance sera sublimé et c'est ainsi qu'il nous offrira son chant des cigales dans cette autobiographie.

« La lumière de la lune traverse les champs. Et les somnambules errent désemparés. La cigale fredonne leur chanson, chef d'orchestre de l'au-delà dont toute la mission tient en ces nuits uniques où le clair de lune aspire à l'âme des êtres ».

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N.N. héros anonyme, enfant anonyme, ce roman est, on le sait largement autobiographique. Il est poignant. Besoin d'exister, besoin de reconnaissance, besoin d'amour et d'amitié, N.N. quête, mais dans sa quête il brûle ses ailes, ses yeux et sa bouche.
Le roman s'ouvre sur des pages, "la cigale'"... la cigale fut ma nourrice, la demeure de la cigale, etc..., les images de la cigale sont magnifiquement géniales, la cigale on a compris est l'auteur lui même, cigale et non fourmi.
Les chapitres suivants montrent toute la quête d'amour de la part de l'auteur. Amour de la femme, amour d'un passé qui s'est fondu, amour d'une famille qui a disparu ou n'a jamais existé, le narrateur, Krudy lui-même sans doute, promène sa quête d'amour, sa tristesse, sa joie car il est toujours optimiste, sa nostalgie, donc ses paradoxes, à travers des paysages magyars absolument magnifiés sous sa plume.
Krudy est un amoureux éperdu de son pays, il ne nous épargne rien des couleurs changeantes à chaque saison, des sons, des parfums.
Lire un roman de Krudy c'est d'abord accepter de se transporter dans la Hongrie d'avant le traité de Trianon. Et pour comprendre la Hongrie, il faut en passer par ce traité.
Lire un roman de Krudy tel que celui-là c'est accepter d'osciller entre magie et réalité, entre féérie et quotidien, entre sublime et sordide.
Lire ce roman de Krudy, c'est se rendre à l'évidence que sa plume est hors de tout, hors du temps, hors de tous les temps, telle que celle de Proust,.
Lire ce roman de Krudy plutôt qu'un autre, c'est se plonger dans un univers "hongrois" ou "magyar" qui ouvrira sur les autres grands écrivains de ce peuple d'une beauté et d'une culture inouïes.
Lire ce roman c'est se délecter dans un monde qui n'existe plus, partager l'oeuvre d'un écrivain qui a disparu prématurément car il a consumé sa vie, mais c'est se régaler d'une écriture imagée à en rire, précise à en pleurer, colorée à en redemander, épicée à vouloir en relire.
Mais c'est un autre monde. Lire Krudy c'est se transporter dans un autre monde, un autre univers, une littérature différente, une littérature qui amène à une forme de pureté, une littérature qui nous élève. Et le plus, c'est qu'on en redescend pas.
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Gyula Krudy raconte dans ce livres ses souvenirs d'enfance. Son père, son grand-père, sa grand-mère, et plus discrètement sa mère apparaissent. Mais évidemment à la façon de l'auteur, impressionniste. Peu d'événements, et alors à l'arrière plan, révélés comme par inadvertance. Ce qui compte ce sont les sensations, les ambiances, les ressentis, et la nostalgie qu'ils éveillent, le regret fugitif de choses passées. Jusqu'à essayer de créer une suite, un présent au passé, dans lequel la réalité et le rêve s'entrecroisent.

