Babelio propose de lire tous les livres qui paraîtront lors de la rentrée littéraire, qu'ils vaillent ou non la peine d'être lus. On peut s'engager à en choisir certains, dans une liste, bonne idée pour sortir de ses habitudes et pour tester de nouveaux auteurs.
"Dieu en automne" est un roman historique agréable à lire, écrit avec enthousiasme et force par un jeune auteur qui n'avait jusqu'ici publié que des nouvelles ou des essais. Il raconte l'histoire tragique du jeune abbé Fougère (qui a vraiment existé), prêtre qui ne prêta pas serment au pouvoir politique en place et fut victime des Massacres de Septembre (1792), sorte de grand pogrom organisé par Marat et Danton dans les prisons de Paris. Malgré cet arrière-plan tragique, le roman ne verse jamais dans le dolorisme ni dans l'invective anti-révolutionnaire (ou, à l'inverse, dans la casuistique de l'omelette et des oeufs cassés). Au contraire, le narrateur, tout comme le jeune abbé à l'esprit franciscain, ami de la nature, des bêtes et surtout ami des hommes, tente de tout comprendre, de tout embrasser - même ses ennemis - et le roman évite d'entrer dans les polémiques et les haines mal éteintes de la Révolution. Cet esprit franciscain illumine les pages du livre, les descriptions de la nature et de la ville, pénètre tout de sa bonté.
Cependant, ce roman historique heureux et chrétien paraît un an après le martyre du père Hamel, et pose sans y toucher les graves questions de la politique et de la foi chrétienne (le chapitre où l'évêque "jureur" tente de convaincre les prêtres de servir le pouvoir en place, à grand renfort de sucreries évangéliques, semble fait pour le pape François Bergoglio). Il nous place devant la violence et la haine partisanes, en 1792 mais aussi aujourd'hui, en nous rappelant qu'un refus souriant est toujours possible pour rester humain, sans haine pour les fauves, ni soumission à leur loi. Ce livre chrétien, qui n'est pas sans gros défauts de style et de manière, tombe cependant très bien pour nous donner à penser.
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L'histoire d'un jeune prêtre réfractaire (refus de prêter le serment de fidélité à la Constitution) en 1792.
Très très déçue !
Par le style, les aller-retours qui perdent le lecteur ; les arguments superficiels ne m'ont pas convaincus.
Epilogue : le plagia d'un extrait des livres de Monsieur LENOTRE "Vieux papiers vieilles-maisons" !
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(Une arrestation sommaire en pleine rue, en 1792). Quelques passants s'étaient arrêtés, attirant d'autres désoeuvrés, d'autres buveurs d'ennuis ; on ne sait jamais comment la curiosité traverse les murs et finit par avertir les créatures les plus moroses de la terre qu'un peu de chair fraîche risque de subir le sort commun. Rapidement, elles convergent vers le malheur et leur désagréable colonie s'agglutine, renifle, lorgne, pousse pour voir. Survient-il un accident ? un meurtre ? une arrestation ? Voilà qui les fait sortir du trou. Elles hument le futur cadavre avec la satisfaction de n'avoir rien raté. (...) Tout ce qui menace les êtres encore dans la lumière les rassasie. Faisant mine de s'apitoyer, elles leur barrent paisiblement la route, gênent les secours s'il y en a, commentent. Comment font ces fléaux humains pour peupler si vite la ruelle vide ? Mystère. La catastrophe survient dans la solitude, mais c'est toujours une foule qui boit le sang.
p.106
(Exhumation des ossements, un siècle après). On continue peu à peu, autour d'eux, à constituer la collection inachevée de septembre Quatre-vingt douze. Comme une espèce disparue, laborieusement extraite des strates, elle va gagner la galerie de l'évolution des régimes politiques, former une autre sorte de musée des idées, une vitrine souterraine : la crypte des Carmes.
Ils ont eu la dernière discrétion de se glisser là, presque sous les pieds des passants, dans le sixième arrondissement, et les jours où l'air libre leur manque, de se mêler un peu à la foule.
Quand on tarde à quitter le quartier, le soir, traînant entre la rue du Vieux-Colombier et la rue du Regard, on peut se les figurer traversant le grand jardin qui s'étendait là, non loin du cinéma l'Arlequin, jusqu'au carrefour de la Croix Rouge.
Ces jeunes gens vêtus de noir se retournent et nous regardent avec curiosité, eux aussi.
N'en doutez pas.
Ils traversent l'éternité d'un après-midi d'été.
p. 391.
Au fond, cette librairie est l'église des temps nouveaux, on y prie à voix basse, en deux langues étrangères, le même Dieu : qui s'appelle Avoir Raison.
En accord avec sa sensibilité, le jansénisme offrait les turpitudes pures d'une dévotion entièrement livresque. Port-Royal était fait pour lui. Ce catholicisme déçu du salut l'assurait de trouver refuge dans les vanités impitoyables d'un couvent inexistant, puisque détruit, et donc propre aux imaginations mélancoliques. Voilà une destruction qui était fort pratique : elle assurait ses détracteurs d'avoir eu raison. Grazielli composait cet air d'éternel châtié qui devait rester à l'humanité comme la preuve ultime de ses torts envers lui.
p.155
Se plantant devant les piles d'ouvrages qui annoncent la rentrée littéraire de septembre Quatre-vingt douze, il sourit. Il y a là de quoi feuilleter. On ne manque pas. Signe de bonne santé ? Ou prémices d'un sang trop lourd qu'il faudra clarifier d'un bon coup de lancette ? Qui sait.
p.59