La place forte

Immersion en apnée dans le microcosme politique français.
C'est l'impression que je ressens en refermant ce court roman. Quentin Lafay connait fort bien le milieu qu'il décrit dans La place forte. Au sortir de Sciences-Pô Il a travaillé 5 ans dans les ministères , participé activement à la campagne d'Emmanuel Macron, été "sa plume " avant de démissionner et commencer une nouvelle carrière loin de la politique.
Un universitaire de prestige est sollicité pour devenir Ministre des finances, il intègre Bercy et 6 jours plus tard il quitte le gouvernement .
Nous le suivons pas à pas dans le dédale de ces 6 jours ..
Ce roman est à mille lieues de mes lectures habituelles, je l'ai lu dans le cadre d'un challenge par équipe, et ma foi je me suis laissée embarquée par la "plume" de Quentin Lafay. Un roman qui parlera sans aucun doute beaucoup aux initiés mais qui a très intéressé la béotienne que je suis . Une chose est sure jamais je n'aurais pu trouver ma place dans ce monde , un monde décrié mais qui s'avère indispensable pour le meilleur ou pour le pire.

L'intrigue se passe sur six jours, nous sommes plongés dès les premières lignes dans la vie d'un homme bouleversé par une annonce assez peu commune : il vient d'être nommé ministre des finances sous un gouvernement qui envisage "secrètement" le Frexit.
Une plongée dans les coulisses de Bercy où le vrai et le faux se côtoient (?). Détail qui m'a plutôt plu ! Les descriptions de l'intérieur, du fonctionnement d'un ministère sont enrichissantes.
Une histoire d'homme mais aussi d'amour... par mails interposés (techniques originales de communication dans un roman).
Et une fin !! À laquelle je ne m'attendais absolument pas, qui m'a totalement désarçonnée !
L'auteur met en avant les doutes, la fragilité d'un homme propulsé dans un monde quelque peu inconnu, dans un paquebot ministériel difficile à contrôler.
Un premier roman, court, rythmé, une écriture tout en justesse et fluide. Un thème qui sort de mes lectures ordinaires, c'est plutôt agréable :) Et j'ai vraiment apprécié l'unité de temps qui donne du corps au roman, et bien sûr les échanges de mails !

Quentin Lafay prévient d'entrée de jeu son lecteur: tout rapprochement avec la réalité s'égarerait inévitablement. Il n'en reste pas moins que celui qui est la jeune plume d'Emmanuel Macron depuis son passage au Ministère de l'Economie décrit une réalité probable et tout à fait crédible dans cet exercice de style sur les arcanes du pouvoir. le personnage principal raconte les six jours durant lesquels il a été ministre des Finances, à l'issue desquels, pour cause de dissension avec le chef de l'Etat sur le dossier européen (celui-ci étant partisan d'une sortie de l'Europe), il décidera, fidèle à ses idées, de quitter ses fonctions. L'adieu au pouvoir se double d'un adieu à la femme aimée qu'il n'aura pas su retenir. le récit en forme de fable offre notamment au lecteur la description du paquebot ministériel amarré à Bercy, ce qui n'est pas le moindre de son intérêt.
Voilà donc un livre plutôt réussi, en prise directe avec l'actualité du moment, où l'on relève, in fine, une liste de personnes que remercie l'auteur, dont un certain Emmanuel M. ...

C'est le premier roman d'un jeune homme pressé, il a 27 ans , écrit, ou co-écrit les discours de l'actuel président de la République .
Il imagine les 6 jours durant lesquels un universitaire est nommé ministre de l'Economie et démissionne pour cause officielle qu'il ne veut pas renier sa parole ; le Frexit est dans l'air.
J'en ai retenu avant tout le doute que ressent un homme propulsé ainsi à de hautes fonctions, même s'il me semble que celui évoqué est plutôt dans le registre de la faiblesse ; d'autre part, que ce si jeune auteur habitué des lieux de pouvoir soit aussi non pas cynique, mais désabusé déjà devant l'inanité et la vanité des hommes politiques me fait encore mieux comprendre ce qui a pu pousser son jeune « patron » à donner un coup de pied dans la fourmilière. Je retiens aussi l'hommage qu'il rend à ses pairs , jeunes hauts fonctionnaires dévoués et ne regardant jamais leur montre pour le bien de leur ministre (et le leur aussi: normal)
Mais , ce texte impeccable , digne de la rue d'Ulm, en tous cas d'un sur-diplômé , est froid, difficile d'accrocher l'affect des personnages , et entre les discours et le roman, il faudra peut-être moins de travail et plus de coeur.

