"L'Histoire, comme la rumeur populaire, tend à se déformer lorsqu'elle s'éloigne dans le temps".
G. Lenotre entreprend, ici, de reconstituer le temps de la Révolution, la Révolution "vue de la rue, sur l'heure et de tout près".
"J'étais là, telle chose m'advint", semble-t-il, est la meilleure formule pour écrire l'Histoire la plus vraie, la plus pittoresque et la plus éloquente ... celle qu'on écrit inconsciemment".
Par excès de modestie, Lenotre se nomme "simple chroniqueur" et dit tracer "les traits essentiels" et "de simples croquis".
Alors que finalement de sa collection de "la Petite Histoire" une grande fresque se dégage.
Comme il est curieux, aujourd'hui, lorsqu'on veut tant soit peu le discréditer, de toujours taxer l'historien de royalisme.
L'opinion politique, ici, n'a pas, ou très peu sa place.
"La Révolution par ceux qui l'ont vue", comme d'ailleurs toute l'oeuvre de Lenotre, n'est que pure Histoire.
Et, il serait bien de mauvaise foi, ou de parfaite méconnaissance, de prétendre le contraire.
Est-il toujours historien ? le copiste qui s'éloigne de la source primaire, de l'archive, de la lettre, des vieux papiers et de la vieille pierre, qui ne fait que retranscrire en interprétant le travail laborieux de ses illustres prédécesseurs ?
Il faut rendre à César ce qui est à César !
Et, Lenotre n'hésite pas à citer, à restituer le bénéfice de la recherche à d'autres que lui ... E. Dupont, Léonce Grasilier, Eugène Welvert ...
Dans de courts textes, morceaux de vie choisis et soigneusement reconstitués par de laborieuses recherches, Lenotre retrace ici le destin fugitif et parfois tragique des personnages de 3ème plan cachés derrière les titans qui ébranlèrent le vieux monde.
Car, à la veille de la Révolution, la maison est minée.
Il ne restera bientôt plus rien de la vieille France.
Ce livre est passionnant.
Il raconte de manière vivante et alerte.
Il insuffle le souffle du souvenir au passé figé dans les manuels d'Histoire.
Il corrige aussi parfois.
Il restitue, par exemple, au pauvre Guillotin son véritable destin.
Il nous présente le vrai chevalier Destouches que Barbey d'Aurevilly avait, à la manière hussarde de Dumas, quelque peu maquillé de gloire.
Il nous recommande la première féministe, l'initiateur de la leçon de chose et de la sortie scolaire.
Il raconte les aventures de la fameuse tapisserie de Bayeux qu'un humble héros, Lambert le Forestier, a sauvé d'une destruction annoncée.
Il élucide le mystère de Gaston, héros mal connu du soulèvement naissant de la Vendée, et celui de "Feu de Goy", seul survivant du massacre de 114 prêtres à l'église des Carmes, rue de Vaugirard.
Il fait le lien entre "Petite" et "Grande" Histoire ...
"La Révolution par ceux qui l'ont vue" est un morceau d'Histoire atypique et saugrenu, un de ceux qui ne peuvent que faire aimer le genre.
Et, pour conclure, parce qu'il faut conclure, ce livre est passionnant.
Peut-être est-il un des plus réussis de la série ?
Peut-être est-il aussi possible que la même impression me soit venue à chaque dernière page refermée d'un livre de Lenotre ...
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Quand on eut quitté le Rhin pour batailler sur le Danube, la fraternisation fut plus complète encore et, le 8 septembre 1796, comme l'on célébrait, au camp de Condé, une messe militaire, on aperçut, de l'autre côté du fleuve, les "carmagnols" groupés pour assister pacifiquement à ce spectacle. Au moment de l'élévation, annoncée par un coup de canon, quelle ne fut pas la surprise des officiers royalistes de voir une quantité de soldats républicains s'agenouiller dévotement pour recevoir, en même temps que leurs compatriotes ennemis, une commune bénédiction.
Il me semble que si j'étais peintre je choisirais ce sujet-là de préférence à quelque scène de carnage.
On discute âprement sur les manuels d'Histoire destinés aux écoles primaires.
Le voilà le livre parfait : c'est le recueil de lettres de Joliclerc ; il enseigne à la fois l'amour de la patrie, la tolérance, le respect du passé, la foi dans l'avenir, le désintéressement, la résignation, le mépris du danger, de la réputation, de l'argent, de la mort ...
Et cela fut écrit par un paysan de France qui ne se doutait pas bien certainement que son nom obscur serait un jour imprimé ...
Ceux qui avaient approché Robespierre et ne l'avaient pas renié étaient ainsi traités en parias. Chose singulière, c'est Fouché, l'irréconciliable ennemi de l'Incorruptible, qui, promu par le Directoire, ministre de la police, recueillit l'ancien secrétaire de son adversaire, et Simon Duplay fut placé, sous les ordres de Desmarets, au bureau particulier, spécialement chargé de la police politique.
Il est assez singulier que se perpétuent dans la mémoire populaire les noms des fameux meurtriers et des grands escrocs, tandis qu'on ignore généralement ceux des philanthropes et des sauveteurs ...
On discute âprement sur les manuels d'histoire destinés aux écoles primaires. Le voilà, le livre parfait : c'est le recueil des lettres de Joliclerc ; il enseigne à la fois l'amour de la patrie, la tolérance, le respect du passé, la foi dans l'avenir, le désintéressement, la résignation, le mépris du danger, de la réputation, de l'argent, de la mort… Et cela fut écrit par un paysan de France qui ne se doutait pas bien certainement que son nom obscur serait un jour imprimé.