On est toujours dans le même univers, et ici on entrevoit le substrat qui a pu y donner vie, dans l'enfance même de l'auteur. Peu de différences entre ses livres de fiction et sa vie, au point où l'on peut se dire que ce qu'il raconte inlassablement dans ses livres c'est la substance même de son existence. Que ses différents personnages sont des visages différents qu'il se donne, en essayant d'imaginer ce qu'une subtile variation aurait pu changer. Fascinant.
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"N.N.", ce livre précieux entre tous, je l'ai lu, relu et j'ai pensé que Krúdy était l'écrivain de la mélancolie heureuse. C'est très rare, un écrivain qui écrit pour le bonheur et non son contraire, dame Tristesse. Je pourrais vous citer des dizaines de passages à l'appui de ce que je vous écris là. Je me contenterai de glisser sous votre porte l'image de cette " aube d'été venant d'arriver comme la roulotte carillonnante des comédiens "... "Mélancolie heureuse " veut dire que l'on fait corps avec la fuite du temps au lieu de chercher à le retenir : pourquoi s'en effrayer ? J'aime infiniment que Krúdy évoque au passage "ces petites villes d'eaux qui furent si nombreuses dans l'ancienne Hongrie ". Ce monde a disparu, et pourtant j'en jouis encore.
Michel Crépu à propos de "N.N." de Gyula Krúdy dans La Revue des Deux Mondes
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Mes parents, dans la maison ocre, se frottaient les mains le matin si un épais brouillard couvrait le paysage mais ils ouvraient vite les volets au moindre rayon du soleil. Les averses du printemps, à la rumeur si singulière, leur inspiraient de la joie mais personne n'éprouvait de la tristesse à l'arrivée des silencieuses pluies d'automne qui évoquaient le bruit de pas d'enfants morts. Il n'était pas de nuit épaisse qui n'eût des choses à nous apprendre. Pas d'hiver, même rude, pour nous ôter à jamais la joie de vivre. Et des mille clochettes du printemps, pas une voix ne nous échappait. Je vivais parmi des gens heureux que le soleil inondait à plaisir. La flamme de l'été, la pâleur de l'automne, le lilas du printemps, la blancheur de l'hiver, étaient les couleurs de la vie. Dans la gentilhommière, la vie s'alignait toujours sur l'ordre naturel extérieur.
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Quel merveilleux paradis tu es,auberge, lorsque l’air se met à peser sur nos poitrines entre les quatre murs du foyer familial, que la bonne humeur glisse sous la table comme le bouton d’un pantalon et que les yeux s’assombrissent parce qu’ils ne voient plus rien de rassurant dans l’existence terrestre, ni dans la femme, ni dans l’enfant et qu’ils n’ont plus d’espoir dans le lendemain....Ils avaient bien des raisons d’espérer en toi, ceux qui avaient trouvé ton étoile dans le firmament ! Aussi ne m’étonnais-je jamais lorsque à la première chute de neige je constatais que le chemin tournait vers l’auberge. Le chemin avançait, et avec lui les gens qui souhaitaient oublier le passé , le présent, toute chose....
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Combien d’espèces de chansons peut chanter la cigale autour d’une vieille maison où les habitants s’installent pour la vie éternelle ?
Dans une maison hongroise aux murs ocres, aux volets blancs, aux cheminées rouges, aux tuiles pourpres, à la grande-porte, aux pilastres carrés, aux fidèles komondors, dans une maison qui se taise profondément , semblable à celle où je suis né, personne ne s’imagine que la vie puisse avoir un terme.
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Cette fois encore le soleil se mirait dans les flaques d'eau. L'ornière, la boue, n'avaient pas changé. Comme trente ans auparavant, les roues dessinaient derrière elles une ligne infinie. Des gens se trouvaient assis dans les voitures et songeaient aux mêmes choses que leurs pères, leurs grands-pères. Sur les hautes branches défeuillées en partie, la brume étendait ses vêtements misérables. A la croisée des chemins, la brise soulevait les loques bariolées des comédiens ambulants et des Tziganes. Sur le crucifix, une couronne de fleurs des champs se desséchait : on eût dit que la main qui venait fleurir le souvenir du Rédempteur était éternelle.
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C'était la nouvelle lune - un jour de carnaval - et N. N., le héros anonyme de cette histoire, passait son temps au Loup Blanc, une auberge située en dehors de la ville.
Nombreux sont ceux qui disent que l'ancien monde où les gens vivaient par plaisir est passé. En Hongrie, les cheminées ne fument plus avec la même sincérité, les cœurs sont las. Mais que nous importe la manière dont le monde se renouvelle - car c'est dans sa nature même -, il existera toujours des voyageurs pour manquer leur train.
Ces individus manqués (dont N. N. fait partie) continuent à porter de vieux manteaux de fourrure rongés par les mites et des états d'âme quasiment ressuscités du tombeau. Avec le barbier, ils discutent chaque fois du même sujet et se font coiffer comme il y a trente ans. Ils ont gardé une certaine opinion des femmes, puisée dans les livres de monsieur Vörösmarty. L'amitié est un serment sacré, et le but de la vie, c'est le cimetière... A quelque moment que vous les rencontriez, leur humeur est toujours semblable, ils tiennent toujours les mêmes propos. Ils portent longtemps le même chapeau. Sur leur cravate, l'épingle est éternelle. Leur montre ne s'arrête jamais, bien qu'ils l'aient d'ordinaire héritée de leur père. A peine si leur tête s'incline un peu plus vers le sol, à peine s'ils bâillent plus longuement. Ils ne s'étonnent ni de l'hiver ni de l'été. Les soirs bleus avec leurs jardins enneigés, leurs vieux arbres immobiles, leurs nids d'oiseaux qui se cachent dans les branches, leurs ombres à la nouvelle lune, leur savant mutisme, ne dérangent pas plus leur bonne humeur ou leur tristesse que le clair de lune et le sortilège des nuits d'été. Êtres chers, heureux et silencieux, qui apprennent, impassibles, le bruit des haches des bûcherons qui résonne au loin dans la forêt, la mort d'un ami ou d'une connaissance. Puis, dans leur grisaille de glace - vers la fin de la vie -, ils restent assis dans un silence tel qu'on les croirait en train de dissimuler leur existence à la mort. Ce sont des gens ordinaires. Oh ! combien de fois les ai-je observés ! À quoi peuvent-ils bien penser ?
Parce qu'au temps des anciens marchés de Pest elle était le repaire des forains et des brigands de grand chemin, N. N., déjà bien avancé en âge, fréquentait l'auberge à l'enseigne du Loup Blanc dans les faubourgs. Il s'en était raconté des vies de voyageur dans cette buvette malpropre et obscure. N. N. aimait la variété : il portait ses deux chapeaux à tour de rôle.
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