En exergue de son roman, Quentin Lafay précise que « tout lecteur qui tenterait d'opérer quelque rapprochement avec la réalité s'égarerait nécessairement ». La précaution s'explique aisément par le fait qu'à l'époque de la publication de « La Place Forte », en avril 2017, le jeune primo-auteur - 27 ans alors - faisait encore partie de l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron, après avoir été précédemment l'un de ses conseillers à Bercy… or son roman met en scène un ministre des Finances à l'épreuve d'une tentative de « Frexit ». S'il est manifeste que Quentin Lafay ne raconte pas l'histoire de son mentor, le tableau qu'il fait du personnel politique et du fonctionnement du pouvoir n'est évidemment pas sans rapport avec ce qu'il a observé.

Béranger Thérice, un universitaire expert en fiscalité européenne, est appelé au gouvernement en qualité de ministre des finances tandis que la gauche est au pouvoir, en 2020.

Plusieurs années après ce passage éclair (six jours) dans un gouvernement qui négocie « secrètement » la sortie de la France de la zone euro, décision à laquelle il était opposé et pour laquelle il n'avait jamais été informé par le secrétaire adjoint de l'Elysée, ce proeuropéen convaincu livre sa version des faits et la véritable raison qui l'a poussé à donner sa démission.

Il y a un parfum de « Quai d'Orsay », la bande-dessinée de Christophe Blain et Abel Lanzac dans ce roman, mais avec l'humour et l'extravagance en moins. C'est en effet une vision assez désabusée du pouvoir que nous transmet Quentin Lafay, avec ce portrait d'un universitaire devenu ministre qui est confronté entre la réalité de la politique et ses convictions profondes.

Le premier paragraphe l'annonce : le ministre démissionne au bout de six jours, mais il faut attendre les toutes dernières pages pour en connaître la vraie raison.

Quentin Lafay – fin connaisseur du monde politique pour y avoir évolué plusieurs années avant de devenir aujourd'hui animateur sur France Culture - nous raconte le cheminement personnel du narrateur et le parcours du combattant pour son entrée en poste : constitution du cabinet, rencontre avec les conseillers, découverte de Bercy, premier déplacement officiel, première intervention à l'assemblée nationale, premiers croche-pieds des vieux briscards de la politiques, anciens ministres, secrétaire de l'Elysée. Les descriptions de l'intérieur, du fonctionnement d'un ministère font froid dans le dos. C'est une véritable plongée dans les coulisses de Bercy où le vrai et le faux se côtoient car les références à la politique française se mêlent à des inventions qui assurent à la fois cohérence et romanesque.

La solitude, dans les bureaux de Bercy, est palpable, seulement peuplée de quelques conseillers et des hommes de l'ombre, comme le chauffeur ou le garde du corps. Quentin Lafay interroge, avec beaucoup de perspicacité (et de nuance) aussi bien ce qu'est le courage politique, le rapport de l'homme au pouvoir et comment cela peut le transformer.

Rapidement, le narrateur se demande s'il a bien fait d'accepter le poste, et se confie par e-mails à son ex-compagne avec laquelle il a connût une relation tumultueuse. L'histoire d'homme politique se double d'une histoire d'amour… par emails interposés.

Il est à noter que la prose de Quentin Lafay - quoique fort élégante – reste très académique et quelque peu lisse, désincarnée.

Un roman à clef intelligemment construit et pertinent qui saura satisfaire tout amateur de politique. En revanche, ceux qui recherchent davantage de profondeur et d'incarnation dans les personnages risquent d'être déçus tant ici c'est la politique qui prime et les protagonistes ne sont que des pantins, rapidement dépassés par la triste réalité du monde politique.
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